La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2025 | FRANCE | N°32500182

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 avril 2025, 32500182


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


JL




COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 3 avril 2025








Cassation




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 182 F-D


Pourvoi n° K 23-16.776




Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [C].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 août 2023.r>

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025


L...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 avril 2025

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 182 F-D

Pourvoi n° K 23-16.776

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [C].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 août 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025

La chambre de l'agriculture de la Charente, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 23-16.776 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [H] [C], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à M. [X] [N], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

M. [N] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi provoqué contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le demandeur au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la chambre de l'agriculture de la Charente, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [N], de Me Brouchot, avocat de Mme [C], et l'avis de Mme Delpey-Corbaux, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 avril 2023), Mme [C], exploitante d'un centre équestre, a, dans le cadre d'un projet de développement d'exploitation élaboré avec la chambre de l'agriculture de la Charente (la chambre de l'agriculture), conclu avec celle-ci et M. [N], le 6 octobre 2015, un contrat de groupement de maîtrise d'oeuvre pour travaux neufs stipulant une clause de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes avant toute procédure judiciaire.

2. Le 5 janvier 2021, Mme [C] a saisi le conseil régional de l'ordre des architectes d'une demande de conciliation, puis, par actes du 21 septembre 2021, a assigné la chambre de l'agriculture et M. [N] en résolution de la convention du 6 octobre 2015, remboursement d'honoraires et paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et sur le second moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

3. Par leur moyen, la chambre de l'agriculture et M. [N] font grief à l'arrêt de constater le caractère abusif de la clause G. 10, intitulée « Litiges » du contrat conclu entre les parties le 6 octobre 2015 et de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de ladite clause, alors « que commet un excès de pouvoir la juridiction qui, statuant sur appel d'une ordonnance d'un juge de la mise en état, tranche une question de fond dans
le dispositif de son arrêt, sur laquelle le premier juge ne s'était pas prononcé ; qu'en se prononçant sur le caractère abusif de la clause G. 10, prévoyant la saisine du conseil régional de l'ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, aux fins de tentative de règlement amiable, sans se borner à statuer sur les chefs de l'ordonnance du juge de la mise en état frappés d'appel, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation de l'article 795 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

5. Selon l'article R. 632-1 du même code, le juge peut relever d'office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

6. Selon l'article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable au litige, lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance.

7. Ayant retenu que la clause G. 10, prévoyant la saisine du conseil régional de l'ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, avait été conclue entre deux professionnels et un consommateur, c'est par une exacte application des textes précités, exclusive d'excès de pouvoir, que la cour d'appel, légalement tenue d'examiner d'office le caractère éventuellement abusif de cette clause fondant la fin de non-recevoir soulevée par la chambre de l'agriculture et M. [N], a, par une disposition distincte du dispositif de l'arrêt, constaté ce caractère abusif, peu important que le premier juge ne se soit pas prononcé sur ce point.

8. Les moyens ne sont donc pas fondés.

Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche, et sur le second moyen du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

9. Par son moyen, pris en sa deuxième branche, la chambre de l'agriculture fait le même grief à l'arrêt, alors « que ne peut être qualifiée de consommateur la personne physique qui conclut un contrat ayant un rapport direct avec son activité professionnelle, peu important ses compétences techniques dans le domaine de la convention ; qu'en se fondant, pour juger que Mme [C] avait la qualité de consommatrice dans ses rapports avec M. [N] et la chambre de l'agriculture, après avoir pourtant constaté que la première avait contracté en vue de la réalisation d'un projet professionnel, sur la circonstance inopérante tirée de ce qu'elle n'était pas un professionnel de la construction immobilière, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation. »

10. Par son second moyen, pris en sa deuxième branche, M. [N] fait le même grief à l'arrêt, alors « que ne peut être qualifiée de consommateur la personne physique qui conclut un contrat ayant un rapport direct avec son activité professionnelle, peu important ses compétences techniques dans le domaine de la convention ; qu'en se fondant, pour juger que Mme [C] avait la qualité de consommatrice dans ses rapports avec l'exposant et la chambre d'agriculture de la Charente, sur la circonstance inopérante tirée de ce qu'elle n'était pas un professionnel de la construction immobilière, après avoir pourtant constaté qu'elle avait contracté en vue de la réalisation d'un projet professionnel, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article préliminaire et l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

11. Selon le second de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

12. Il résulte du premier qu'est considérée comme un consommateur, au sens du code de la consommation, toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

13. Pour constater le caractère abusif de la clause G. 10 stipulée au contrat et rejeter la fin de non-recevoir tirée de sa méconnaissance, l'arrêt retient qu'il a été conclu entre deux professionnels et un consommateur, dès lors que, si Mme [C] a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre immobilière portant sur un projet de construction d'un manège équestre en vue de la réalisation d'un projet professionnel, elle n'est pas un professionnel de la construction immobilière.

14. En statuant ainsi, par un motif inopérant, après avoir constaté que Mme [C] avait agi à des fins professionnelles, ce dont il se déduisait que, n'ayant pas agi en qualité de consommateur, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ne lui étaient pas applicables, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

15. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions du 2 décembre 2022 dans lesquelles Mme [C] a formé appel incident en invoquant la caducité de l'appel, alors « que dans le cas où l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état est jugée à bref délai, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou provoqué ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a décidé que ce délai d'un mois, qui était expiré lorsque Mme [C] a déposé ses conclusions, n'était pas applicable au motif que ces conclusions « sont de pure procédure, puisqu'elles ne sont relatives qu'à la « régularité » de la procédure d'appel » ; qu'en refusant, ainsi, de soumettre l'appel incident formé par Mme [C] à la condition de délai prévue à l'article 905-2 du code de procédure civile, dont les dispositions s'appliquaient pourtant aux conclusions de l'intimée, lesquelles, en arguant de la caducité de l'appel, avait invoqué un incident d'instance qui ne pouvait être soulevé après l'expiration de ce délai, la cour d'appel a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 905-2, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa version résultant du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 :

16. Aux termes de ce texte, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

17. Ce texte s'applique indistinctement à toutes les conclusions qui déterminent l'objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre fin à l'instance.

18. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions de Mme [C] du 2 décembre 2022, l'arrêt retient que, celles-ci n'étant que de pure procédure, les dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile ne lui sont pas applicables.

19. En statuant ainsi, après avoir constaté que ces conclusions tendaient à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel de la chambre de l'agriculture et l'irrecevabilité de l'appel incident de M. [N] et soulevaient, par conséquent, des incidents de nature à mettre fin à l'instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

20. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt déclarant recevables les conclusions de Mme [C] en date du 2 décembre 2022 entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant l'exception de caducité de la déclaration d'appel, déclarant en conséquence recevable l'appel incident de M. [N] et statuant sur les frais irrépétibles et les dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 6 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne Mme [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32500182
Date de la décision : 03/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 06 avril 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 avr. 2025, pourvoi n°32500182


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SAS Buk Lament-Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:32500182
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award