LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société de nettoyage industriel Guy Challancin en qualité d'agent de service par contrats à durée déterminée du 2 juillet au 31 octobre 2004 et du 1er novembre 2004 au 31 janvier 2005 suivis d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2005 ; qu'elle était affectée sur le site de la RATP de Bobigny, le second contrat de travail mentionnant, par erreur, celui de Noisy-le-Grand ; que le marché de nettoyage a été confié, à compter du 1er mars 2005, à la société Essi qui a refusé de reprendre la salariée à son service au motif qu'il n'était pas justifié d'une affectation d'au moins six mois sur le site de Bobigny ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes dirigées tant à l'encontre de la société Guy Challancin que de la société Essi ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Guy Challencin :
Attendu que la société Guy Challancin fait grief à l'arrêt de la condamner solidairement avec la société Essi au paiement d'un rappel de salaires pour la période du 1er mai 2005 au 31 octobre 2007 et de dommages-intérêts pour préjudice moral, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond ont interdiction de dénaturer les écrits ; que le contrat de travail à durée déterminée conclu par la société Guy Challancin avec Mme X... pour la période du 1er juillet au 31 octobre 2004 mentionnait comme lieu de travail « RATP Bobigny » ; qu'en affirmant que « le contrat à durée déterminée de Mme X..., à effet du 2 juillet au 31 octobre 2004 mentionne une affectation sur les chantiers situés à Paris et en région parisienne », pour en déduire qu'à la lecture de ces documents, la société Essi avait pu légitimement croire que Mme X... ne justifiait pas d'une ancienneté suffisante sur le chantier de la RATP à Bobigny, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
2°/ qu'il résultait des propres constatations des juges du fond que le contrat de travail de Mme X... pour la période comprise entre le 1er novembre 2004 et le 31 janvier 2005 mentionnait par erreur un lieu de travail situé sur le site de la RATP à Noisy-le-Grand, lorsqu'il était acquis aux débats que celle-ci était demeurée sur le site de la RATP à Bobigny ; que la société Guy Challancin faisait valoir qu'elle n'avait pas été en mesure de justifier de la présence de la salariée sur le site de la RATP à Bobigny pour cette période, ne pouvant plus accéder aux fiches de pointage détenues par la RATP après le 1er mai 2005, cette faculté étant réservée à la société Essi ; qu'en jugeant néanmoins fautive l'insuffisante communication des documents fournis par la société Guy Challancin pour justifier du transfert du contrat de travail de Mme X... auprès de la société Essi, sans rechercher comme elle y était invitée si l'exposante n'avait pas été dans l'impossibilité de justifier autrement que par les pièces qu'elle avait adressées à la société Essi, de la présence de cette salariée sur le site de la RATP à Bobigny, et si la société Essi n'était pas, quant à elle, en mesure de vérifier cette présence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que selon l'article 2 de l'accord du 29 mars 1990 fixant les conditions de garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, le nouveau prestataire n'est tenu de garantir l'emploi des salariés affectés au marché faisant l'objet de la reprise qui sont titulaires d'un contrat à durée indéterminée que s'ils justifient d'une affectation continue sur le marché d'au moins six mois à la date de l'expiration du contrat commercial ; que la période visée par la première branche du moyen étant antérieure de plus de six mois à la date d'expiration du marché, le moyen est de ce chef inopérant ;
Attendu, ensuite, que la deuxième branche du moyen tend à faire peser sur la société entrante les obligations mises à la charge de la société sortante par l'article 3 de l'accord national du 29 mars 1990 ; que la recherche visée était inopérante ;
Qu'il s'en suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Essi :
Vu les articles 2 et 3 de l'accord national du 29 mars 1990 fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire ;
