LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux consorts X...de ce qu'ils reprennent l'instance aux lieu et place de l'AGSS de l'UDAF ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., fille de Monique X..., laquelle a été placée sous tutelle par jugement du 21 février 2006 ayant désigné l'Association de gestion des services sociaux de l'Union départementale des associations familiales (l'AGSS de l'UDAF) en qualité de tuteur, a été engagée par sa mère à compter du 1er mars 2006 en qualité d'employée à domicile au titre des soins qu'elle lui prodiguait ; qu'à compter du mois de mai 2007, Monique X...est partie vivre chez Mme Z..., soeur de Mme Y...; que le 9 mai 2007, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement notamment de rappels de salaire ; qu'ayant pris acte de la rupture par lettre du 22 juin 2007, elle a demandé des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de la procédure de licenciement ; que Monique X...est décédée le 28 avril 2009 ; que les consorts X...ont repris l'instance ;
Sur le moyen unique, en ce qu'il concerne la demande de rappel de salaire au titre de la présence responsable et le repos compensateur :
Attendu que le moyen qui n'articule aucun grief à l'encontre des dispositions de l'arrêt ayant débouté la salariée de ces chefs de demande est inopérant ;
Mais sur le moyen unique, en ce qu'il concerne les demandes de rappel de salaires pour les mois de mai et juin 2007, d'indemnité de congés payés et au titre de la rupture :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'une démission, l'arrêt retient que par lettre du 16 avril 2007, l'AGSS de l'UDAF, invoquant un certificat médical du médecin traitant de Monique X...qui recommandait un seul lieu de vie pour sa patiente, laquelle était dans la journée chez Mme Y...et la nuit hébergée chez une soeur de celle-ci, Mme Z..., a indiqué à Mme Y...que sa soeur proposant d'héberger Monique X...à temps complet, il lui était suggéré de démissionner ; que Mme Y...n'a pas répondu sur la difficulté relative à l'hébergement de sa mère et s'est bornée à revendiquer l'exécution du contrat de travail aux conditions antérieures ; qu'elle s'est d'ailleurs présentée au domicile de sa soeur afin d'aller chercher Monique X...et a constaté que personne ne lui répondait ; que dès le 3 mai 2007, elle a cessé de s'occuper de sa mère faute d'avoir répondu à l'interrogation de l'AGSS de l'UDAF et d'avoir accepté une modification des conditions matérielles d'exécution du contrat de travail ; que l'exigence d'un seul lieu de vie correspondait aux stipulations contractuelles et l'hébergement de Monique X...au domicile de Mme Y...constituait une simple tolérance, admise dès lors qu'elle ne portait pas atteinte à l'objectif de maintien de sa mère dans son cadre de vie habituel, élément essentiel de son contrat de travail ; que le refus de Mme Y...est en conséquence seul à l'origine de la rupture du contrat de travail, le tuteur de Monique X...n'ayant commis aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail ;
Attendu cependant que l'employeur a l'obligation de fournir le travail convenu ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté qu'à la suite de son déménagement chez Mme Z..., Monique X..., représentée par son tuteur, avait mis la salariée dans l'impossibilité d'exécuter la prestation de travail convenue, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation des chefs du dispositif relatifs aux demandes de rappel de salaire pour les mois de mai et juin 2007, d'indemnité de congés payés et au titre de la rupture, entraîne par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il condamne Mme Y...à rembourser à l'AGSS de l'UDAF une somme correspondant aux salaire et charges du mois de mai 2007 et à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Boulloche ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme X...épouse Y...
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la rupture du contrat de travail de Mme X...épouse Y...s'analysait en une démission et d'avoir rejeté les demandes de cette dernière tendant à la condamnation de l'AGSS de l'UDAF, en qualité de tuteur de Mme
A...
épouse X..., au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, de rappel de salaires, de majoration pour repos compensateur, de préavis, d'indemnité de congés payés,
Aux motifs que « la prise d'acte par le salarié aux torts de l'employeur emporte rupture du contrat de travail. Si les manquements reprochés à l'employeur ne sont pas suffisamment graves pour lui imputer la rupture, celle-ci produit les effets d'une démission du salarié.
En l'espèce, par lettre du 22 juin 2007, postérieurement à la saisine du conseil des prud'hommes, Madame Y...prenait acte de la rupture du contrat de travail dans les termes suivants :
" suite à votre lettre du 15 juin dernier, et à notre entretien ce jour devant le bureau de conciliation, veuillez acter ma démission au tort de l'employeur pour les motifs suivants :
- depuis le 8 mai 2007, Mme Z...Doriane refuse d'exécuter mes obligations professionnelles concernant mon contrat de travail du 1er juin 2006 et de l'ordonnance du 27 novembre 2006 du juge des tutelles au tribunal de Douai.
- la convention collective " particulier employeur : salarié " stipule que les heures de présence responsables sont rémunérées aux 2/ 3 du salaire conventionnel de base. Le juge des tutelles confirme le 17 novembre 2006 : ".. Madame
A...
Monique veuve X...est prise en charge par l'une de ses filles Madame Y...... et rentre à son domicile pour la nuit... ". Madame Z...Doriane confirma par lettre recommandée avec accusé de réception " ton contrat de travail a été signé entre ta mère et toi pour une présence responsable de 9h00 à 18h30 … ». actuellement vous me rémunérez sur une base de 18h00 hebdomadaires au lieu de 44, 33 heures.
- en date du 16 avril 2007, vous me demandez par lettre ma démission.
L'inexécution par le service majeur protégé... de tels manquements entraîne la rupture de mon contrat de travail imputable à l'employeur s'analysant à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. À ce jour, vous commettez une faute contractuelle qui me rend dans l'impossibilité de poursuivre mon contrat de travail. "
Les griefs invoqués portent donc d'abord sur le non paiement d'heures de " présence responsable " auprès de la personne confiée à sa garde et ensuite sur la demande qu'aurait faite la déléguée de l'UDAF à Madame Y...de présenter sa démission au retour de Madame A...
X...de son hospitalisation.
S'agissant de la demande relative à la " présence responsable ", Madame Y...distingue, en se fondant sur la convention collective des salariés du particulier employeur, d'une part les fonctions de travail effectif d'autre part les fonctions de présence responsable, et estime que ces dernières, nécessairement remplies dans la mesure où elle accueillait sa mère toute la journée et pouvait ainsi intervenir si nécessaire, devaient être rémunérées.
L'article 3 de la convention collective des salariés du particulier employeur précise, s'agissant des salariés assumant une responsabilité auprès de personnes âgées, que dans le cadre de l'horaire défini dans le contrat, les salariés occupant un poste d'emploi à caractère familial qui assument une responsabilité auprès de personnes âgées, dépendantes ou non, peuvent effectuer des heures de travail effectif et des heures de présence responsable dont le nombre respectif sera précisé au contrat.
Les heures de présence responsable sont celles où le salarié peut utiliser son temps pour lui-même tout en restant vigilant pour intervenir, s'il y a lieu.
Le nombre d'heures éventuelles de présence responsable peut évoluer notamment en fonction de l'importance du logement, de la composition de la famille, de l'état de santé de la personne âgée, handicapée ou malade.
Aux termes du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel conclu le 1er mars 2006 par l'AGSS représentant Madame A...
X..., Madame Y...a été engagée en qualité d'employée à domicile pour occuper un emploi à temps partiel d'aide au maintien à domicile, à raison de 18 heures par semaine.
Il n'est pas contesté que la commune intention des parties était de faciliter le règlement à Madame Y...de 1'allocation personnalisée d'autonomie attribuée à Madame A...
X...par les services du conseil général, allocation dont le but, en application des dispositions des articles L 232-1 à 232-28 du code de l'action sociale et des familles est de permettre aux personnes âgées de vivre le plus longtemps possible à leur domicile.
Le contrat de travail prévoyait l'emploi de Madame Y...pour accomplir seulement les heures de travail effectif, telles qu'appréciées par les services du conseil général pour le calcul de l'APA, et ne contenait aucun horaire consacré à de la " présence responsable ".
Il résulte des éléments de la cause que Madame Y...n'a de surcroît pas accompli de telles heures et ne peut prétendre à leur rémunération.
En effet, selon la convention collective, le temps de présence responsable varie notamment en fonction du logement de la personne âgée et de la composition de la famille.
Il en résulte nécessairement que le temps de présence responsable est notablement diminué s'il ne s'exécute pas au domicile de la personne âgée, Or, il est établi par l'ensemble des écritures et des pièces que Madame Y...amenait chaque jour Madame A...
X...à son propre domicile, de 6h30 à 18h30, de sorte qu'elle vaquait aux occupations de sa propre maison.
Par ailleurs, l'article 371 du code civil fait peser sur les enfants un devoir d'assistance envers leurs parents.
En l'espèce, Madame A...
X...a plusieurs enfants dont Madame Y..., débiteurs de cette obligation, de sorte que Madame Y...s'occupait de sa mère à un double titre, en qualité de salariée à temps partiel et en qualité d'enfant redevable du devoir d'assistance, à l'instar de sa soeur Doriane Z...qui hébergeait alors Madame A...
X...la nuit sans recevoir la moindre rémunération.
Il y a lieu au vu de ces éléments de considérer que Madame Y...non seulement n'exécutait pas la prestation de travail telle que prévue au contrat de travail puisque Madame A...
X...n'était pas maintenue à son domicile, mais également qu'elle n'assurait aucune heure de présence responsable au sens de la convention collective des salariés du particulier employeur.
Il ne peut donc être reproché au tuteur de Madame A...
X...de ne pas avoir rémunéré de telles heures.
S'agissant du deuxième grief relatif à la " demande de démission ", il convient de rappeler que l'employeur qui souhaite mettre fin à un contrat de travail doit procéder au licenciement du salarié. À défaut, le contrat de travail se poursuit jusqu'à la prise d'acte de la rupture du contrat par le salarié, ou bien jusqu'au prononcé de la résiliation par le juge, sur la démission.
En l'espèce, Madame Y...fait valoir que le tuteur l'a mis dans l'impossibilité d'exécuter le contrat de travail, sa mère étant " maintenue " au domicile de sa soeur, et elle-même n'y ayant pas accès.
Or, l'AGSS, s'appuyant sur un certificat médical versé aux débats, a le 16 avril 2007, écrit dans les termes suivants à Madame Y...:
" Je me suis rapprochée du docteur C..., médecin traitant. Ce dernier pense qu'un seul lieu de vie serait préférable pour votre maman.
Dans cette optique, votre soeur, Madame Z...Doriane se propose de l'héberger à temps complet à son domicile.
Dans cette hypothèse, vous devriez donner votre démission. Je vous remercie par conséquent de bien vouloir me faire part de vos suggestions. "
Madame Y...n'a pas répondu sur la difficulté relative à l'hébergement de sa mère, mais s'est bornée par des courriers ultérieurs à revendiquer l'exécution du contrat de travail aux conditions antérieures, à savoir à son domicile, entre 6h30 et 18h30.
Elle s'est d'ailleurs présentée au domicile de sa soeur à 6h30 afin d'aller chercher Madame A...
X...et n'a pu que constater qu'à cette heure, personne ne lui répondait.
Ainsi, dès le 3 mai 2007, Madame Y...a cessé de s'occuper de Madame A...
X..., faute d'avoir répondu à l'interrogation de l'AGSS de l'UDAF, et d'avoir accepté d'envisager une modification des conditions matérielles d'exécution du contrat de travail.
En effet, l'exigence d'un seul lieu de vie correspondait aux stipulations contractuelles et l'hébergement de la vieille dame au domicile de sa fille dans la journée constituait une simple tolérance, admise dès lors qu'elle ne portait pas atteinte à l'objectif de maintien de Madame A...
X...dans son cadre de vie habituel, élément essentiel du contrat de travail.
Ce refus est en conséquence seul à l'origine de la rupture du contrat de travail et ce second grief est, comme le précédent, mal fondé.
Il convient dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, de considérer que le tuteur de Madame A...
X...n'a commis aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail de sorte que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'une démission.
Les demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis sont dans ces conditions mal fondées » (arrêt p. 3 à 6),
Et que, pour les demandes de rappels de salaires :
« les demandes formées au titre de la " présence responsable "
Ainsi qu'il a été examiné précédemment, Madame Y...ne peut faire valoir aucun droit à ce titre. Pour les mêmes motifs, étant observé que l'allocation versée par le conseil général avait vocation à aider le paiement des heures accomplies du lundi au dimanche, et qu'il n'est pas établi que Madame Y...hébergeait sa mère toutes les fins de semaines, il ne saurait être fait droit à la demande d'indemnité de repos compensateur pour l'assistance apportée à sa mère les dimanches et jours fériés.
Les rappels de salaires demandés au titre des mois de mai et juin 2007
Le salaire n'est dû qu'en contrepartie de la prestation de travail. Les développements précédents montrent que c'est de son fait, par refus de se conformer au contrat de travail, que Madame Y...n'a pas accompli la prestation prévue.
Elle ne peut en conséquence prétendre au paiement de ces salaires, et la décision du conseil des prud'hommes doit être également confirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande reconventionnelle de remboursement des sommes perçues au titre du mois de mai 2007.
La demande de rappels de salaires au titre des congés payés
L'article L 223-11 devenu l'article L 3141-22 du code du travail dispose que le congé annuel ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
La demande formée en l'espèce par Madame Y...est calculée sur l'ensemble des salaires perçus et à percevoir aux termes de la présente action, du mois de juin 2006 au mois de juin 2007 et y compris un mois de préavis.
L'action étant mal fondée, Madame Y...sera déboutée des demandes de congés payés afférentes.
Il résulte par ailleurs du reçu pour solde de tout compte préparé par l'AGSS, qu'elle a perçu la somme de 735, 69 € brut au titre des congés payés, soit 564, 72 € net.
Il n'y a lieu en conséquence de faire droit à la demande » (arrêt p. 6 et 7),
Alors que l'employeur est tenu de fournir un travail au salarié et de lui verser les rémunérations dues ; qu'en cas de manquement à ces obligations fondamentales, la rupture du contrat de travail lui est imputable ; qu'en l'espèce, le contrat de travail conclu entre Mme Y...et Mme
A...
, dont le tuteur est l'AGSS de l'UDAF, n'a pas été exécuté en raison du comportement du tuteur, qui a demandé à Mme Y...de démissionner, l'a mise dans l'impossibilité de remplir sa mission et n'a pas payé ses salaires ; que la cour d'appel, sans contester notamment l'absence de règlement des salaires, a décidé que le tuteur n'avait commis aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail, de sorte que la prise d'acte de la rupture devait produire les effets d'une démission ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé les articles 1134 du Code civil et L. 1232-1 et suivants du code du travail.