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02/11/2011 | FRANCE | N°10-30907

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 novembre 2011, 10-30907


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Groupe Vicard que sur le pourvoi incident relevé par la société Tonnellerie Sylvain ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Groupe Vicard est titulaire d'un brevet français n° 0007395 déposé le 9 juin 2000, publié le 26 janvier 2001 et portant sur une barrique de bois, son procédé de fabrication et le dispositif pour sa mise en oeuvre ; qu'estimant notamment que les sociétés Tonnellerie Sylvain et Tonnellerie Ludonnaise fabriquaie

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Groupe Vicard que sur le pourvoi incident relevé par la société Tonnellerie Sylvain ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Groupe Vicard est titulaire d'un brevet français n° 0007395 déposé le 9 juin 2000, publié le 26 janvier 2001 et portant sur une barrique de bois, son procédé de fabrication et le dispositif pour sa mise en oeuvre ; qu'estimant notamment que les sociétés Tonnellerie Sylvain et Tonnellerie Ludonnaise fabriquaient et vendaient des barriques reproduisant les caractéristiques des revendications 1 à 11 de son brevet, la société Groupe Vicard, après avoir fait procéder à des saisies contrefaçon, les a assignées en contrefaçon ; qu'elle a également assigné la société Mecanic Worker, lui reprochant des actes de contrefaçon par fourniture de moyens ; que la société Tonnellerie Sylvain a appelé en garantie les sociétés ACMI et Mecanic Worker et a reconventionnellement conclu, de même que la société Tonnellerie Ludonnaise, à la nullité des revendications du brevet pour défaut de nouveauté et d'activité inventive ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est recevable :
Attendu que la société Tonnellerie Sylvain fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le brevet était valide dans ses revendications 1 à 14 prises ensemble alors, selon le moyen :
1°/ qu'une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ; que la divulgation résultant d'un tiers auquel l'inventeur a divulgué l'invention est destructrice de nouveauté dès lors que ce tiers n'était pas lié par une clause de confidentialité expresse ; qu'en jugeant que la divulgation résultant de la vente par la société Mecanic Worker de l'outil permettant la confection de barriques reproduisant le procédé breveté par la société Groupe Vicard à la société John Cooper en janvier 2000, ne pouvait être valablement prise en compte comme antériorité du brevet, car elle résulterait d'un manquement contractuel de cette société, sans constater que la société Groupe Vicard aurait sollicité et obtenu un engagement de confidentialité de sa part et après avoir jugé qu'il n'était pas même « établi par les pièces du dossier que la société Groupe Vicard avait informé la société Mecanic Worker de son intention de breveter le bouvetage autoserrant garantissant l'étanchéité des fonds de barriques », la cour d'appel a violé les articles L. 611-11 et L. 611-13 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ; qu'en présence d'une revendication principale suivie de revendications dépendantes, les juges du fond doivent, pour conclure à la validité d'un brevet, rechercher si la revendication principale implique, en elle-même, une activité inventive ; qu'en validant les revendications 1 à 11 du brevet litigieux sans rechercher si la revendication principale impliquait, en elle-même, une activité inventive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la société Mecanic Worker a divulgué, dans les six mois précédant le dépôt de la demande de brevet, à la société John Cooper, et à l'insu de la société Groupe Vicard, un porte outils permettant de réaliser des barriques selon le procédé breveté ; qu'il relève encore que la responsabilité de la société Mecanic Worker, vis à vis de la société Groupe Vicard, se trouve engagée pour non respect de la confidentialité des recherches effectuées par cette dernière pour améliorer un outil préexistant mais affecté nouvellement à la tonnellerie dans un but d'étanchéité ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, dont il se déduit que la divulgation de l'invention par la société Mecanic Worker a été effectuée en violation d'un engagement de confidentialité, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que si le principe du rainurage latéral des lattes ou bouvetage était connu pour assembler et faire tenir ensemble des lattes, l'homme du métier, à savoir le tonnelier, avait dû vaincre un préjugé et avait fait preuve d'activité inventive en concevant d'assurer l'étanchéité des fonds de barrique en utilisant un bouvetage autoserrant, sans adjoindre ni joints ou goujons, ni