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13/12/2022 | FRANCE | N°22-81257

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 décembre 2022, 22-81257


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 22-81.257 F-D

N° 01569

SL2
13 DÉCEMBRE 2022

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 DÉCEMBRE 2022

MM. [X] [Y], [B] [Y] et [R] [W] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 décembre 2021, qu

i, dans l'information suivie contre eux des chefs de meurtre, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 22-81.257 F-D

N° 01569

SL2
13 DÉCEMBRE 2022

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 DÉCEMBRE 2022

MM. [X] [Y], [B] [Y] et [R] [W] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de meurtre, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, en bande organisée, et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 30 mai 2022, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.

Un mémoire, commun aux demandeurs, et un mémoire « en défense » ont été produits.

Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [X] [Y], [B] [Y], [R] [W], les observations de Me Descorps-Declère, avocat de M. [J] [L], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. À la suite d'une attaque à main armée en Suisse de deux véhicules de transport de fonds susceptible d'avoir été commise par des résidents français, une information judiciaire a été ouverte en France.

3. Les enquêteurs ont constaté, au vu de mouvements bancaires et de la géolocalisation d'un véhicule, que trois des personnes suspectes s'étaient rendues en Espagne le 3 mars 2020 et y avaient pré-réservé un véhicule utilitaire.

4. Le 5 mars suivant, ils ont porté à la connaissance de la police espagnole l'identité de ces personnes et l'immatriculation des deux véhicules. Celle-ci a sollicité la transmission des points de géolocalisation du véhicule surveillé et, après avoir reconstitué son parcours et découvert des éléments pouvant faire suspecter un meurtre, transmis les résultats de son enquête aux policiers français.

5. Le 11 mars 2020, le juge d'instruction a adressé une décision d'enquête européenne aux autorités judiciaires espagnoles, en sollicitant notamment l'autorisation d'exploiter les points de géolocalisation relevés sur le territoire espagnol et la réalisation de constatations sur le véhicule utilitaire loué.

6. Les investigations effectuées dans ce cadre ont été retournées au juge mandant le 4 août 2020.

7. Après ouverture, le 4 septembre 2020, d'une information judiciaire des chefs d'enlèvement et meurtre, MM. [X] [Y], [B] [Y] et [R] [W] ont été mis en examen le 10 décembre suivant.

8. Ils ont fait déposer, les 31 mars 2021 et 10 juin suivant, des requêtes en nullités d'actes et de pièces de la procédure.

Examen de la recevabilité du mémoire déposé pour M. [J] [L]

9. M. [L], n'ayant déposé ni requête, ni mémoire devant la chambre de l'instruction, n'a pas été partie à la procédure devant cette juridiction.

10. Il s'ensuit que son mémoire est irrecevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'absence de détermination du cadre juridique de l'intervention des enquêteurs espagnols, alors « qu'il se déduit du principe de souveraineté des Etats que l'utilisation en procédure d'éléments de preuve issus de la coopération entre les services de police français et les services de police étrangers suppose l'identification précise du cadre légal dans lequel cette coopération intervient, de façon à pouvoir en contrôler le respect strict ; qu'en rejetant le moyen de nullité tiré de cette irrégularité, lorsqu'il ressort, déjà, des pièces de la procédure qu'un certain nombre d'actes d'enquête ont été accomplis sur la seule demande des enquêteurs français, sans intervention d'une quelconque autorité judiciaire, qu'il en résulte, en outre, que ces demandes ont été effectuées en marge de tout cadre institutionnalisé de coopération, en tout cas en dehors du cadre de la seule demande d'enquête européenne identifiée, qu'il s'en évince enfin qu'un certain nombre d'actes d'enquête ont été accomplis par les services de police espagnole en présence de fonctionnaires de l'Office anti-stupéfiant, la chambre de l'instruction, qui ne pouvait qu'en déduire l'incertitude manifeste quant au cadre légal dans lequel les opérations de coopération entre les services français et espagnol d'enquête ont été réalisées, a violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

12. Pour rejeter le moyen pris de l'absence de détermination du cadre juridique de l'intervention des enquêteurs espagnols, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du procès-verbal établi le 5 mars 2020 par l'officier de police judiciaire de l'office central de lutte contre la criminalité organisée qu'il a, dans le cadre des accords de coopération policière, directement pris contact avec les policiers espagnols.

13. Les juges ajoutent que cette demande initiale est conforme aux règles régissant les échanges spontanés d'informations et les relations bilatérales franco-espagnoles résultant de l'article 46 de la Convention de Schengen et du traité franco-espagnol du 7 juillet 1998.

14. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les règles de l'entraide judiciaire internationale.

15. En effet, l'article 695-9-31 du code de procédure pénale, applicable dans les relations entre la France et l'Espagne, autorise les services et unités de la police et de la gendarmerie nationales exerçant des missions de police judiciaire à solliciter, aux fins de prévenir une infraction, d'en rassembler les preuves ou d'en rechercher les auteurs, la transmission d'informations de la part des services compétents d'un Etat susceptible de détenir de telles informations ou d'y accéder, sans qu'il soit nécessaire de prendre ou solliciter une réquisition ou toute autre mesure coercitive.

16. En conformité avec ce texte, la demande de l'officier de police judiciaire du 5 mars 2020 visait à prévenir tout prolongement de faits criminels en Espagne et à obtenir des éléments d'élucidation dans l'enquête française.

17. Dès lors, les informations obtenues des services de police espagnols, lesquels ont estimé nécessaire de procéder à des investigations, dans des conditions qu'ils ont souverainement déterminées et sur la régularité desquelles le juge français n'a, hors violation des droits de la défense ou d'un principe général du droit, aucune compétence pour se prononcer, s'inscrivent dans ce cadre.

18. Le moyen doit en conséquence être écarté.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'irrégularité de l'exploitation des données de géolocalisation du véhicule Renault Clio n° [Immatriculation 1] en Espagne, alors « que l'exploitation des données issues d'une mesure de géolocalisation opérée en dehors du territoire national suppose le versement à la procédure de l'autorisation formelle de cette exploitation émanant de l'Etat étranger concerné par l'opération de géolocalisation ; qu'en se bornant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de l'irrégularité de l'exploitation des données de géolocalisation du véhicule Renault Clio n° [Immatriculation 1] en Espagne, à invoquer et analyser comme autorisation implicite la « communication officielle par les autorités judiciaires espagnoles du détail des données de géolocalisation en Espagne qui leur avait été régulièrement et officiellement demandé » (arrêt, p. 11), sans jamais remettre en cause l'absence en procédure d'autorisation expresse des autorités espagnoles en ce sens, la chambre de l'instruction a violé les dispositions des articles 230-32, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble le principe de souveraineté des Etats. »

Réponse de la Cour

20. Pour rejeter le moyen pris de l'irrégularité de l'exploitation des données de géolocalisation du véhicule sur le territoire espagnol, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de la procédure, et notamment de la décision d'enquête européenne prise par le juge d'instruction dans le cadre d'un dossier distinct, que ce magistrat a sollicité l'autorisation d'exploiter ces données, qu'en exécution de la décision d'enquête européenne, le juge d'instruction espagnol a transmis le rapport d'exploitation de ces données établi par les policiers espagnols et que cette communication officielle emporte nécessairement autorisation d'en utiliser et exploiter les résultats.

21. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu ni les textes visés au moyen, ni les règles de l'entraide judiciaire internationale.

22. En effet, d'une part, la décision d'enquête européenne constituant, conformément à l'article 694-16 du code de procédure pénale, un mécanisme d'entraide visant à l'obtention d'éléments de preuve, la transmission, dans ce cadre, par l'autorité judiciaire de l'Etat requis, des résultats de l'exploitation des données de géolocalisation du véhicule en Espagne, vaut autorisation, pour l'autorité judiciaire de l'Etat requérant, de les exploiter, une autorisation expresse en ce sens n'ayant pas lieu d'être.

23. D'autre part, cette transmission, effectuée le 4 août 2020, et l'autorisation qu'elle implique, rend sans objet la question de la régularité du procès-verbal d'exploitation des données établi le 27 avril 2020.

24. Dès lors, le moyen doit encore être écarté.

25. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 22-81257
Date de la décision : 13/12/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 14 décembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 déc. 2022, pourvoi n°22-81257


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : Me Descorps-Declère, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:22.81257
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