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06/04/2016 | FRANCE | N°15-80150

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 avril 2016, 15-80150


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La Société lorraine de prévoyance et d'assurances, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 2014, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Vincent Y... et relaxe partielle de M. Fernand X... du chef d'abus de biens sociaux ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 février 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure

pénale : M. Guérin, président, M. Germain, conseiller rapporteur, M. Soulard, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La Société lorraine de prévoyance et d'assurances, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 2014, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Vincent Y... et relaxe partielle de M. Fernand X... du chef d'abus de biens sociaux ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 février 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Germain, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU et de Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que, après avoir confirmé le jugement du 23 janvier 2014, en son chef ayant déclaré M. X... coupable d'abus des biens de la SLPA en augmentant son salaire et en s'octroyant un véhicule de fonction de luxe, l'arrêt attaqué a cependant infirmé ce jugement pour le surplus et a relaxé les prévenus des fins de la poursuite pour abus de biens sociaux, puis a débouté la SLPA, partie civile, de ses prétentions ;
" aux motifs que, s'agissant de M. X... sur le transfert sans contrepartie d'un portefeuille de contrats d'assurance au bénéfice de la société SCEE dont il était l'ancien gérant et l'associé et s'agissant de M. Y..., sur le bénéfice frauduleux par l'intermédiaire de la société SCEE dans laquelle il était associé puis gérant associés de commissions de courtage suite à des opérations sur les contrats d'assurance dont la société SLPA avait la gestion et pour les deux prévenus le bénéfice à titre gratuit du personnel et des moyens de fonctionnement de la SLPA, la SLPA bénéficiait à sa création de la gestion de contrats avec une clientèle et des adhérents principalement CRIREP (fusionnée avec le groupe Malakoff le 31 décembre 2004), accumulés depuis une trentaine d'années ; qu'elle encaissait donc les primes des adhérents CRIREP, dont le montant était fixé par la compagnie d'assurances concernée et versait les prestations de frais de santé (décès incapacité frais de santé) pour le compte de l'assureur, pour la période considérée, (d'abord l'UAP ou AGF Alliance avant le 21 décembre 2000 puis Bellini prévoyance devenu Audiens) ; que la SLPA percevait un pourcentage sur les primes versées ; que l'enquête et l'étude des comptes ont donc montré que la société n'avait jamais réussi à équilibrer son exploitation, ses résultats hors produits financiers générés par un apport de l'AERRPPA étant fortement déficitaires ; que ses frais de personnel étaient à l'exception de l'exercice 2004 supérieurs au montant des prestations facturées, alors que l'activité de la SLPA était donc déficitaire, le bilan n'étant équilibré que grâce aux produits financiers retirés des actifs cédés par l'AERRPPA ; que par contre, l'enquête a révélé que, immédiatement après sa création, le chiffre d'affaires de la SCEE s'est élevé à près de 200 000 euros et que les dividendes ont plus que doublés entre 2001 et 2005, Mme Claudine Z..., entrée dans le capital, précisant que six mois après, l'opération avait été très rentable ; que M. Gilbert A..., entendu par le magistrat instructeur en sa qualité de président du conseil de surveillance de la société SLPA entre 2004 et 2006 estimait que les deux prévenus avaient trompé les membres du conseil de surveillance par le biais d'abus et de détournements accomplis de manière préméditée et méthodique ; que la SCEE, qui au départ devait être un instrument commercial au service du développement de la société SLPA, s'était en réalité accaparé de son portefeuille de contrats d'assurance, avait bénéficié gratuitement du personnel et des moyens de