Attendu que pour condamner la société Essi à payer à Mme X... une somme à titre de rappel de salaire, solidairement avec la société Guy Challancin, sur la période du 1er mai 2005 au 31 octobre 2007, seule à compter du mois de novembre 2007, et pour condamner les mêmes à payer in solidum à la salariée des dommages-intérêts pour préjudice moral, la cour d'appel énonce que quels que soient les manquements reprochés à la société Guy Challancin, le contrat de travail de Mme X... a été transféré à la société Essi à compter du 1er mai 2005 par l'effet de l'accord national du 29 mars 1990 ;
Attendu, cependant, que lorsque les conditions de l'article L. 1224-1 ne sont pas remplies, le transfert des contrats de travail prévu par l'accord national du 29 mars 1990 ne s'opère pas de plein droit et est subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord ; qu'un manquement de l'entreprise sortante à son obligation de communiquer à l'entreprise entrante, dans le délai imposé par l'avenant du 21 février 1991, les documents prévus par l'article 3 de l'accord du 29 mars 1990 relatif à la garantie de l'emploi et à la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, peut faire obstacle au changement d'employeur s'il a mis l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que les documents transmis par la société sortante étaient insuffisants à établir que la salariée remplissait, au jour du changement de prestataire, la condition d'affectation sur le marché d'au moins six mois prévue par l'article 2 de l'accord national du 29 mars 1990, ce dont il se déduisait que la société Essi ayant été mise dans l'impossibilité d'organiser la reprise du contrat de travail de la salariée par suite de la carence de la société Guy Challancin dans l'exécution de ses obligations conventionnelles, le transfert du contrat de travail n'avait pu s'opérer à la date du 1er mai 2005 en sorte que la société sortante était demeurée l'employeur de la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Essi rend sans objet les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal de la société Guy Challancin et le deuxième moyen du pourvoi incident de la société Essi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposées ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par M. Béraud, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du seize février deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits aux pourvois principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux conseils pour la société Guy Challancin
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement la société CHALLANCIN avec la société ESSI au paiement de 27685, 50 euros à Madame X... à titre de rappel de salaires pour la période du 1er mai 2005 au 31 octobre 2007 et 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que la société GUY CHALLANCIN doit garantir la société ESSI de ces condamnations, et d'AVOIR condamné « in solidum » la société GUY CHALLANCIN et la société ESSI à payer à Madame X... 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Il résulte de l'article 2 de l'accord du 29 mars 1990 annexé à la convention collective nationale des entreprises de propreté qu'à la suite d'un transfert de marché, le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100% du personnel affecté à ce marché, lorsqu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée et justifie d'une affectation sur ce marché d'au moins 6 mois.
Mme X... fait valoir que malgré le fait qu'elle réponde aux exigences du texte précité, malgré les nombreux courriers qu'elle a pu adresser aux deux sociétés et l'injonction faite par l'inspection du travail qu'elle a alertée, aucune d'elles n'a accepté de la reprendre dans ses effectifs renvoyant à l'autre la responsabilité de le faire.La SAS Essi explique que la Sari Guy Challancin, manquant à ses obligations résultant de l'accord du 29 mars 1990 et de l'avenant du 21 février 1991, a fait obstacle à la reprise de Mme X... par la SAS Essi. Elle précise que la Sari Guy Challancin ne lui a pas fourni des éléments permettant d'établir que Mme X... travaillait depuis plus de 6 mois sur le chantier objet du transfert de marché, délai minimum exigé permettant d'ouvrir au salarié son droit au transfert par la société repreneuse.Contestant les allégations de la SAS Essi, la Sari Guy Challancin fait valoir qu'elle a adressé à cette société toutes les informations précises et claires devant permettre le transfert du personnel, dont Mme X..., affecté sur le site de la RATP de Bobigny à la SAS Essi qui en