LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 mai 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 444 F-D
Pourvoi n° F 20-15.449
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021
L'association Marocaine sportive et culturelle des musulmans de Corse, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-15.449 contre l'arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [L] [V], épouse [Q],
2°/ à M. [J] [V],
3°/ à Mme [G] [C],
4°/ à M. [X] [I],
5°/ à Mme [C] [O],
6°/ à Mme [Q] [D],
7°/ à Mme [M] [F],
8°/ à M. [P] [R],
tous domiciliés [Adresse 2],
9°/ au syndicat des copropriétaires de la résidence Triana, dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic la société de Gestion immobililère, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et ThiriezThiriez, avocat de l'association Marocaine sportive et culturelle des musulmans de Corse, de Me Bouthors, avocat du [Adresse 4], de la SCP Spinosi, avocat des consorts [V], de Mme [C], M. [I], Mmes [O] et [F] et de M. [R], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 5 février 2020), l'Association marocaine sportive et culturelle des musulmans de Corse (l'association) est propriétaire, dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, de lots à usage commercial.
2. Les 31 mai et 1er juin 2016, les consorts [V], copropriétaires, l'ont assignée, ainsi que le [Adresse 4] (le syndicat), en cessation de l'usage cultuel donné à ces lots et en rétablissement de leur usage d'origine.
Examen des moyens Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action des consorts [V], alors :
« 1°/ que le point de départ du délai de prescription est le jour où a été commise l'infraction au règlement de copropriété ; qu'en retenant que « [le] point de départ du délai de prescription [?] doit être fixé à la date à laquelle les copropriétaires ont eu la connaissance de l'infraction au règlement de copropriété », la cour d'appel a violé l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 ;
2°/ que le point de départ des actions personnelles est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en considérant que le délai de prescription de l'action des copropriétaires requérants avait commencé à courir à la date de l'assemblée générale du 9 novembre 2015 au motif qu'aucun élément de preuve ne permettait de relever que les demandeurs avait eu connaissance du changement de destination des lots dont l'exposante est propriétaire, quand il résultait des éléments versés aux débats que la présence dans ces lots d'une salle de prière étant de notoriété publique, les copropriétaires requérants ne pouvaient ignorer le changement de destination desdits lots, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 2224 du code civil ;
3°/ que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que pour écarter la fin de non-recevoir tiré de la prescription et déclarer recevables les demandes des copropriétaire requérants, l'arrêt retient qu'aucun élément de preuve ne permet de retenir que les demandeurs ont eu connaissance du changement de destination des lots dont l'exposante est propriétaire ; que l'arrêt relève pourtant que la salle de prière installée après travaux impliquent des allées et venues de nombreux fidèles à des heures matinales ou en soirée, le bruit de chants, l'organisation de fêtes, qui constituent des troubles portant atteinte à la tranquillité de l'immeuble ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a énoncé à bon droit que les actions personnelles nées de l'application de la loi du 10 juillet 1965 entre les copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans et que le point de départ de ce délai doit être fixé à la date à laquelle les copropriétaires ont eu la connaissance de l'infraction au règlement de copropriété.
5. Elle a, sans se contredire, souverainement retenu que, si les nombreuses attestations produites par l'association établissaient qu'elle avait effectivement occupé ses lots de copropriété comme lieu de culte, il ne s'évinçait pas de leur contenu qu'avant la tenue de l'assemblée générale du 9 novembre 2015, au cours de laquelle avait été évoqué pour la première fois, par le syndicat, le changement de destination desdits lots par l'association, les autres copropriétaires requérants en avaient eu connaissance.