fonctionnement de la société, l'augmentation de capital de la SCEE intervenu le 3 décembre 2004 ayant réduit ses pouvoirs de contrôle, ramenant sa participation de 10 % à 9, 87 %, le passage en dessous des 10 % étant à cet égard décisif ; que Mme Z..., responsable informatique de la SLPA et par ailleurs actionnaire minoritaire de la SCEE, entendue indiquait que la SCEE avait été créée pour protéger le portefeuille de contrats de la SLPA ; qu'elle affirmait que les clients de la SCEE étaient ceux que les commerciaux avaient démarchés telles que des entreprises ou des agents généraux, indiquant toutefois que certains contrats étaient issus du relationnel Audiens SLPA ; qu'elle indiquait également que certaines personnes salariées de la SLPA étaient utilisées pour des tâches concernant la SCEE ; que M. Denis B..., salarié de la SLPA, entendu par le juge d'instruction déclarait qu'il ne faisait, dans le cadre de son activité, aucune distinction entre les produits commercialisés pour le compte de la SCEE ; qu'il se présentait chez les gens comme travaillant pour la SLPA mais pouvait leur proposer des produits Generali, commercialisés par la SCEE lorsqu'ils avaient besoin de contrats d'assurance autres que ceux de prévoyance commercialisés par Audiens via SLPA ; qu'il ignorait les arrangements qui pouvaient exister entre les deux sociétés ; qu'il faisait le même travail que M. Jean-Christophe C... et il ignorerait que celui-ci avait été embauché par la société SCEE ; qu'il estimait que tout le monde était au courant du montage opéré lors de la création de la SCEE, parallèlement à la société SLPA ; que M. C... entendu également indiquait qu'il avait travaillé successivement pour le CRIREP de 1994 à 2001 puis pour la société SCEE à la demande de M. X..., à compter de 2001 et jusqu'au 1er janvier 2003 date à laquelle il avait été transféré à la société SLPA ; que lorsqu'il était salarié de la SCEE, il avait développé la commercialisation des produits Generali ; qu'il exerçait la même activité à la société SCEE qu'à la société SLPA, à savoir la prospection et la commercialisation de produits SLPA ; qu'il lui était arrivé de commercialiser des produits nouveaux pour le compte de la SCEE que la SLPA ne faisait pas alors qu'il travaillait pour cette dernière ; que ces produits ne présentaient que 3 à 5 % de l'ensemble des produits commercialisés ; qu'il n'y avait aucune distinction à faire entre eux dans la mesure où ils étaient complémentaires ; qu'il ignorait qu'il y ait eu des contrats de réassurance sur les contrats gérés par SLPA ; que M. Dominique I..., responsable du développement à l'AERRPC puis à l'AERPPA de mars 2001 à juillet 2001 déclarait que c'était les deux prévenus qui lui avaient demandé de rentrer dans le capital de la société SCEE, à sa création ; qu'il avait émis des réserves à l'égard de la création de cette société estimant qu'on ne pouvait pas être courtier et en même temps dirigeant d'un organisme de retraite ; qu'il expliquait que c'est lui qui avait été à l'initiative de l'activité de réassurance des contrats gérés par la société SLPA auprès de Prévoyance Re ; que dans son esprit il n'y avait qu'un seul portefeuille celui géré par la SLPA et il ignorait l'existence de commissions de réassurance ; qu'il avait fini par quitter la société SCEE se sentant mal à l'aise par rapport à la création de ce cabinet de courtage et par le fait que M. X... avait les deux casquettes ; que M. Gilles D... entendu expliquait qu'il avait été contacté par M. X... en 1999 puis en 2001 comme sachant du monde de l'assurance, pour répondre à des questions de restructuration à l'occasion de la création de la SCEE ; qu'il avait participé à ce titre à une réunion à Metz en 1999 ou en 2000 présidée par M. A... ; que M. X... ainsi que d'autres représentants des organisations syndicales et patronale y assistaient ; que parmi les sujets débattus, la création d'un cabinet de courtage et d'une compagne de réassurance avait été évoquée ; qu'il était le rédacteur d'une note dans laquelle il exposait qu'une société de courtage pouvait être créée et pouvait fonctionner sans que cela ne soit une obligation, (SLPA aurait pu devenir une société de