reprenait le chantier. Elle soutient qu'est mal fondée juridiquement la solidarité prononcée contre elle par les premiers juges.En l'espèce, il n'est plus contesté par les parties que Mme X... était, au 1er mai 2005, lors du transfert du marché, affectée depuis plus de 6 mois sur le site de la RATP de Bobigny.Il s'ensuit, quels que soient les manquements reprochés à la Sari Guy Challancin, que par l'effet de l'accord précité du 29 mars 1990, le contrat de travail de Mme X... a été transféré à la SAS Essi compter du 1er mai 2005. Il s'en déduit que depuis cette date, Mme X... est la salariée de cette société.Il ressort des débats que pour réaliser les opérations de transfert de marché, la Sari Guy Challancin a transmis à la SAS Essi, par courrier du 14 avril 2005, les documents suivants :- un tableau récapitulatif des personnels transférés à la SAS Essi, dans lequel le nom de Mme X... figure,- le contrat à durée indéterminée de Mme X... en date du 1er février 2005 faisant état d'une affectation de celle-ci sur le site de la RATP de Bobigny et d'une reprise d'ancienneté de l'intéressée au 1er juillet 2004,- le contrat à durée déterminée de Mme X..., à effet du 2 juillet au 31 octobre 2004, mentionnant une affectation sur les chantiers situés à Paris et en Région Parisienne,- les bulletins de paie de Mme X... d'octobre 2004 à mars 2005 qui ne comportent aucune précision sur le lieu de travail de Mme X..., Ces documents ainsi transmis font apparaître qu'au 1er mai 2005, date de la reprise du marché par la société Essi, Mme X... a travaillé 3 mois sur le chantier litigieux depuis le 1er février 2005, sans qu'il puisse se déduire de la mention sur la reprise d'ancienneté précisée dans le dernier contrat de travail, une affectation remontant au 1er juillet 2004.Il s'en déduit qu'à la lecture de ces documents, la SAS Essi a pu légitimement croire que Mme X... ne justifiait pas d'une ancienneté suffisante sur le chantier litigieux, et en conséquence, refuser sa reprise dans ses effectifs.Il s'ensuit que le refus de la SAS Essi de reprendre Mme X..., qui constitue une erreur, est imputable à la carence de la Sarl Guy Challancin qui n'a pas fourni à la SAS Essi des éléments suffisamment précis sur la situation de Mme X....En revanche, il apparaît, à tout le moins qu'à la suite du jugement du 13 novembre 2007, et compte tenu des éléments portés à sa connaissance, la SAS Essi ne pouvant plus ignorer la réalité se devait de reprendre Mme X... dans ses effectifs.Il s'ensuit qu'il convient de condamner in solidum la SAS Essi en sa qualité d'employeur de Mme X... et la Sarl Guy Challancin, pour l'erreur déterminante qu'elle a commise à payer, à Mme X... la somme de 27 685,50 € au titre des salaires dus pour la période du 1er mai 2005 au mois d'octobre 2007 inclus. Compte tenu de ce que la situation jusqu'au jugement est imputable à l'erreur de la Sarl Guy Challancin, il convient de condamner celle-ci à garantir la société Essi de la condamnation qu'elle subit ainsi.En outre, en ce qui concerne la période allant de novembre 2007 à février 2009 inclus, il appartenait à la SAS Essi de reprendre Mme X... dans ses effectifs. En s'en dispensant elle n'a pas exécuté le contrat de travail qui s'imposait à elle. Elle demeure donc pour ce manquement qui lui est à elle seule imputable, redevable à Mme X... de ses salaires s'élevant à 23 994,10 € sur la période considérée, sans qu'elle puisse obtenir une quelconque garantie de la part de la Sari Guy Challancin à ce titre.Enfin, la présente situation qui s'est perpétuée en raison du refus des deux sociétés de porter un regard lucide et éclairé sur les éléments objectifs de l'affaire a été préjudiciable à Mme X... qui s'est retrouvée dans l'incertitude de conserver son emploi durant près de 4ans et a du, pour obtenir gain de cause, entamer des démarches difficiles et longues auprès des sociétés en cause, de l'inspection du travail et finalement devant les juridictions sociales. Il s'en déduit l'existence d'un préjudice moral certain pour cette femme qui, de surcroît élève un jeune enfant.Compte tenu de ces éléments, la cour est en mesure d'évaluer le préjudice moral subi à la somme de 10 000 € au paiement de laquelle il convient de condamner in solidum les deux sociétés en cause, sans qu'il y ait lieu à faire droit à l'appel en garantie formé par la SAS Essi contre la Sari Guy Challancin. Le jugement déféré est en conséquence partiellement confirmé»