colle, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Attendu que la société Groupe Vicard fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en contrefaçon à l'encontre de la société Tonnellerie Ludonnaise, alors, selon le moyen, que le juge doit statuer dans les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les conclusions des parties ; que la société Tonnellerie Ludonnaise n'ayant pas contesté, dans ses conclusions signifiées les 23 avril et 6 mai 2010, que son produit constituait la reproduction du brevet n° 2 796 587 mais s'étant bornée à invoquer, subsidiairement à sa demande de nullité du brevet, l'exception de possession personnelle antérieure de l'invention et, plus subsidiairement, l'absence de preuve du préjudice résultant de la contrefaçon, la cour d'appel ne pouvait retenir que le produit critiqué ne constituait pas la contrefaçon du brevet opposé en l'absence de ressemblances suffisantes entre les caractéristiques essentielles des objets en présence sans violer l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la société Tonnellerie Ludonnaise ayant conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il avait dit qu'elle n'avait pas commis d'actes de contrefaçon du brevet Vicard, sans formuler de ce chef de nouveaux moyens, était réputée s'en approprier les motifs ; que c'est dès lors sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel a statué comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 613-2 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour rejeter la demande en contrefaçon du brevet formée à l'encontre de la société Tonnellerie Sylvain, l'arrêt retient par motifs propres et adoptés que l'huissier ayant procédé à la saisie-contrefaçon avait noté une inclinaison des parties obliques des lattes selon un angle d'environ 25° au lieu de 30° et qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que cette inclinaison était compatible avec l'angle de bouvetage auto-serrant à 30°, selon le brevet ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'étendue de la protection conférée par un brevet est déterminée par les revendications, la description et les dessins ne servant qu'à les interpréter, et qu'en ses revendications 1 à 7, dont la contrefaçon était invoquée, le brevet ne revendiquait pas un angle d'inclinaison particulier, l'angle de 30° ne faisant l'objet que de la revendication 8, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur ce moyen pris en sa cinquième branche et sur le second moyen pris en sa sixième branche, rédigés en termes identiques :
Vu l'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour rejeter les demandes en contrefaçon, l'arrêt retient qu'aucun acte de contrefaçon, fût-ce par équivalence, n'est établi ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le brevet couvrait une fonction nouvelle consistant à maintenir l'assemblage des lattes du fond de barrique par un emboîtage à force sans recourir à un autre mode de fixation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, malgré la différence de forme liée à la présence d'un jonc d'étanchéité entre les lattes, le moyen consistant à combiner ce joint à des lattes, dont les faces latérales comportaient des rainures, ne remplissait pas la même fonction en vue d'un résultat de même nature, même si celui-ci était d'un degré différent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'action en contrefaçon des revendications 1 à 11 du brevet n° 0007395 exercée par la société Groupe Vicard à l'encontre des sociétés Tonnellerie Sylvain et Tonnellerie Ludonnaise, l'arrêt rendu le 1er juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne les sociétés Tonnellerie Sylvain et Tonnellerie Ludonnaise aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour la société Groupe Vicard.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'action en contrefaçon du brevet n° 2 796 587 exercée par la s ociété GROUPE VICARD contre la société TONNELLERIE SYLVAIN ;
AUX MOTIFS QUE le procès-verbal de saisie-contrefaçon réalisé auprès de la société Tonnellerie Sylvain met en évidence l'existence d'un rainurage des faces latérales des lattes utilisées dans le fond de barrique qui a été réalisé à l'aide du porte outil 3371- S de la société Mecanic Worker ayant donné lieu à différents essais de largeur de lames au cours de la période de mars 2001 à 2002 ; que l'huissier instrumentaire a noté une inclinaison des parties obliques moindre que celle mentionnée dans le brevet puisqu'elle est réduite à 25° au lieu de 30° et qu'aucun élément ne permet d'affirmer qu'elle est compatible avec l'angle du bouvetage auto-serrant à 30° du porte ou til 3771- S ; que par ailleurs il a été constaté que la presse utilisée pour assembler les lattes était de marque Weinig et non pas celle spécifique fabriquée par la société ACMI dont le procédé est