courtage si elle avait modifié son objet social et si son dirigeant avait la capacité de courtier) ; que dans cette note il indiquait qu'il manquerait toujours un étage celui de la création d'une compagnie de réassurance qui restait la meilleure solution qu'il fut possible d'adopter ; qu'il disait avoir su implicitement que la SCEE travaillerait à partir des contrats issus notamment de la SLPA et que la SCEE aurait dû être une filiale à 100 % de SLPA ; que si la SCEE avait profité de certains actifs issus de la SLPA, des frais auraient dû lui être facturés ; que des investigations étaient menées sur commission rogatoire pour procéder aux vérifications concernant les commissions perçues par la SCEE ; que les principales compagnies d'assurances ou de réassurance ayant conclu des contrats ou des protocoles avec la SLPA ou/ et la SCEE étaient entendues ; que Generali indiquait n'avoir travaillé contractuellement qu'avec la SCEE jusqu'en janvier 2008 ; que la SCEE faisait souscrire des contrats de type financier, prévoyance, retraite, santé et temporaire décès et son commissionnement avait été compris entre 8 et 30 % de la cotisation nette ; que M. Maurice E..., inspecteur d'assurance-vie au sein du groupe en charge de la région Lorraine entendu le 17 mars 2010 disait ne rien savoir de SLPA ou de SCEE mais connaître M. Y... qui était répertorié chez eux comme courtier via la société de gestion de primes et de prestations d'assurance (SGPPA) mise à la même adresse que la SCEE ; que depuis cinq ans, sur les conseils de son expert-comptable, M. Y..., leur reversait systématiquement les commissions qu'il percevait, le portefeuille SCEE/ SGPPA n'ayant pas été clairement scindé ; que la compagnie d'assurances Axa assistance avait travaillé contractuellement avec les deux structures SLPA et SCEE ; que la SCEE s'était présentée comme courtier ; qu'Axa assistance et Interpartner assistance étaient assureurs du risque souscrit par la SCEE pour le compte de ses clients pour les produits Silénia téléassistance et Silénia assistance santé ; que la SCEE avait perçu une rémunération sous forme de commissions comprises entre 10 et 20 % ; que la SLPA avait quant à elle été mandatée pour l'encaissement des primes ; qu'à ce titre et dans le cadre du mandat de gestion, elle avait été rémunérée par des honoraires de gestion compris entre 5 et 7 % du tarif public hors taxes pour ces mêmes produits Silénia téléassistance et Silénia assistance santé ; que M. Joseph F..., responsable commercial chez Axa assistance, indiquait que la SLPA leur avait été présenté comme un gestionnaire de flux financiers et la SCEE comme un courtier et apporteur d'affaires ; que leur interlocuteur principal pour les deux entités était M. Y... ; que si la SCEE avait pu percevoir des commissions issues des contras der SLPA, elle n'avait pas à rémunérer cette dernière car Axa le faisait ; qu'ayant appris qu'un conflit d'intérêts existait entre les deux structures, Axa avait suspendu les honoraires dus à la SLPA et les commissions dues à la SCEE ; qu'Axa était toujours en relation avec la SLPA qui était devenue courtier ; que la compagnie de réassurance Prévoyance reconnaissait la SLPA en tant que gestionnaire et la SCEE en tant que courtier direct ; que trois affaires étaient identifiées portant sur des produits de dépendance (Silenia), de frais d'obsèques (La France assurances) et de prévoyance et santé collective (Bellini) ; que pour les deux premiers contrats, les deux structures n'avaient pas été commissionnées mais sur le contrat Bellini, dans la mesure où elle était intervenue comme courtier direct et comme courtier en réassurance, la SCEE avait perçu des commissions ; qu'elle ne se prononçait pas sur la propriété de la base client à partir de laquelle la SCEE travaillait ais précisait que lesdits contrats avaient été résiliés ; que M. Thierry G..., directeur général délégué de la société confirmait qu'une seule relation contractuelle avait été établie avec la SCEE concernant le traité de réassurance signé avec Prévoyance Re et Bellini prévoyance, la SCEE étant apparu comme apporteur d'affaires, à ce titre commissionnée ; que leur interlocuteur principal était M. Y..., pour