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27/11/2013 | FRANCE | N°12-16987

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 novembre 2013, 12-16987


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mmes Waltraut X..., née Y..., Stéphanie, Christine et Ulrike X... de leur reprise d'instance aux lieu et place de Johann X..., décédé ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 7 février 2012), que Mme Z... et dix autres personnes, anciens salariés à la retraite de l'Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL), créé par la convention bilatérale conclue entre la République française et la République fédérale d'Allemagne le 31 mars 1958, et sit

ué sur le territoire français à Saint-Louis (Haut-Rhin) ont attrait leur ancien...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mmes Waltraut X..., née Y..., Stéphanie, Christine et Ulrike X... de leur reprise d'instance aux lieu et place de Johann X..., décédé ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 7 février 2012), que Mme Z... et dix autres personnes, anciens salariés à la retraite de l'Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL), créé par la convention bilatérale conclue entre la République française et la République fédérale d'Allemagne le 31 mars 1958, et situé sur le territoire français à Saint-Louis (Haut-Rhin) ont attrait leur ancien employeur devant la juridiction prud'homale notamment pour qu'il soit jugé qu'une décision du conseil d'administration de l'ISL modifiant le minimum garanti des retraites ne leur était pas opposable ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de faire droit à ces demandes, alors, selon le moyen, que l'ISL a été créé par le Traité bilatéral entre la France et l'Allemagne du 31 mars 1958 qui l'emportait sur toute loi interne de droit du travail que la cour de Colmar ne pouvait appliquer avant la mise en oeuvre de la convention internationale ; que la cour d'appel a violé les articles 3 et 1134 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel s'est déterminée par application du statut prétendument méconnu de l'ISL, par une interprétation non critiquée de son article 4 ; que le moyen, qui manque en fait, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Institut de recherches franco-allemand de Saint-Louis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Institut de recherches franco-allemand de Saint-Louis à payer aux défendeurs la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour l'Institut de recherches franco-allemand de Saint-Louis
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'ISL à verser à Madame Z..., Messieurs A..., B..., C..., D..., E..., X..., F..., G..., H..., I..., diverses sommes à titre de garantie de retraite.
AUX MOTIFS adoptés des premiers juges QUE
« Sur l'inopposabilité de la décision du Conseil d'Administration aux demandeurs
- le litige opposant les parties qui avaient été liées par un contrat de travail, repose sur l'application des dispositions du statut du personnel qui avec leur contrat de travail, constituait le fondement même de leurs relations contractuelles ;
Que les demandeurs aujourd'hui retraités soutiennent que leur ancien employeur a méconnu les obligations résultant du statut du personnel et qu'ainsi le différent a pour origine le contrat de travail et les droits et obligations qui en résultent même après leur cessation d'activité ;
- (qu') ainsi les demandeurs ont vocation à bénéficier des dispositions des articles 66 à 86 des statuts du personnel, relatifs à la garantie de retraite ;
- que les contrats de travail des demandeurs signés par les parties font référence explicite au statut du personnel ;
(que) l'article 1134 du Code Civil ¿ dispose :
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur contentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
- le Code du Travail en son article L 1222-1 dispose expressément que :
« Le contrat de travail est exécuté de bonne foi » ;
- que cette notion de bonne foi est fondamentale : elle est d'ailleurs présumée lors de l'exécution d'une clause contractuelle ;
- que la notion de bonne foi a, par ailleurs, la particularité de subsister durant la suspension du contrat de travail et même après sa rupture ;
- que cette présomption de bonne fois est étendue à tout changement des conditions de travail et elle met à la charge du salarié la démonstration de la mauvaise foi de l'employeur dans l'application d'une clause contractuelle ;
- que la charge de la preuve incombe au salarié lorsqu'il entend contester la mise en oeuvre d'une clause contractuelle ;
- que la décision du Conseil d'Administration ne peut être ni ne doit être remis en cause s'agissant des salariés en activité, puisque prévu en son article 4 indice 6 de ces statuts, qui précise « dans la mesure où une modification ou un amendement du Statut du Personnel ou du règlement d'application lèse la situation juridique du titulaire du contrat, elle ne devient effective que si un contrat additionnel est conclu. Si l'intéressé n'accepte pas ce contrat additionnel, l'institut est en droit de résilier son contrat en observant les délais prévus à l'article 37. » ;
- que les demandeurs étant retraités n'avaient plus les moyens de contester la décision du Conseil d'administration ;
Mais que cette décision du Conseil d'Administration, de modifier le mode de calcul du minimum garantie de retraite, ne peut correspondre qu'à une volonté économique pour recadrer les engagements liés aux paiements des retraites ;
- qu'en matière de rétroactivité, le principe de nonrétroactivité constitue un principe important du droit commun. Il est ré-affirmé par l'article 2 du Code Civil en ces termes : « La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif » ;
- qu'en pratique, en droit privé, le juge civil a été amené à moduler les effets d'une annulation quand il s'agit d'un contrat à exécution successive, comme les contrats de travail. Pour ces contrats à exécution successive (dans lesquels les obligations sont échelonnées dans le temps), l'annulation ne vaut que pour l'avenir.