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la passation des marchés est régie par l'accord du 29 mars 1990 annexé à la convention collective nationale des entreprises de propreté ; que l'article 2 dudit accord dispose que « le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100% du personnel affecté au marché qui fait l'objet de la reprise… et justifiant d'une affectation sur le marché d'au moins six mois à la date d'expiration du marché » ; que la non production , lors du transfert du marché en cause, du contrat à durée déterminée du 1er novembre 2004 au 31 janvier 2005 par la société CHALLANCIN a pu être liée à la mention du site RATP NOISY LE GRAND, site non compris dans le marché transféré. Toutefois, Madame X... a déclaré à la barre n'avoir jamais travaillé à Noisy Le Grand, ce qui est confirmé par la société CHALLANCIN qui plaide l'erreur matérielle sur le contrat à durée déterminée, tandis qu'elle produit les bordereaux d'heures des mois de juillet 2004 à avril 2005 indiquant sans discontinuer « le lot 14 bâtiments de surface »
1. ALORS QUE les juges du fond ont interdiction de dénaturer les écrits ; que le contrat de travail à durée déterminée conclu par la société GUY CHALLANCIN avec Madame X... pour la période du 1er juillet au 31 octobre 2004 mentionnait comme lieu de travail « RATP BOBIGNY » ; qu'en affirmant que « le contrat à durée déterminée de Mme X..., à effet du 2 juillet au 31 octobre 2004 mentionne une affectation sur les chantiers situés à Paris et en Région Parisienne », pour en déduire qu'à la lecture de ces documents, la société ESSI avait pu légitimement croire que Madame X... ne justifiait pas d'une ancienneté suffisante sur le chantier de la RATP à Bobigny, la Cour d'appel a violé le principe susvisé ;
2. ALORS QU'il résultait des propres constatations des juges du fond que le contrat de travail de Madame X... pour la période comprise entre le 1er novembre 2004 et le 31 janvier 2005 mentionnait par erreur un lieu de travail situé sur le site de la RATP à Noisy Le Grand, lorsqu'il était acquis aux débats que celle-ci était demeurée sur le site de la RATP à Bobigny ;que la société GUY CHALLANCIN faisait valoir qu'elle n'avait pas été en mesure de justifier de la présence de la salariée sur le site de la RATP à Bobigny pour cette période, ne pouvant plus accéder aux fiches de pointage détenues par la RATP après le 1er mai 2005, cette faculté étant réservée à la société ESSI (conclusions d'appel de l'exposante p 4) ; qu'en jugeant néanmoins fautive l'insuffisante communication des documents fournis par la société GUY CHALLANCIN pour justifier du transfert du contrat de travail de Madame X... auprès de la société ESSI, sans rechercher comme elle y était invitée si l'exposante n'avait pas été dans l'impossibilité de justifier autrement que par les pièces qu'elle avait adressées à la société ESSI, de la présence de cette salariée sur le site de la RATP à Bobigny, et si la société ESSI n'était pas, quant à elle, en mesure de vérifier cette présence, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement la société GUY CHALLANCIN avec la société ESSI au paiement de 27685, 50 euros à Madame X... à titre de rappel de salaires pour la période du 1er mai 2005 au 31 octobre 2007 et 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que la société GUY CHALLANCIN doit garantir la société ESSI de ces condamnations, et d'AVOIR condamné « in solidum » la société GUY CHALLANCIN et la société ESSI à payer à Madame X... 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « En l'espèce, il n'est plus contesté par les parties que Mme X... était, au 1er mai 2005, lors du transfert du marché, affectée depuis plus de 6 mois sur le site de la RATP de Bobigny.Il s'ensuit, quels que soient les manquements reprochés à la Sari Guy Challancin, que par l'effet de l'accord précité du 29 mars 1990, le contrat de travail de Mme X... a été transféré à la SAS Essi compter du 1er mai 2005. Il s'en déduit que depuis cette date, Mme X... est la salariée de cette société »
ET QUE « à la lecture de ces documents, la SAS Essi a pu légitimement croire que Mme X... ne justifiait pas d'une ancienneté suffisante sur le chantier litigieux, et en conséquence, refuser sa reprise dans ses effectifs.