le compte de la SCEE qui avait présenté le portefeuille clients comme lui appartenant ; qu'Audiens, groupe de protections sociales avait acquis le groupe Bellini prévoyance qui avait travaillé avec les deux structures ; que Bellini prévoyance avait délégué la gestion des régimes de prévoyance et de régime de santé à la SLPA pour laquelle celle-ci avait perçu des honoraires de gestion ; qu'un protocole de distribution avait été établi avec la SCEE qui devait commercialiser des contrats ; qu'à ce titre, elle avait perçu des honoraires de gestion ; qu'un protocole de distribution avait été établi avec la SCEE qui devait commercialiser des contrats ; qu'à ce titre, elle avait perçu des frais de distribution ; que M. Daniel H..., chargé de mission chez Audiens, expliquait que Bellini prévoyance avait délégué à SLPA la gestion de ces régimes de prévoyance et de santé et que la SCEE était apparu comme apporteur d'affaires et comme courtier à la demande de MM. X... et Y... qui étaient les interlocuteurs principaux des deux structures ; que ces mêmes contrats avaient été réassurés auprès d'Axa assistance ; qu'il précisait que la SCEE travaillait à partir du portefeuille de la SLPA ou de l'AERRPPA ; que son existence n'avait rien d'extraordinaire disait-il compte tenu de leur domaine d'activité et parce qu'il n'était pas politiquement correct de rémunérer comme courtier direct une institution de prévoyance ce qu'était SLPA ; que le groupe n'était plus en relation avec la SCEE qui n'avait pas à apporter d'autres affaires mais seulement avec la SLPA ; qu'il précisait continuer à indemniser des clients dont les dossiers archivés chez SLPA avaient disparu ; que les deux prévenus ont contesté les faits qui leur étaient reprochés, soutenant que les faits seraient prescrits ou en tout cas non constitués ; qu'en l'espèce, il suffit de rappeler la nouvelle organisation née de la réorganisation du régime à l'origine associatif de prévoyance et de programmes d'assurances telle que clairement énoncée aux termes d'un procès-verbal de réunion du conseil de surveillance de la SLPA, en date du 12 juillet 2001, dans lequel M. A... président du conseil a procédé à un rappel sur le fonctionnement du nouvel ensemble : l'AERRPA conserve la gestion de la centrale, du parc immobilier et des conventions ; que la SLPA devient l'organisme de gestion et reprend à ce titre l'activité de gestionnaire de contrats de prévoyance de l'association, reprenant ainsi l'ensemble des moyens humains matériels et financiers liés à cette activité, que la SCEE structure conforme à la réglementation sur la commercialisation des produits et à celle relative à la profession de courtier prend en charge l'ensemble de l'activité commerciale avec pour objectif de renforcer la compétitivité de ce nouvel ensemble avec par exemple la possibilité dorénavant de consulter plusieurs assureurs afin de proposer la meilleure offre de couverture, la SLPA assurant alors la gestion ; que c'est dire que la SCEE s'appuyait nécessairement au départ pour son activité sur les contrats gérés par la SLPA, sans que cela en tout état de cause constitue un abus de biens, avec la perspective de prospections vers d'autres assureurs, la souscription de nouveaux contrats générant nécessairement pour la société SCEE la perception de commissions, et pour la SLPA la perception d'honoraires de gestion selon le schéma prévu, étant rappelé qu'il avait été exclu au départ que la SLPA soit courtier et que seule la SCEE pouvait faire des opérations de courtage et donc en percevoir les fruits ; que les déclarations du représentant de la compagnie d'assurances Axa assistance caractérisent d'ailleurs l'organisation, les rôles et rémunérations de chacune des sociétés ; que le déséquilibre existant entre les résultats des deux sociétés résulte donc non pas d'une volonté des deux prévenus de privilégier la SCEE au détriment de la SLPA mais des rôles respectifs de chacun tels que prévus et approuvés, preuve en est que depuis, la SLPA assume désormais un rôle également de courtier et a vidé ainsi l'objet de la SCEE qui n'existe plus ayant fait l'objet d'une liquidation ; que le fait que les salariés de la SLPA, et