6. Ayant ainsi fixé le point de départ du délai de prescription à la date de tenue de ladite assemblée générale, elle en a exactement déduit que l'action des consorts [V] était recevable.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
L'association fait grief à l'arrêt de lui ordonner de restituer ses lots à leur usage commercial, alors :
« 1°/ que l'incompatibilité d'un lieu de culte avec la destination d'un immeuble à usage mixte d'habitation et d'activités libérales ou commerciales, ne peut résulter que de l'existence d'un trouble effectif ; que pour débouter l'association de ses demandes, l'arrêt retient que la présence d'une mosquée implique par elle-même des troubles portant atteinte à la tranquillité de l'immeuble ; qu'en statuant ainsi quand il lui appartenait de rechercher s'il existait effectivement des nuisances de nature à troubler suffisamment la tranquillité de l'immeuble pour justifier la fermeture d'un lieu de culte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le juge est tenu de ne pas dénaturer les conclusions des parties ; que la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas contesté « des allées et venues de nombreux fidèles à des heures matinales ou en soirée, le bruit de chants, l'organisation de fêtes », alors que dans ses dernières écritures, l'exposante soutenait, d'une part, que « les premiers juges ont relevé que l'activité était exercée au sein des lots de copropriété sans qu'aucune nuisance olfactive, auditive ou visuelle n'ait été constatée. Ils ont ainsi relevé que les constats d'huissier produits par les deux parties ne sont pas incompatibles et leur ont permis de constater que le trouble de jouissance allégué est fictif », et, d'autre part, que « les constatations de Maître [Y] contredisent les allégations des requérants : aucun bruit n'émane de la salle de prière durant l'exercice du culte ; la fréquentation de la salle de prière ne crée aucun attroupement dans ou autour de l'immeuble ; les entrées et les sorties de la salle de prière s'effectuent dans le calme et le silence [?] La salle de prière ne trouble [donc] pas la tranquillité des occupants » ; qu'ainsi la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de l'exposante et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que pour débouter l'association de ses demandes, l'arrêt retient que la présence d'une salle de prière implique par elle-même des troubles portant atteinte à la tranquillité de l'immeuble après avoir retenu qu'aucun des copropriétaires demandeurs n'avait eu connaissance de l'existence de cette salle de prière avant d'en être informés par le syndicat de copropriété le 9 novembre 2015, soit plus de douze ans après l'ouverture de ladite salle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que tout jugement doit être motivé ; que pour infirmer le jugement, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « en aucune façon, l'action introduite ne présente un quelconque caractère discriminatoire comme vainement soutenu par l'association » ; qu'en statuant ainsi, par voie de simple affirmation ne permettant à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que le jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel que « il n'est aucunement démontré qu'un lieu de culte serait plus gênant pour les copropriétaires que d'autres activités [qui] ont été ou sont exercées dans l'immeuble. L'immeuble a longtemps accueilli un bar et actuellement une école de danse y est exploitée. Alors que cette école de danse génère du bruit, des allées et venues des parents et des enfants, des attroupements dans les parties communes, aucune action n'a été engagée à l'encontre du copropriétaire des locaux. L'utilisation du parking par les usagers des commerces et le stationnement gênant de véhicules aux abords de la copropriété pourraient tout autant être invoqués à l'encontre des autres activités exercées dans l'immeuble. Or, seule l'association et son lieu de culte sont l'objet d'une action de copropriétaires dont l'intention est claire : ne pas avoir de musulmans dans leur voisinage. Le qualificatif même de clandestine donnée par les requérants à la salle de prière démontre leur méconnaissance des droits des musulmans à exercer librement leur culte » ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen péremptoire de l'association exposante, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que le jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel que « Maître [Y] s'est donc rendu sur les lieux le 27 octobre 2017, les 10 janvier et 2 février 2018 [?] Les constatations de Maître [Y] contredisent les allégations des requérants : aucun bruit n'émane de la salle de prière durant l'exercice du culte ; la fréquentation de la salle de prière ne crée aucun attroupement dans ou autour de l'immeuble ; les entrées et les sorties de la salle de prière s'effectuent dans le calme et le silence ; la fréquentation de la salle de prière n'empêche pas les véhicules d'accéder aux parkings de l'immeuble ni ne gêne la circulation ; les parents des élèves qui fréquentent l'école de danse, installée dans le lot de copropriété voisin, se révèlent moins respectueux des règles de stationnement que les membres de l'association. La salle de prière ne trouble [donc] pas la tranquillité des occupants » ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen péremptoire de l'association exposante, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a retenu que, la résidence étant destinée à l'habitation bourgeoise, avec une activité libérale ou commerciale autorisée, la limitation par le règlement de copropriété des activités pouvant être exercées dans les locaux commerciaux afin qu'elles n'affectent en rien la tranquillité des copropriétaires était justifiée par la destination de l'immeuble.
8. Elle a estimé souverainement, sans dénaturation, que l'association avait transformé les locaux commerciaux qu'elle louait en une salle de prière dans laquelle y étaient célébrés un culte religieux et des cérémonies et, répondant aux conclusions prétendument délaissées, qu'il résultait de la pétition établie par les copropriétaires et des attestations rédigées par trois d'entre eux qu'ils étaient constamment gênés par l'occupation de leur parking par les fidèles venant prier plusieurs fois par jour, par des nuisances sonores matinales tôt et tard en soirée, ainsi que par le nombre des allées et venues des fidèles, sans que les constatations recueillies par voie d'huissier de justice à la demande de l'association et minimisant les troubles induits par son activité soient suffisantes à remettre en cause leur existence et leur importance.