protégé par les revendications 12 à 14 du brevet qui permet un emboîtement en force des lattes garantissant leur parfaite étanchéité ; qu'également il apparaît des constatations de l'expert qu'il a relevé la présence d'un joint de jonc entre chaque latte dont aucun élément de preuve ne permet d'exclure qu'il n'assume pas une fonction d'étanchéité traditionnelle en matière de tonnellerie ; que dès lors compte tenu de ces éléments il apparaît qu'il n'existe pas de ressemblances suffisantes au titre de la reproduction des caractères essentiels de l'invention brevetée dont l'une des finalités essentielles résidait dans l'absence de recours à un goujon d'acacia et à un jonc pour assurer l'étanchéité expressément mentionnée dans le préambule du brevet ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré qu'il ne pouvait être retenu la commission d'actes de contrefaçon à l'égard de la société Tonnellerie Sylvain sur la base des constatations contenues dans le procès-verbal de saisie contrefaçon précité, qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré qu'il n'était pas établi d'acte de contrefaçon, fût-ce par équivalence, commis par les sociétés précitées et en conséquence rejeter toutes les demandes susceptibles d'en découler présentées dans ce cadre (arrêt attaqué p. 14 al. 1 à 6 et dernier al.) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les revendications ne sont pas protégeables une par une mais seulement dans leur globalité (jugement p. 11 al. 9) ;

ALORS, d'une part, QUE la revendication détermine la limite de la protection, la description ne servant qu'à interpréter la revendication ; qu'en écartant la contrefaçon du brevet pour la raison que l'inclinaison des parties obliques du produit argué de contrefaçon était inférieure à celle mentionnée dans le brevet, puisqu'elle était réduite à 25° au lieu de 30° et qu'aucun élément ne permettait d'affirmer qu'elle était compatible avec l'angle de bouvetage auto-serrant à 30° du porte outil 3771- S quand, en ses revendications 1 à 7 dont la contrefaçon était invoquée, le brevet ne revendiquait pas un angle d'inclinaison déterminé, un angle de 30° n'étant mentionné qu'à titre option nel dans la revendication 8 et dans la description qu'à titre d'exemple de réalisation, la cour d'appel a violé l'article L. 613-2 du Code de la Propriété Intellectuelle ;

ALORS, d'autre part, QUE la société GROUPE VICARD n'ayant pas invoqué la contrefaçon des revendications 12 à 14 portant sur le dispositif pour la mise en oeuvre du procédé protégé par les revendications 9 à 11, ce dispositif comprenant une presse pour effectuer l'étape d'emboîtage de ce procédé, la cour d'appel ne pouvait, pour écarter la contrefaçon du brevet, relever que la presse utilisée pour assembler les lattes du fond de barrique critiqué différait de la presse dont le procédé était protégé par les revendications 12 à 14, sans statuer par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, de troisième part, QU'une adjonction ne fait pas disparaître la contrefaçon par reproduction de l'objet revendiqué ; qu'après avoir constaté que le produit argué de contrefaçon reproduisait les caractéristiques du brevet dans lequel l'étanchéité du fond de barrique était assurée au moyen d'un emboîtement des lattes à force l'une dans l'autre, grâce à un rainurage de leur face latérale, sans recours à aucun autre moyen de fixation, de sorte que les caractéristiques protégées par le brevet se trouvaient reproduites, la cour d'appel ne pouvait écarter la contrefaçon en se fondant sur la présence d'un joint de jonc entre chaque latte du produit critiqué, lequel réalisait une simple adjonction impropre à exclure la contrefaçon ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, de quatrième part et subsidiairement, QUE la cour d'appel, qui a estimé que l'une des finalités essentielles de l'invention couverte par le brevet résidait dans l'absence de recours à un goujon d'acacia et à un jonc pour assurer l'étanchéité, ne pouvait juger que la présence d'un joint de jonc entre chaque latte du produit critiqué était exclusive de la contrefaçon sans constater que ce jonc avait pour fonction d'assurer l'étanchéité de ce produit ; qu'en énonçant, sans procéder à une telle constatation positive, qu'aucun élément de preuve ne permettait d'exclure que cet élément assurait une fonction d'étanchéité traditionnelle en matière de tonnellerie, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, de cinquième part et plus subsidiairement encore, QUE des moyens qui, bien que de forme différente, exercent la même fonction en vue d'un résultat de même nature, sinon de même degré, sont équivalents ; qu'après avoir relevé que l'une des finalités essentielles du brevet résidait dans l'absence de recours à un goujon d'acacia et à un jonc pour assurer