ses moyens, soient intervenus de façon marginale pour l'autre société n'et pas plus caractéristique d'un abus de bien social en l'absence de volonté délibérée d'agir contrairement à son intérêt économique étant d'ailleurs précisé qu'il résulte de l'enquête que la réciproque était également vraie ; que le jugement entrepris est infirmé et les deux prévenus renvoyés des fins de la poursuite s'agissant des fais d'abus de biens reprochés, s'agissant de M. X... par le transfert sans contrepartie d'un portefeuille de contrats d'assurance au bénéfice de la société SCEE dont il était l'ancien gérant et l'associé et s'agissant de M. Y..., par le bénéfice frauduleux par l'intermédiaire de la SCEE dans laquelle il était associé puis gérant associés de commissions de courtage suite à des opérations sur les contrats d'assurance dont la SLPA avait la gestion et pour les deux par le bénéfice à titre gratuit du personnel et des moyens de fonctionnement de la SLPA ; que sur la peine, M. Y... étant relaxé, le jugement est infirmé en ce qu'il a été condamné ; que s'agissant de M. X... et compte tenu des seuls faits retenus comme constitués, la peine prononcée doit être infirmée ; que son casier judiciaire ne mentionne aucune condamnation ; qu'il est marié, en retraite et perçoit environ 4 500 euros par mois ; qu'il a remboursé l'augmentation de salaire litigieuse ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, M. X... est condamné à une amende de 4 000 euros ; que sur l'action civile, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a déclaré la constitution de partie civile recevable ; qu'à l'appui de sa demande portant sur 422 633 euros, la partie civile s'appuie sur les abus de biens sociaux pour lesquels les deux prévenus ont été relaxés ; que n'ayant pas fait appel de la décision, la partie civile est irrecevable à prétendre se voir allouer des dommages et intérêts supérieurs au montant fixé par le tribunal ; qu'en tout cas, elle ne chiffre aucun préjudice s'agissant des faits d'abus de biens sociaux spécifiquement reprochés à M. X... s'agissant de l'augmentation de son salaire et de la mise à sa disposition de l'augmentation de son salaire et de la mise à sa disposition d'un véhicule de luxe, étant d'ailleurs rappelé que l'intéressé a remboursé la société s'agissant de l'augmentation de son salaire ; qu'en conséquence, le jugement entrepris est infirmé et la partie civile déboutée de ses prétentions en raison de la relaxe ;
" 1°) alors qu'est inapte à exclure l'abus de biens sociaux la circonstance que le dirigeant se soit conformé à l'organisation du groupe auquel appartient la société qu'il dirige ; que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus des abus de biens sociaux qui leur étaient reprochés pour avoir perçu des commissions au travers de la SCEE grâce à l'utilisation du portefeuille de contrats de la SLPA, pour avoir transféré sans contrepartie ce portefeuille à la SCEE et pour avoir fait utiliser par cette dernière le personnel et les moyens de la SLPA, au prétexte qu'ils avaient agi dans le cadre de la nouvelle organisation du groupe, telle qu'elle avait été rappelée par le conseil de surveillance de la SLPA dans sa séance du 12 juillet 2001, et selon laquelle la SCEE assurait la commercialisation en s'appuyant sur le portefeuille de contrats de la SLPA et percevait les commissions y afférentes, cependant que la SLPA assurait la gestion des contrats et était rémunérée en contrepartie de cette activité, de sorte que le déséquilibre entre la SCEE et la SLPA résultait de cette organisation et non de la volonté de MM. Y... et X... ; qu'en statuant ainsi, quand la circonstance qu'ils se fussent conformés à l'organisation du groupe était impropre à exclure que les prévenus avaient sciemment usé des biens de la SLPA contrairement à son intérêt et pour favoriser la SCEE dans laquelle ils étaient intéressés, la cour d'appel a violé les textes susmentionnés ;