9. Ayant ainsi caractérisé le caractère anormal du trouble dont elle a constaté l'existence, elle a pu retenir que tant l'atteinte à la tranquillité de l'immeuble, prohibée par le règlement de copropriété, que les nuisances occasionnées par l'activité de l'association devaient entraîner la restitution des locaux à leur usage commercial et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Association marocaine sportive et culturelle des musulmans de Corse aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association marocaine sportive et culturelle des musulmans de Corse à payer à Mme [V], M. [V], Mme [C], M. [I], Mme [O], Mme [F] et M. [R] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour l'association Marocaine sportive et culturelle des musulmans de Corse
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 3 septembre 2018 par le tribunal de grande instance d'Ajaccio, en ce qu'il a déclaré recevable l'action de Mme [L] [V], M. [J] [V], Mme [G] [C], M. [X] [I], Mme [C] [O], Mme [Q] [D], Mme [M] [F] et M. [P] [R] ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « aux termes de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre les copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans.
Tel est le cas en l'espèce de l'action en contestation du changement d'affectation fondée sur l'infraction à la clause de tranquillité ou d'habitation bourgeoise figurant dans le règlement de copropriété.
Quant au point de départ du délai de prescription, il doit être fixé à la date à laquelle les copropriétaires ont eu la connaissance de l'infraction au règlement de copropriété, conformément au principe fixé dans l'article 2224 du code civil selon lequel les actions personnelles se prescrivent à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'occurrence, si les nombreuses attestations produites par l'association intimée établissent qu'elle a effectivement occupé ses lots de copropriété comme lieu de culte, il ne s'évince aucunement de leur contenu qu'avant la tenue de l'assemblée générale du 9 novembre 2015 au cours de laquelle a été évoquée pour la première fois, par le syndicat de copropriété le changement de destination des dits lots par l'association copropriétaire, les autres copropriétaires requérants en avaient eu préalablement connaissance.
C'est donc la date de tenue de ladite assemblée générale qui fixe le point de départ de la prescription.
Le jugement qui a écarté la fin de non recevoir tiré de la prescription et a déclaré recevable les demandes des copropriétaires sera confirmé, par substitution de motifs » ;
ALORS QUE le point de départ du délai de prescription est le jour où a été commise l'infraction au règlement de copropriété ; qu'en retenant que « [le] point de départ du délai de prescription [?] doit être fixé à la date à laquelle les copropriétaires ont eu la connaissance de l'infraction au règlement de copropriété », la cour d'appel a violé l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 ;
ALORS subsidiairement QUE le point de départ des actions personnelles est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en considérant que le délai de prescription de l'action des copropriétaires requérants avait commencé à courir à la date de l'assemblée générale du 9 novembre 2015 au motif qu'aucun élément de preuve ne permettait de relever que les demandeurs avait eu connaissance du changement de destination des lots dont l'exposante est propriétaire, quand il résultait des éléments versés aux débats que la présence dans ces lots d'une salle de prière étant de notoriété publique, les copropriétaires requérants ne pouvaient ignorer le changement de destination desdits lots, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 2224 du Code civil ;
ALORS très subsidiairement QUE tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que pour écarter la fin de non-recevoir tiré de la prescription et déclarer recevables les demandes des copropriétaire requérants, l'arrêt retient qu'aucun élément de preuve ne permet de retenir que les demandeurs ont eu connaissance du changement de destination des lots dont l'exposante est propriétaire ; que l'arrêt relève pourtant que la salle de prière installée après travaux impliquent des allées et venues de nombreux fidèles à des heures matinales ou en soirée, le bruit de chants, l'organisation de fêtes, qui constituent des troubles portant atteinte à la tranquillité de l'immeuble ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement rendu le 3 septembre 2018 par le tribunal de grande instance d'Ajaccio et, statuant à nouveau, ordonné à l'Association marocaine sportive et culturelle des musulmans de Corse de restituer ses à lots à leur usage originaire de locaux commerciaux tel que prévu par le règlement de copropriété dans un délai de six mois suivant signification de l'arrêt attaqué ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « il est constant que la résidence [Adresse 5][Adresse 6] est, selon son règlement de copropriété, destiné à l'habitation bourgeoise, avec une activité libérale ou commerciale autorisée, le titre III dudit règlement indique : "les appartements ou logements ne pourront être occupés que par des personnes de bonne vie et moeurs soit habitant bourgeoisement soit exerçant des professions libérales ou commerciales à l'exclusion de celles pouvant apporter un trouble de jouissance quelconque, les copropriétaires devant tous agir de manière que rien ne puisse nuire à l'agrément et la tranquillité de la maison".