Il s'ensuit que le refus de la SAS Essi de reprendre Mme X..., qui constitue une erreur, est imputable à la carence de la Sari Guy Challancin qui n'a pas fourni à la SAS Essi des éléments suffisamment précis sur la situation de Mme X....En revanche, il apparaît, à tout le moins qu'à la suite du jugement du 13 novembre 2007, et compte tenu des éléments portés à sa connaissance, la SAS Essi ne pouvant plus ignorer la réalité se devait de reprendre Mme X... dans ses effectifs.Il s'ensuit qu'il convient de condamner in solidum la SAS Essi en sa qualité d'employeur de Mme X... et la Sarl Guy Challancin, pour l'erreur déterminante qu'elle a commise à payer, à Mme X... la somme de 27 685,50 € au titre des salaires dus pour la période du 1er mai 2005 au mois d'octobre 2007 inclus. Compte tenu de ce que la situation jusqu'au jugement est imputable à l'erreur de la Sarl Guy Challancin, il convient de condamner celle-ci à garantir la société Essi de la condamnation qu'elle subit ainsi. En outre, en ce qui concerne la période allant de novembre 2007 à février 2009 inclus, il appartenait à la SAS Essi de reprendre Mme X... dans ses effectifs. En s'en dispensant elle n'a pas exécuté le contrat de travail qui s'imposait à elle. Elle demeure donc pour ce manquement qui lui est à elle seule imputable, redevable à Mme X... de ses salaires s'élevant à 23 994,10 € sur la période considérée, sans qu'elle puisse obtenir une quelconque garantie de la part de la Sari Guy Challancin à ce titre.Enfin, la présente situation qui s'est perpétuée en raison du refus des deux sociétés de porter un regard lucide et éclairé sur les éléments objectifs de l'affaire a été préjudiciable à Mme X... qui s'est retrouvée dans l'incertitude de conserver son emploi durant près de 4ans et a du, pour obtenir gain de cause, entamer des démarches difficiles et longues auprès des sociétés en cause, de l'inspection du travail et finalement devant les juridictions sociales. Il s'en déduit l'existence d'un préjudice moral certain pour cette femme qui, de surcroît élève un jeune enfant.Compte tenu de ces éléments, la cour est en mesure d'évaluer le préjudice moral subi à la somme de 10 000 € au paiement de laquelle il convient de condamner in solidum les deux sociétés en cause, sans qu'il y ait lieu à faire droit à l'appel en garantie formé par la SAS Essi contre la Sarl Guy Challancin. Le jugement déféré est en conséquence partiellement confirmé»
ALORS QUE la société qui, à la suite de la perte d'un marché, n'est plus l'employeur d'un salarié dont le contrat de travail a été transféré à la société nouvellement attributaire dudit marché, ne peut être condamnée à lui verser les salaires qui lui sont dus postérieurement à ce transfert; que la faute qu'elle a commise ayant retardé la reprise du salarié par la société attributaire du marché, ne peut donner lieu qu'au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le salarié; qu'en l'espèce il résultait des propres constatations