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16/03/2010 | FRANCE | N°09-82225

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mars 2010, 09-82225


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Raphaël,
- Y... Marc,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 9 mars 2009, qui, pour diffamation envers un particulier et complicité de ce délit, les a condamnés chacun à 1 500 euros d'amende et a prononcé sur l'action civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me Bertr

and pour Raphaël X... pris de la violation des articles 29, 32 et 35 de la loi du 29 juillet 1881, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Raphaël,
- Y... Marc,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 9 mars 2009, qui, pour diffamation envers un particulier et complicité de ce délit, les a condamnés chacun à 1 500 euros d'amende et a prononcé sur l'action civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me Bertrand pour Raphaël X... pris de la violation des articles 29, 32 et 35 de la loi du 29 juillet 1881, 6, 7, 8, 427, 485, 497, 509, 512, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Raphaël X... coupable de diffamation envers un particulier et, en répression, l'a condamné à une amende de 1 500 euros ;

"aux motifs que le délit de diffamation publique est parfaitement caractérisé ; que Raphaël X..., directeur de la publication lui-même, doit être considéré comme auteur principal du délit de diffamation commis par la voie de presse ; qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation et de condamner chacun des deux prévenus à une peine d'amende (arrêt, page 11) ;

"alors que sur le seul appel de la partie civile d'un jugement déclarant l'action publique éteinte par l'effet de la prescription, les juges du second degré ne peuvent prononcer une peine ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que seules les parties civiles ont interjeté appel du jugement du 4 décembre 2008, aux termes duquel le tribunal correctionnel de Cahors, déclarant prescrite l'action publique, avait relaxé les prévenus des fins de la poursuite ; qu'après avoir estimé que la prescription avait été retenue à tort et que l'infraction visée à la prévention était établie à la charge de Raphaël X..., la cour d'appel ne pouvait sur le seul appel des parties civiles, le déclarer coupable de diffamation et le condamner à une amende sans violer les textes visés au moyen" ;

Et sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour Marc Y... pris de la violation des articles 65 de la loi du 29 juillet 1881, 6, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a, sur le seul appel des parties civiles, rejeté l'exception tirée de la prescription de l'action publique, déclaré Marc Y... coupable de complicité de diffamation et, en répression, l'a condamné à une amende de 1 500 euros ;

"aux motifs qu'aux termes des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1895, l'action publique et l'action civile résultant de crimes, délits ou contraventions prévus par cette loi se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour où ils ont été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait… ; qu'il est de jurisprudence que la prescription de l'action publique se trouve suspendue lorsqu'un obstacle de droit ou une impossibilité invincible empêche le demandeur d'agir ; qu'il en va ainsi lorsque le tribunal a ordonné un sursis à statuer, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que celui-ci ait été obligatoire, en application de l'article 35 dernier alinéa de la loi, ou facultatif, et ordonné dans un but de bonne administration de la justice, afin de permettre au juge d'être mieux éclairé sur la nature et la gravité d'une affaire, ou pour la sauvegarde des droits de la défense ; que, dans les deux cas, la décision du tribunal s'impose, dès le délai d'appel expiré, à la partie poursuivante, qu'il s'agisse du ministère public ou de la partie civile, qui se trouvent tenus d'attendre le terme fixé par le jugement pour la reprise des débats et empêcher d'agir, fût-ce par la voie d'une nouvelle citation directe ; qu'au cas d'espèce, le tribunal correctionnel de Cahors ayant ordonné le sursis à statuer pendant l'instruction en cours, il en résulte que la prescription de l'action publique s'est trouvée suspendue, la partie poursuivante étant tenue d'attendre le terme fixé par le jugement, pour la reprise des débats, à savoir la fin de l'instruction diligentée sur la plainte avec constitution de partie civile de Marc Y... ; qu'or, l'arrêt confirmatif de la chambre de l'instruction, en date du 28 mars 2007, a fait l'objet d'un pourvoi en cassation de Marc Y... ; que, dès lors, dans ce cas, la prescription tant de l'action publique que de l'action civile était suspendue pendant la durée de l'instance en cassation et jusqu'à la signification de l'arrêt rendu sur le pourvoi et il importe peu que le ministère public ne se soit pas associé à ce pourvoi comme le soutiennent les prévenus ; que la cour constate que la fin de l'instruction se situe au 21 novembre 2007, date du prononcé de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, lequel a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 décembre 2007 ; que, par la suite, plusieurs diligences ont été accomplies notamment par le parquet de Cahors, qui ont donné lieu, comme indiqué ci-dessus, à autant de décisions de renvoi, diligences qui ont interrompu la prescription jusqu'au jugement en date du 4 décembre 2008 ; qu'il en résulte en conséquence que la prescription n'était pas acquise de sorte que le jugement déféré doit être réformé et on ne saurait déduire des diligences accomplies dans l'attente de l'issue de la procédure d'instruction, en tant que de besoin, par les parties civiles pour interrompre les effets de la prescription une reconnaissance du caractère simplement interruptif du jugement ayant ordonné le sursis à statuer » (arrêt attaqué, p. 7, al. 2 à 8 et p. 8, al. 1 à 3) ;

