AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'en dépit d'un arrêté du 21 mars 1994 du ministre de l'Agriculture pris pour application d'une interdiction communautaire momentanée de la pêche à l'anchois faite aux pêcheurs professionnels français, douze chalutiers nationaux, armés par MM. X..., Le Y..., Da Z..., A... et B... (les chalutiers) se sont rendus le 18 avril 1994 sur les lieux de prises, en eaux françaises, où, après qu'ils eurent commencé à pêcher, ils ont été pris à parti par une centaine de chalutiers espagnols, lesquels les ont endommagés ;
qu'ultérieurement, les chalutiers ainsi que l'Office national des produits de la mer et aquaculture (l'Ofimer), subrogé dans leurs droits à concurrence de l'indemnisation qu'il leur a versée, ont assigné en garantie la société AGF MAT, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz maritime aviation (l'assureur), leur assureur ;
Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu que l'assureur reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, alors, selon le moyen :
1 / que la faute inexcusable est constituée dès lors que son auteur aurait dû avoir conscience du danger et n'a pas pris les mesures nécessaires pour s'en garder ; qu'en ne recherchant pas, comme les conclusions de l'assureur l'y invitaient, si, peu avant les faits, de nombreux incidents n'avaient pas eu lieu avec les pécheurs espagnols, y compris des dégradations matérielles, de sorte que les pêcheurs français ne pouvaient pas ignorer le risque qu'ils prenaient en agissant de façon provocante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 172-13 du Code des assurances ;
2 / que son propriétaire doit apporter des soins raisonnables au navire assuré et prendre les mesures utiles pour le préserver d'un dommage ; qu'en ne recherchant pas, comme les conclusions de l'assureur l'y invitaient, si, peu de temps avant les faits, de nombreux incidents n'avaient pas eu lieu avec les pêcheurs espagnols, y compris des dégradations matérielles, de sorte que les pêcheurs français ne pouvaient pas ignorer qu'en violant la réglementation, ils créaient un risque de nouvel incident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 172-13 du Code des assurances ;
Mais attendu qu'ayant retenu que malgré le climat de tension entre pêcheurs des deux pays, jamais les pêcheurs français n'avaient eu à subir une action concertée d'une telle ampleur et d'une telle violence que celle du 18 avril 1994, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil et l'article L. 172-18 du Code des assurances ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que le commerce exercé par les navires conçus et équipés pour la pêche ne peut être qualifié de prohibé ; qu'en effet, la raison de l'exclusion de garantie s'attachant au commerce prohibé est que ce commerce contrevient, soit à l'ordre public national, soit à l'ordre public international, et que tel n'est pas le cas de l'interdiction momentanée de la pêche de l'anchois par l'arrêté du 21 mars 1994, du fait que l'allocation d'anchois attribuée aux navires français pêchant au filet pélagique dans la zone CIEM VII était épuisée ; que les pêcheurs d'Hendaye ont bravé cette interdiction pour des raisons politiques, estimant injuste la faiblesse du quota qui leur avait été attribué par rapport à celui dont bénéficiait leurs voisins et concurrents espagnols ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'exercice de la pêche professionnelle à l'anchois en contravention avec l'arrêté du 21 mars 1994 constitue un commerce prohibé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille cinq.