de l'arrêt que Madame X... était devenue salariée de la société ESSI à compter du 1er mai 2005 en application des dispositions de l'avenant du 29 mars 1990 à la convention collective des entreprises de propreté ; qu'en condamnant néanmoins la société GUY CHALLANCIN solidairement avec cette société à lui verser ses salaires du 1er mai 2005 au 31 octobre 2007, pour avoir commis une faute à l'origine du retard pris par la société ESSI dans la reprise du contrat de travail de la salariée, laquelle faute ne pouvait donner lieu qu'au versement de dommages et intérêts au profit de la salariée, auquel elle a été par ailleurs condamnée, la Cour d'appel a violé les articles 1165 du code civil et L1221-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société GUY CHALLANCIN doit garantir la société ESSI de ses condamnations à verser à Madame X... 27685, 50 euros à Madame X... à titre de rappel de salaires pour la période du 1er mai 2005 au 31 octobre 2007 et 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « à la lecture de ces documents, la SAS Essi a pu légitimement croire que Mme X... ne justifiait pas d'une ancienneté suffisante sur le chantier litigieux, et en conséquence, refuser sa reprise dans ses effectifs.Il s'ensuit que le refus de la SAS Essi de reprendre Mme X..., qui constitue une erreur, est imputable à la carence de la Sarl Guy Challancin qui n'a pas fourni à la SAS Essi des éléments suffisamment précis sur la situation de Mme X....En revanche, il apparaît, à tout le moins qu'à la suite du jugement du 13 novembre 2007, et compte tenu des éléments portés à sa connaissance, la SAS Essi ne pouvant plus ignorer la réalité se devait de reprendre Mme X... dans ses effectifs.Il s'ensuit qu'il convient de condamner in solidum la SAS Essi en sa qualité d'employeur de Mme X... et la Sarl Guy Challancin, pour l'erreur déterminante qu'elle a commise à payer, à Mme X... la somme de 27 685,50 € au titre des salaires dus pour la période du 1er mai 2005 au mois d'octobre 2007 inclus. Compte tenu de ce que la situation jusqu'au jugement est imputable à l'erreur de la Sarl Guy Challancin, il convient de condamner celle-ci à garantir la société Essi de la condamnation qu'elle subit ainsi »
ALORS QUE la responsabilité civile suppose établie l'existence d'un lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice ; qu'en condamnant la société CHALLANCIN à garantir la société ESSI de sa condamnation à verser à Madame X... les salaires qui lui étaient dus entre le 1er mai 2005 et le 31 octobre 2007, pour avoir commis une faute ayant contribué à faire légitimement croire à la société ESSI qu'elle n'avait pas à reprendre le contrat de travail de la salariée, sans cependant rechercher si, même en l'absence de faute commise par la société CHALLANCIN, la société ESSI n'aurait pas dû en tout état de cause verser à la salariée ses salaires en sa qualité d'employeur depuis le 1er mai 2005, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.