"1) alors que si, sur le seul appel de la partie civile d'un jugement déclarant l'action publique éteinte par l'effet de la prescription, les juges du second degré sont tenus d'apprécier les faits, de les qualifier et de condamner, s'il y a lieu, le prévenu à des dommages et intérêts envers la partie civile, ils ne peuvent, en revanche, prononcer une peine, la décision des premiers juges ayant acquis force de chose jugée au regard de l'action publique ; qu'en statuant sur une action publique qui était éteinte et en condamnant Marc Y..., pour complicité de diffamation, à une amende de 1 500 euros, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2) alors, en outre, que si un sursis à statuer obligatoire constitue un obstacle légal entraînant la suspension de la prescription, un sursis à statuer simplement facultatif ordonné dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ne met aucun obstacle absolu à la délivrance d'un acte de poursuite ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception de prescription, qu'il n'y avait pas lieu de distinguer selon que le sursis à statuer ait été obligatoire ou facultatif, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

"3) alors, en toute hypothèse, que le jugement entrepris dont le prévenu demandait la confirmation se fondait, pour constater l'extinction de l'action publique, sur le caractère non suspensif du pourvoi en cassation formé par Marc Y... contre l'arrêt de non-lieu rendu dans l'information ouverte à l'encontre des parties civiles ; qu'en décidant que le délai de prescription était suspendu jusqu'à la signification de l'arrêt statuant sur ce pourvoi, sans rechercher si l'absence d'effet suspensif de cette voie de recours ne permettaient pas aux parties civiles d'agir afin qu'il soit statué sur leur action en diffamation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 509 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 du même code ;

Attendu que, sur le seul appel de la partie civile d'un jugement déclarant l'action publique éteinte par l'effet de la prescription, les juges du second degré ne peuvent prononcer une peine, la décision des premiers juges ayant acquis force de chose jugée au regard de l'action publique ;

Attendu que, statuant sur le seul appel des parties civiles du jugement qui, après avoir constaté l'extinction de l'action publique par la prescription, les a déboutés de leurs demandes, l'arrêt, d'une part, rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, d'autre part, infirme la décision, déclare coupables Raphaël X... et Marc Y... des faits visés à la prévention et les condamne chacun à 1500 euros d'amende ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les juges de première instance ne s'étaient pas prononcés sur la validité de la poursuite mais sur une cause d'extinction de l'action publique, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Sur le second moyen de cassation, proposé par Me Bertrand pour Raphaël X..., pris de la violation des articles 485, 512, 544, 591, 593, 800 et 800-1 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Raphaël X... aux dépens ;

"aux motifs que les prévenus doivent supporter les entiers dépens, compris tous les actes d'huissier accomplis dans le cadre de cette procédure dans la mesure notamment où c'est Marc Y... lui-même qui aura retardé l'examen de cette procédure en prenant l'initiative de déposer plainte pour faux et usage de faux et qu'on ne saurait reprocher aux parties civiles d'avoir diligenté un certain nombre d'actes de poursuite destinés à interrompre, en tant que de besoin, les effets de la prescription (arrêt, page 11) ;

"alors qu'aux termes de l'article 800-1 du code de procédure pénale, institué par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'État et sans recours envers les parties ; qu'en condamnant Raphaël X... à supporter les dépens, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Et sur le second moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour Marc Y... pris de la violation des articles 475-1, 800-1 et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Marc Y... aux entiers dépens et dit qu'ils comprendront notamment le coût des actes d'huissier ;

"alors que les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés ; qu'en condamnant le prévenu aux entiers dépens, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, en outre, que les frais de justice, non pris en charge par l'Etat, entrent dans les seules prévisions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; qu'en incluant dans les dépens le coût des actes d'huissier diligentés par les parties civiles, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 800-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que selon ce texte, les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés ;

Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré coupables les prévenus des chefs de diffamation publique envers un particulier et complicité de ce délit, les a condamnés à verser aux parties civiles une somme pour leur préjudice moral, une autre somme sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, ainsi qu'à payer les entiers dépens qui comprendront notamment le coût des actes d'huissier ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 9 mars 2009, en ses seules dispositions ayant d'une part, déclaré coupables les prévenus et condamné chacun à une amende de 1500 euros, d'autre part, condamné les mêmes aux dépens qui comprendront notamment le coût des actes d'huissier, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Agen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Palisse conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-82225
Date de la décision : 16/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 09 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mar. 2010, pourvoi n°09-82225


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.82225
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