Le Conseil de céans dit et juge que l'Institut de recherche de Saint louis a fait preuve de mauvais foi en appliquant de façon rétroactive aux salariés retraités, une décision ne pouvant s'appliquer qu'aux salariés actifs au sein de la société, et déclare cette décision inopposables aux demandeurs.
Le Conseil de céans dit et juge que l'Institut de Saint Louis (ISL) est tenu de calculer la garantie de retraite prévue sur la base de l'indexation prévue au contrat en vigueur à la date de cessation d'activité » (jugement p. 6, 7 et 8) ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QU' « En la forme, l'Institut appelant conteste vainement la compétence prud'homale alors qu'il est définitivement jugé, par arrêt de la Cour de céans en date du 7 mai 2009, que le litige a pour origine les contrats de travail conclus entre l'I.S.L. et les onze intimés.
Comme le fait valoir l'appelant sur le fond, le statut du personnel de l'Institut Franco-Allemand de recherches de Saint-Louis procède du droit dérivé de la convention bilatérale du 31 mars 1958. Il s'impose à l'Institut lui-même.
Comme le fait également valoir l'appelant, toute modification du statut du personnel est soumise au principe de l'application immédiate des dispositions nouvelles.
Cependant, en son article 4, le statut du personnel prévoit toujours ce qui suit :
« Dans la mesure où une modification du statut du personnel lèse la situation juridique du titulaire d'un contrat de travail, elle ne devient effective que si un contrat additionnel est conclu. Si l'intéressé n'accepte pas ce contrat additionnel, l'Institut est en droit de résilier ce contrat (...) ».
Il s'en déduit que les dispositions du statut du personnel acquièrent elles-mêmes un caractère contractuel dans la relation de l'Institut avec chacun de ses salariés.
Toute modification de ces dispositions n'est applicable, lorsqu'elle fait grief, que si un nouvel accord de la volonté des parties l'intègre dans le champ contractuel, sauf à l'Institut de résilier le contrat. Une modification favorable aux salariés est intégrée sans contrat additionnel.
En l'espèce, au temps du départ en retraite de chacun des intimés, le rapport contractuel comprenait la garantie de retraite minimale dans sa définition et avec ses modalités de calcul antérieurs à la délibération des 26 et 27 juin 2007 modifiant le statut du personnel, même si elle n'existait pas au temps de leur embauche, dès lors qu'elle a été insérée à l'article 84 du statut du personnel à partir du 1er janvier 1974 et qu'étant favorable aux salariés, elle a été intégrée au rapport contractuel sans souscription d'un contrat additionnel.
Cette garantie devenue contractuelle, étant expressément prévue pour s'appliquer après le départ en retraite de chacun des intimés, est nécessairement demeurée après la cessation des relations de travail.
Or la modification du statut du personnel, décidée par le conseil d'administration de l'I.S.L. les 26 et 27 juin 2007, est moins favorable aux retraités, notamment en ce qu'elle prend pour base de calcul l'indice de rémunération à sa valeur au temps du départ en retraite et non plus sur sa valeur actuelle, comme en attestent les pertes subies par M. Klaus E... même si les autres intimés n'ont pas encore enregistrés de manque à gagner.
L'Institut appelant n'a jamais obtenu, ni même recherché un nouvel accord de la volonté des parties pour appliquer les nouvelles modalités de calcul que son conseil d'administration avait arrêtes par délibération des 26 et 27 juin 2007.
Faute de souscription d'un contrat additionnel conformément aux dispositions de l'article 4 du statut du personnel, et en l'absence de résiliation qu'au demeurant l'appelant ne prétend pas pouvoir encore notifier après la cessation de la relation de travail, l'Institut Franco-Allemand de recherches de Saint-Louis reste tenu de l'obligation contractuelle de garantie de retraite minimale selon la définition et les modalités de calcul antérieures à la délibérations des 26 et 27 juin 2007.
Il s'en déduit, comme l'ont dit les premiers juges, que la décision du conseil d'administration des 26 et 27 juin 2007 n'est pas opposable aux retraités intimés, et qu'il s'impose de condamner l'Institut appelant à calculer la garantie de retraite due à chacun d'eux sur la base de l'indexation en vigueur à la date de leur cessation d'activité.
Il s'en déduit également, sans qu'il y ait lieu de caractériser une mauvaise foi que certains intimés n'invoquent qu'à titre subsidiaire, que l'Institut appelant a engagé sa responsabilité pour avoir refusé d'appliquer la garantie dans les termes contractuellement arrêtés.
L'intimé Klaus E... montre sur ce point, après avoir justifié devant les premiers juges d'un préjudice de 245 ¿ pour la seule année 2007, que le refus de l'Institut lui a causé une perte cumulée de 5145,83 ¿ pour toute la période de janvier 2007 à décembre 2010. Le jugement entrepris doit être réformé pour porter à ce montant les dommages et intérêts dus à ce retraité par l'Institut appelant.
Il est équitable qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile et en sus de l'allocation déjà justement fixée par le conseil de prud'hommes, l'Institut appelant contribue aux frais irrépétibles qu'il a contraint chacun des retraités intimés à encore exposer.
En application de l'article 696 du même code, il échet de mettre les entiers dépens à la charge de l'Institut appelant qui succombe » (arrêt attaqué p. 5 et 6).
ALORS QUE l'Institut Franco-Allemand de Recherches de SAINT-LOUIS a été créé par le Traité bilatéral entre la France et l'Allemagne du 31 mars 1958 qui l'emportait sur tout loi interne de droit du travail que la Cour de COLMAR ne pouvait appliquer avant la mise en oeuvre de la convention internationale ; que la Cour d'appel a violé les articles 3 et 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-16987
Date de la décision : 27/11/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 07 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 nov. 2013, pourvoi n°12-16987


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.16987
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