AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que les époux X..., mariés sous le régime de la séparation de biens, ont acquis indivisément, par moitié un immeuble et un fonds de commerce ; qu'après leur divorce, la société Bail équipement (la société), créancière de M. Y..., a assigné ce dernier en partage-licitation des biens immobiliers ; que pour s'opposer à la demande, Mme Z... a invoqué l'existence, au profit de M. Y..., d'une donation déguisée dont elle a sollicité la nullité, en soutenant avoir financé entièrement l'acquisition ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'acquisition ne constituait pas une donation déguisée au profit de M. Y..., alors, selon le moyen :
1 ) que l'article 1099 du Code civil ne subordonne pas l'existence d'une donation déguisée à la dissimulation mensongère de l'origine des fonds ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé ce texte ;
2 ) qu'en retenant que Mme Z... avait avancé une somme de 450 000 francs et souscrit deux emprunts d'un montant total de 450 000 francs tout en relevant par ailleurs qu'elle n'aurait versé que la moitié des fonds d'acquisition, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la qualification de donation déguisée ne peut être retenue qu'en présence, dans l'acte, d'une affirmation mensongère quant à l'origine des fonds ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que la preuve d'une telle affirmation n'était pas rapportée ;
Que, d'autre part, l'arrêt attaqué étant infirmatif, le grief est dénué de toute portée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1166 du Code civil ;
Attendu que la carence du débiteur de la partie exerçant l'action oblique se trouve établie lorsqu'il ne justifie d'aucune diligence dans la réclamation de son dû ;
Attendu que pour déclarer la société fondée à exercer une action oblique à l'encontre de M. Y..., l'arrêt énonce que, si ce dernier justifie avoir agi en révocation de donation à l'encontre de Mme Z..., il s'est abstenu de solliciter le partage requis, caractérisant ainsi son inaction ;
Qu'en se déterminant ainsi alors qu'en assignant Mme Z... en révocation des donations et en inscrivant une hypothèque provisoire sur les biens de celle-ci, M. Y... avait justifié de diligences dans la réclamation de son dû de sorte que le recours à l'action oblique était alors privé de fondement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable la société Bail équipement en son action en partage licitation fondée sur l'action oblique, l'arrêt rendu le 9 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mme Z... la somme de 1 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille cinq.