Le même titre du règlement rappelle que "chacun des copropriétaires a, en ce qui concerne ses locaux lui appartenant exclusivement le droit d'en jouir et d'en disposer comme des choses lui appartenant sauf l'effet de la stipulation ci-dessus rappelée et encore à la condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires".
Il est encore constant que la transformation par l'Association Marocaine sportive et culturelle des musulmans de Corse, comme elle le soutient, dès l'acquisition des locaux initialement dévolus par les dispositions précitées du règlement de copropriété à un usage commercial, avec les restrictions apportées à cet usage même, contrevient au respect du règlement de copropriété et à la destination de l'immeuble, en ce que la salle de prière qui, après travaux, y est installée célèbre un culte religieux et des cérémonies impliquant, comme cela n'est pas contesté non plus, des allées et venues de nombreux fidèles à des heures matinales ou en soirée, le bruit de chants, l'organisation de fêtes.
Il s'en suit que, sans même qu'il y ait lieu de rechercher si les troubles dont s'agit revêtent ou non un caractère anormal, il suffit de constater qu'ils portent atteinte à la tranquillité de l'immeuble et sont donc prohibés par le règlement de copropriété qui a limité les activités pouvant être exercées dans les locaux commerciaux afin qu'elles n'affectent en rien la tranquillité des copropriétaires, ces limitations étant justifiées par la destination de l'immeuble.
Il s'en suit qu'en aucune façon, l'action introduite ne présente un quelconque caractère discriminatoire comme vainement soutenu par l'association intimée.
Également, la présence de la salle de prière apparentée à une mosquée dans l'immeuble qui est susceptible d'entraîner une surprime d'assurance de la copropriété en raison de l'aggravation du risque, comme le souligne dans son courrier l'agent général d'assurance, n'a jamais été portée à la connaissance du syndicat des copropriétaires par l'association.
Ces éléments établissent donc que la présence d'une mosquée, établissement recevant du public, susceptible d'accueillir dans les locaux dont l'association n'établit pas qu'ils soient appropriés à cet usage, plusieurs dizaines de personnes, au sein d'un immeuble destiné essentiellement à l'habitation bourgeoise, est incompatible avec la destination dudit immeuble, et contraire aux dispositions du règlement de copropriété qui fait la loi entre les parties.
En conséquence, lorsqu'un copropriétaire exerce dans ses lots une activité interdite par le règlement de copropriété et qu'il les utilise contrairement aux prescriptions de ce dernier, il doit être condamné à remettre les lieux dans un état conforme aux exigences du règlement.
Il y a donc lieu, en réformation du jugement entrepris, d'ordonner à l'Association Marocaine sportive et culturelle des musulmans de Corse de restituer ses lots à leur usage originaire de locaux commerciaux.
[?]
Si les premiers juges ont retenu qu'il n'avait pas pu être constaté des nuisances olfactive, auditive ou visuelle résultant de l'activité cultuelle de l'association, il est pourtant suffisamment prouvé par les documents - constat d'huissier, attestations et pièces produits - qu'elle est à l'origine de troubles anormaux de voisinage dans l'immeuble.
Il résulte ainsi de la pétition établie par les copropriétaires, et des attestations rédigées par trois d'entre eux parfaitement en droit de témoigner des troubles qu'ils subissent, qu'ils sont constamment gênés par l'occupation de leur parking par les fidèles venant prier plusieurs fois par jour, des nuisances sonores matinales tôt et tard en soirée, ainsi que par les nombres des allées et venues des fidèles, sans que les constatations recueillies par voie d'huissier à la demande de l'association qui minimisent les troubles induits par son activité soient suffisantes à remettre en cause leur existence et importance.
En tout état de cause, l'association n'invoque aucunement la mise en oeuvre de dispositifs ou d'aménagements pour limiter les inconvénients découlant de la fréquentation de sa salle de prière.
Ainsi, ces nuisances occasionnées par son activité justifient, de même que l'atteinte à la destination de l'immeuble ci-dessus établie, la cessation de son activité de centre cultuel et la restitution de ses lots à leur usage commercial ne troublant ni la paix de l'immeuble, ni la tranquillité des copropriétaires, tel que précédemment ordonnée, le jugement devant être également infirmé pour ce motif.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'astreinte, cette dernière ne pouvant bénéficier qu'au Syndicat des copropriétaires et non directement aux copropriétaires appelants » ;
ALORS en premier lieu QUE l'incompatibilité d'un lieu de culte avec la destination d'un immeuble à usage mixte d'habitation et d'activités libérales ou commerciales, ne peut résulter que de l'existence d'un trouble effectif ; que pour débouter l'association de ses demandes, l'arrêt retient que la présence d'une mosquée implique par elle-même des troubles portant atteinte à la tranquillité de l'immeuble ; qu'en statuant ainsi quand il lui appartenait de rechercher s'il existait effectivement des nuisances de nature à troubler suffisamment la tranquillité de l'immeuble pour justifier la fermeture d'un lieu de culte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS en deuxième lieu QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les conclusions des parties ; que la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas contesté « des allées et venues de nombreux fidèles à des heures matinales ou en soirée, le bruit de chants, l'organisation de fêtes » (p. 12), alors que dans ses dernières écritures, l'exposante soutenait, d'une part, que « les premiers juges ont relevé que l'activité était exercée au sein des lots de copropriété sans qu'aucune nuisance olfactive, auditive ou visuelle n'ait été constatée. Ils ont ainsi relevé que les constats d'huissier produits par les deux parties ne sont pas incompatibles et leur ont permis de constater que le trouble de jouissance allégué est fictif », et, d'autre part, que « les constatations de Maître [Y] contredisent les allégations des requérants : aucun bruit n'émane de la salle de prière durant l'exercice du culte ; la fréquentation de la salle de prière ne crée aucun attroupement dans ou autour de l'immeuble ; les entrées et les sorties de la salle de prière s'effectuent dans le calme et le silence [?] La salle de prière ne trouble [donc] pas la tranquillité des occupants » (p. 15) ; qu'ainsi la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de l'exposante et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS en troisième lieu QUE, tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que pour débouter l'association de ses demandes, l'arrêt retient que la présence d'une salle de prière implique par elle-même des troubles portant atteinte à la tranquillité de l'immeuble après avoir retenu qu'aucun des copropriétaires demandeurs n'avait eu connaissance de l'existence de cette salle de prière avant d'en être informés par le syndicat de copropriété le 9 novembre 2015, soit plus de douze ans après l'ouverture de ladite salle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS en quatrième lieu QUE tout jugement doit être motivé ; que pour infirmer le jugement, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « en aucune façon, l'action introduite ne présente un quelconque caractère discriminatoire comme vainement soutenu par l'association » ; qu'en statuant ainsi, par voie de simple affirmation ne permettant à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS en cinquième lieu QUE le jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel que « il n'est aucunement démontré qu'un lieu de culte serait plus gênant pour les copropriétaires que d'autres activités [qui] ont été ou sont exercées dans l'immeuble. L'immeuble a longtemps accueilli un bar et actuellement une école de danse y est exploitée. Alors que cette école de danse génère du bruit, des allées et venues des parents et des enfants, des attroupements dans les parties communes, aucune action n'a été engagée à l'encontre du copropriétaire des locaux. L'utilisation du parking par les usagers des commerces et le stationnement gênant de véhicules aux abords de la copropriété pourraient tout autant être invoqués à l'encontre des autres activités exercées dans l'immeuble. Or, seule l'association et son lieu de culte sont l'objet d'une action de copropriétaires dont l'intention est claire : ne pas avoir de musulmans dans leur voisinage. Le qualificatif même de clandestine donnée par les requérants à la salle de prière démontre leur méconnaissance des droits des musulmans à exercer librement leur culte » ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen péremptoire de l'association exposante, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS en sixième lieu QUE le jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel que « Maître [Y] s'est donc rendu sur les lieux le 27 octobre 2017, les 10, 31 janvier et 2 février 2018 [?] Les constatations de Maître [Y] contredisent les allégations des requérants : aucun bruit n'émane de la salle de prière durant l'exercice du culte ; la fréquentation de la salle de prière ne crée aucun attroupement dans ou autour de l'immeuble ; les entrées et les sorties de la salle de prière s'effectuent dans le calme et le silence ; la fréquentation de la salle de prière n'empêche pas les véhicules d'accéder aux parkings de l'immeuble ni ne gêne la circulation ; les parents des élèves qui fréquentent l'école de danse, installée dans le lot de copropriété voisin, se révèlent moins respectueux des règles de stationnement que les membres de l'association. La salle de prière ne trouble [donc] pas la tranquillité des occupants » ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen péremptoire de l'association exposante, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;