LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 2262 du code civil, alors applicable, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'agissant sur le fondement d'une ordonnance du 26 mai 1984, rendue par le président d'un tribunal de commerce et faisant injonction à M. X... de lui payer une certaine somme au titre du solde d'un prêt, la société Financière Suffren, après avoir fait délivrer à M. X..., le 4 mai 2006, un commandement de payer, a fait pratiquer à son encontre, le 10 octobre 2006, une saisie-attribution dont il a demandé l'annulation, en invoquant la prescription décennale de la créance ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance, que la circonstance que celle-ci soit constatée par un titre exécutoire n'a pas pour effet de modifier cette durée, qu'il s'agit en l'espèce d'une créance commerciale soumise à la prescription décennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, qu'il n'existe aucun acte interruptif de prescription entre le 17 décembre 1984, date d'une saisie-exécution, et le commandement du 4 mai 2006 et que la créance est ainsi prescrite ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la saisie était poursuivie sur le fondement d'une condamnation à payer régie par la prescription de droit commun de trente ans, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la société Financière Suffren la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la société Financière Suffren
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a constaté la prescription de la créance constatée par une décision de justice et annulé la saisie-attribution pratiquée le 10 octobre 2006 et dénoncée le 31 octobre 2006 ;
AUX MOTIFS tout d'abord QUE la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance ; que la circonstance que celle-ci soit constatée par un titre exécutoire n'a pas pour effet de modifier le délai de prescription ; que nonobstant le fait que la créance ait été constatée par une ordonnance d'injonction de payer, la prescription décennale de l'article L.110-4 du Code de commerce doit s'appliquer ; qu'aucun acte interruptif de prescription n'a été accompli entre le 17 décembre 1984, date de la saisie-exécution, et le commandement délivré le 4 mai 2006 ;
Et AUX MOTIFS encore QUE « la Société FINANCIERE SUFFREN soutient que l'application immédiate d'une règle de prescription issue d'un revirement de jurisprudence aboutit à priver l'une des parties d'un procès équitable ; qu'en l'espèce, jusqu'à l'année 2003, il était admis par la Cour de cassation que la poursuite de l'exécution d'un titre exécutoire était régie par la prescription de droit commun ; qu'il sera toutefois relevé que la Société FINANCIERE SUFFREN est cessionnaire de la créance de M. X... depuis l'année 2005 ; qu'à cette date, l'une des chambres au moins de la Cour de cassation (1re chambre civile, 11/02/2003) avait adopté la jurisprudence initiée en 2005 et consacrée en 2007 par l'Assemblée plénière ; que la Société FINANCIERE SUFFREN, professionnelle avertie du droit, a donc pris un risque en acquérant en 2005 une créance dont le recouvrement était incertain ; que lorsqu'elle a entamé son action en recouvrement en 2006, l'Assemblée plénière s'était déjà prononcée dans un arrêt du 10 juin 2005 ; qu'elle n'a donc pas été privée, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, du droit à un procès équitable (…) » (arrêt, p. 3, § 5, 6, 7 et 8) ;
ALORS QUE, premièrement, lorsqu'une créance échue fait l'objet d'une décision de justice, la prescription applicable à l'obligation, constatée par décision de justice, est la prescription trentenaire, peu important la nature ou les caractéristiques de la créance ainsi constatée ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé par fausse application l'article L. 110-4 du Code de commerce et, par refus d'application, l'article 2262 du Code civil ;
Et ALORS QUE, deuxièmement, s'il est vrai que le fait qu'une obligation soit constatée par un acte authentique n'affecte pas le régime de la prescription, lequel reste déterminé par la nature ou les caractéristiques de la créance, cette règle, qui ne concerne que les actes authentiques, ne s'applique pas aux créances constatées par une décision de justice ; qu'à cet égard encore, l'arrêt attaqué a été rendu en violation, par fausse application, de l'article L. 110-4 du Code de commerce et, par refus d'application, de l'article 2262 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a constaté la prescription de la créance constatée par une décision de justice et annulé la saisie-attribution pratiquée le 10 octobre 2006 et dénoncée le 31 octobre 2006 ;
AUX MOTIFS tout d'abord QUE la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance ; que la circonstance que celle-ci soit constatée par un titre exécutoire n'a pas pour effet de modifier le délai de prescription ; que nonobstant le fait que la créance ait été constatée par une ordonnance d'injonction de payer, la prescription décennale de l'article L.110-4 du Code de commerce doit s'appliquer ; qu'aucun acte interruptif de prescription n'a été accompli entre le 17 décembre 1984, date de la saisie exécution, et le commandement délivré le 4 mai 2006 ;
Et AUX MOTIFS encore QUE « la Société FINANCIERE SUFFREN soutient que l'application immédiate d'une règle de prescription issue d'un revirement de jurisprudence aboutit à priver l'une des parties d'un procès équitable ; qu'en l'espèce, jusqu'à l'année 2003, il était admis par la Cour de cassation que la poursuite de l'exécution d'un titre exécutoire était régie par la prescription de droit commun ; qu'il sera toutefois relevé que la Société FINANCIERE SUFFREN est cessionnaire de la créance de M. X... depuis l'année 2005 ; qu'à cette date, l'une des chambres au moins de la Cour de cassation (1ère chambre civile, 11/02/2003) avait adopté la jurisprudence initiée en 2005 et consacrée en 2007 par l'Assemblée plénière ; que la Société FINANCIERE SUFFREN, professionnelle avertie du droit, a donc pris un risque en acquérant en 2005 une créance dont le recouvrement était incertain ; que lorsqu'elle a entamé son action en recouvrement en 2006, l'Assemblée plénière s'était déjà prononcée dans un arrêt du 10 juin 2005 ; qu'elle n'a donc pas été privée, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, du droit à un procès équitable (…) » (arrêt, p. 3, § 5, 6, 7 et 8) ;
ALORS QUE, premièrement, à supposer que l'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 10 juin 2005 (Bull. AP, n° 6, p. 15) puisse être compris comme ayant remis en cause la jurisprudence antérieure instituant une prescription trentenaire pour les créances constatées par une décision de justice, même à l'égard des créances échues, le droit au procès équitable se serait opposé, en tout état de cause, à ce que cette règle nouvelle puisse être invoquée rétroactivement pour une période antérieure au prononcé de l'arrêt du 10 juin 2005 ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Et ALORS QUE, deuxièmement, il ne pouvait davantage être objecté que la Société FINANCIERE SUFFREN avait acquis en toute connaissance de cause la créance, puisque la cession de créance est intervenue le 2 mai 2005 alors que le revirement invoqué n'est intervenu que le 10 juin 2005 ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.