" 2°) alors que le transfert de valeurs patrimoniales par le dirigeant d'une société au profit d'une autre société dans laquelle il est intéressé n'échappe à l'incrimination de l'abus de biens sociaux que pour autant que les deux sociétés appartiennent à un groupe, que le transfert de valeurs satisfasse à l'intérêt du groupe, qu'il résulte d'une politique arrêtée pour l'ensemble du groupe, qu'il comporte une contrepartie pour la société qui s'appauvrit et qu'il n'excède pas les capacités financières de cette dernière ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la réorganisation du groupe générait un transfert de valeurs depuis la SLPA vers la SCEE, cette dernière percevant les commissions liées à l'exploitation du portefeuille de contrats de la SLPA et bénéficiant du personnel et des moyens de la SLPA ; qu'en déniant néanmoins l'abus de biens sociaux commis par les prévenus à ce titre, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce transfert de valeurs avait eu une quelconque contrepartie pour la SLPA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe sus rappelé et des textes susmentionnés ;
" 3°) alors que, selon l'arrêt attaqué, les résultats d'exploitation de la SLPA étaient en permanence fortement déficitaires et ses résultats finaux n'ont pu être équilibrés que grâce à des produits financiers exceptionnels, tandis que dès sa création la SCEE a été rentable ; qu'il s'en évinçait que la charge née de ce que la SLPA était privée, au profit de la SCEE, des commissions générées par l'exploitation de son portefeuille de contrats et de ce qu'elle mettait à disposition de la SCEE son personnel et de ses moyens, excédait les capacités financières de la SLPA, de sorte que l'abus de biens sociaux était caractérisé ; qu'en relaxant néanmoins les prévenus de ce chef, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard du principe rappelé par la deuxième branche et de L. 242-6 du code de commerce, qu'elle a ainsi méconnus " ;
Attendu que, pour relaxer des chefs d'abus de biens sociaux, M. Y..., président du directoire de la Société lorraine de prévoyance et d'assurances (SLPA), pour avoir bénéficié frauduleusement par l'intermédiaire de la Société de courtage d'expertise européenne (SCEE) dans laquelle il était associé, de commissions de courtage provenant d'opérations sur des contrats d'assurance gérés par la SLPA en mettant des moyens humains et administratifs gratuitement à disposition de la SCEE et M. X..., membre du directoire de la SLPA, pour avoir transféré sans contrepartie un portefeuille de contrats d'assurance à la SCEE dont il était associé et mis gratuitement des moyens humains et administratifs à la disposition de cette société, la cour d'appel énonce que lors d'une réunion du conseil de surveillance de la SLPA, les attributions respectives des sociétés membres du groupe avaient été rappelées avec pour objectif de renforcer la compétitivité du nouvel ensemble implanté dans des locaux communs, la SLPA assurant la gestion et la SCEE s'appuyant initialement sur les contrats gérés par la SLPA, avec pour perspective de prospecter d'autres assureurs, de souscrire de nouveaux contrats générant pour la SCEE la perception de commissions et pour la SLPA celle d'honoraires de gestion, que le déséquilibre entre les résultats des sociétés ne provient pas de la volonté des prévenus de privilégier la SCEE au détriment de la SLPA mais du rôle respectif de chacune d'elles et que le fait que les salariés de la SLPA et ses moyens, soient intervenus de façon marginale pour l'autre société, sans caractériser la volonté délibérée d'agir à l'encontre de son intérêt économique cette pratique étant réciproque ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations dont il résulte que les opérations incriminées étaient justifiées par l'existence d'un intérêt de groupe, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que la Société lorraine de prévoyance et d'assurances devra payer à M. Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six avril deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-80150
Date de la décision : 06/04/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 10 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 avr. 2016, pourvoi n°15-80150


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Spinosi et Sureau, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.80150
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