Moyens produits aux pourvois incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux conseils pour la société Essi
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'à compter du 1er mai 2005, l'employeur de Mme Assya X... est la SAS Essi et d'avoir en conséquence condamné la société Essi au paiement de diverses sommes à Mme X... à titre de rappel de salaires pour la période du 1er mai 2005 à février 2009 inclus ainsi que 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
AUX MOTIFS QU'il n'est plus contesté par les parties que Mme X... était, au 1er mai 2005, lors du transfert du marché, affecté depuis plus de 6 mois sur le site de la Ratp de Bobigny à la SAS Essi qui en reprenait le chantier ; qu'il s'ensuit quels que soient les manquements reprochés à la sarl Guy Challancin, que par l'effet de l'accord précité du 29 mars 1990, le contrat de travail de Mme X... a été transféré à la SAS Essi à compter du 1er mai 2005 ; qu'il s'en déduit que depuis cette date, Mme X... est la salariée de cette société ; qu'il ressort des débats que pour réaliser les opérations de transfert de marché, la sarl Guy Challancin a transmis à la SAS Essi, par courrier du 14 avril 2005, les documents suivants :- Un tableau récapitulatif des personnels transférés à la SAS Essi, dans lequel le nom de Mme X... figure,- Le contrat à durée indéterminée de Mme X... en date du 1er février 2005 faisant état d'une affectation de celle-ci sur le site de la RATP de Bobigny et d'une reprise d'ancienneté de l'intéressée au 1er juillet 2004,- Le contrat à durée déterminée de Mme X..., à effet du 2 juillet au 31 octobre 2004, mentionnant une affectation sur les chantiers situés à Paris et en Région Parisienne,- Les bulletins de paie de Mme X... d'octobre 2004 à mars 2005 qui ne comportent aucune précision sur le lieu de travail de Mme X... ;que ces documents ainsi transmis font apparaître qu'au 1er mai 2005, date de la reprise du marché par la société Essi, Mme X... a travaillé trois mois sur le marché litigieux depuis le 1er février 2005, sans qu'il puisse se déduire de la mention sur la reprise d'ancienneté précisée dans le dernier contrat de travail, une affectation remontant au 1er juillet 2004 ; qu'il s'en déduit qu'à la lecture de ces documents, la SAS Essi a pu légitimement croire que Mme X... ne justifiait pas d'une ancienneté suffisante sur le chantier litigieux, et en conséquence refuser sa reprise dans ses effectifs ;
ALORS QU'il résulte de l'accord du 29 mars 1990 relatif à la garantie d'emploi et à la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire que l'entreprise entrante s'engage à garantir l'emploi du personnel affecté au marché qui justifie d'une affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public et qu'il appartient à l'entreprise sortante d'établir la liste du personnel affecté au marché repris en faisant ressortir ceux qui remplissent les conditions pour être transférés, en adressant pour chaque salarié concerné : les six derniers bulletins de paie, la dernière fiche d'aptitude médicale et la copie du contrat de travail et le cas échéant, ses avenants à l'entreprise entrante dans les huit jours ouvrables après qu'elle s'est fait connaître ; qu'à défaut pour l'entreprise sortante d'établir que les conditions de transfert d'un salarié sont remplies, le transfert du salarié ne s'opère pas de plein droit ; qu'en décidant que le contrat de travail de Mme X... avait été transféré à la société Essi à compter du 1er mai 2005, après avoir constaté que la société Guy Challancin, entreprise sortante, avait transmis des documents aux termes desquels Mme X... ne justifiait pas d'une ancienneté suffisante sur le chantier litigieux, ce dont il résultait qu'elle ne faisait pas partie du personnel repris, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 de l'accord du 29 mars 1990, dit annexe VII, à la convention collective nationale des entreprises de propreté.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes d'appel en garantie de la société Essi contre la société Challancin pour les condamnations à payer à Mme X... la somme de 23.994,10 € à titre de rappel de salaire pour la période allant du mois de novembre 2007 à février 2009 inclus et la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
AUX MOTIFS QU'il n'est plus contesté par les parties que Mme X... était, au 1er mai 2005, lors du transfert du marché, affectée depuis plus de 6 mois sur le site de la Ratp de Bobigny à la SAS Essi qui en reprenait le chantier ; que le refus de la SAS Essi de reprendre Mme X... est imputable à la carence de la société Challancin qui ne lui a pas fourni les éléments suffisants pour apprécier la situation de la salariée ;
ALORS QU' il résultait des propres constatations des juges du fond qu'au regard des documents transmis par la société sortante, la société entrante avait pu légitimement refuser la reprise de la salariée dans ses effectifs ; qu'en limitant l'appel en garantie formé par la société entrante à la société sortante aux condamnations relatives à la période antérieure au jugement de première instance, tout en relevant l'erreur déterminante de la société sortante et l'absence de faute de la société entrante, laquelle ne pouvait résulter de l'appel qu'elle avait interjeté de la décision des premiers juges, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil.