LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 19 juin 2025
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 305 F-D
Pourvoi n° X 24-11.294
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2025
1°/ Mme [E] [D], épouse [C], domiciliée [Adresse 3],
2°/ Mme [X] [D], domiciliée [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° X 24-11.294 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2023 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1ère section), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [J] [U],
2°/ à Mme [H] [L], épouse [U],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de Mmes [E] et [X] [D], de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. et Mme [U], après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 2023), [M] [D], aux droits de laquelle viennent désormais Mmes [E] et [X] [D], était propriétaire de diverses parcelles contiguës à celles appartenant à M. et Mme [U].
2. [M] [D] a assigné M. et Mme [U] en revendication de la propriété d'une parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 4] correspondant à une grange. Ces derniers, à titre reconventionnel, ont revendiqué la propriété de cette parcelle sur le fondement de la prescription acquisitive abrégée.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. Mmes [E] et [X] [D] font grief à l'arrêt de dire que Mme [U] est propriétaire de la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 4] et de la grange située sur celle-ci, et de rejeter leurs demandes, alors « que la possession légale utile pour prescrire ne peut s'établir que par des actes matériels d'occupation réelle, accomplis pendant toute la durée requise pour prescrire ; qu'en relevant que les époux [U] s'acquittaient des impôts fonciers de la parcelle depuis 1986, qu'il résultait d'un procès-verbal de constat établi le 4 janvier 2022 que ces derniers alimentaient en électricité la grange, sans toutefois que les factures d'électricité eussent permis de vérifier depuis combien de temps, que ce procès-verbal indiquait que certains des objets retrouvés dans la grange se retrouvaient sur des photographies personnelles des époux [U], sans du reste plus de précision quant à la date desdites photographies, et que M. [U] avait édifié un mur de parpaings privant [M] [D] de l'accès à la grange, sans précision quant à la date de son édification, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'actes matériels d'occupation réelle pendant les dix années précédant l'assignation du 21 avril 2016, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2261 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2261 et 2272, alinéa 2, du code civil :
4. Aux termes du premier de ces textes, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
5. Selon le second, celui qui acquiert de bonne foi par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.
6. Pour juger que Mme [U] a acquis la propriété de la grange par prescription abrégée de dix ans, l'arrêt relève que M. et Mme [U] se sont acquittés des impôts fonciers relatifs à la parcelle depuis 1986, qu'un procès-verbal de constat établi le 4 janvier 2022 révèle qu'ils alimentent la grange en électricité et confirme que des objets qui y sont présents, reproduits sur des photographies personnelles, leur appartiennent, alors que Mmes [E] et [X] [D] ne font état d'aucune possession et que leur auteur n'avait pas contesté la construction d'un mur en parpaing privant [M] [D] de l'accès à la grange depuis son fonds, et en déduit l'existence d'une possession de la grange exercée depuis au moins dix ans par M. et Mme [U].
7. En se déterminant ainsi, sans préciser la date à laquelle les premiers actes matériels de possession avaient été accomplis, la cour d'appel, qui a statué par des motifs insuffisants à caractériser l'existence pendant dix ans d'actes matériels de possession, le paiement de l'impôt afférent à l'immeuble concerné ne pouvant constituer le début d'une possession réelle sur le bien, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. et Mme [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [U] et les condamne à payer à Mmes [E] et [X] [D] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-neuf juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Proust, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.