l'étanchéité, la cour d'appel devait rechercher, comme elle y était invitée, si, malgré la différence de forme des produits tenant à la présence d'un jonc entre les lattes de l'objet critiqué, cet objet, dans lequel l'étanchéité était assurée au moyen de l'emboîtement des lattes grâce au rainurage de leurs faces latérales, sans recours à aucun autre moyen de fixation, ne reproduisait pas les moyens protégés par le brevet dans la même fonction décrite dans le brevet, soit l'assemblage « par auto-serrage » sans utiliser « ni colle ni goujon ni autre moyen de fixation » (brevet p. 8, lignes 16 à 20), en vue d'un résultat de même nature, soit « un contact sensiblement étanche » (brevet p. 8, lignes 16 à 20), même si ce résultat était d'un degré différent, de sorte que le brevet se trouvait contrefait par équivalence ; qu'en se bornant à affirmer, sans procéder à cette recherche, qu'il n'était pas établi d'actes de contrefaçon « fût-ce par équivalence », la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, enfin, QUE chaque revendication est protégeable en elle-même et que la reproduction des caractéristiques mentionnées dans une revendication constitue une contrefaçon ; qu'en énonçant, par motifs adoptés du jugement, que les revendications n'étaient pas protégeables une à une mais seulement dans leur globalité, la cour d'appel a violé les articles L. 612-6, R. 612-16 et R. 612-18 du Code de la Propriété Intellectuelle.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'action en contrefaçon du brevet n° 2 796 587 exercée par la s ociété GROUPE VICARD contre la société TONNELLERIE LUDONNAISE ;
AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne le procès-verbal de saisie contrefaçon établi à l'égard de la société Tonnellerie Ludonnaise il apparaît certes que le profil du rainurage des lattes est identique à celui prévu dans le brevet litigieux puisqu'il est en outre établi qu'il a été réalisé grâce au porte outil 3771- S mis au point par la société Mecanic Worker auprès de laquelle il a été acquis suivant facture du 1er décembre 2000 annexée au procès-verbal ; que néanmoins la presse utilisée pour assembler les lattes n'est pas celle élaborée par la société ACMI dont le procédé est protégé par le brevet ainsi qu'indiqué plus haut ; qu'en outre, même si les lattes sont assemblées sans colle ni goujon, la présence d'un jonc d'étanchéité a été constatée également par l'huissier instrumentaire entre chaque latte dont la présence est visible sur les photographies annexées au procès-verbal de saisie-contrefaçon et dont aucun élément de preuve ne permet d'exclure qu'il n'assume pas une fonction d'étanchéité traditionnelle en matière de tonnellerie ; que ces éléments ne permettent donc pas davantage de considérer qu'il existe des ressemblances suffisantes au titre de la reproduction des caractères essentiels de l'invention brevetée dont l'une des finalités essentielles résidait dans l'absence de recours à un goujon d'acacia et à un jonc pour assurer l'étanchéité expressément mentionnée dans le préambule du brevet ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré qu'il n'était pas établi d'acte de contrefaçon, fût-ce par équivalence, commis par les sociétés précitées et en conséquence rejeté toutes les demandes susceptibles d'en découler présentées dans ce cadre (arrêt attaqué p. 14, al. 7 à 10) ;
ALORS, d'une part, QUE le juge doit statuer dans les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les conclusions des parties ; que la société TONNELLERIE LUDONNAISE n'ayant pas contesté, dans ses conclusions signifiées les 23 avril et 6 mai 2010, que son produit constituait la reproduction du brevet n° 2 796 587 mais s'étant bornée à invoquer, subsidiairement à sa demande de nullité du brevet, l'exception de possession personnelle antérieure de l'invention et, plus subsidiairement, l'absence de preuve du préjudice résultant de la contrefaçon, la cour d'appel ne pouvait retenir que le produit critiqué ne constituait pas la contrefaçon du brevet opposé en l'absence de ressemblances suffisantes entre les caractéristiques essentielles des objets en présence sans violer l'article 4 du Code de Procédure civile ;
ALORS, d'autre part, QU'en relevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de ce qu'il n'existait pas de ressemblances suffisantes entre le produit critiqué et les caractéristiques du brevet pour conclure à la contrefaçon de celui-ci, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du Code de Procédure civile ;
ALORS, de troisième part, QUE la société GROUPE VICARD n'ayant pas invoqué la contrefaçon des revendications 12 à 14 portant sur le dispositif pour la mise en oeuvre du procédé protégé par les revendications 9 à 11, ce dispositif comprenant une presse pour effectuer l'étape d'emboîtage de ce procédé, la cour d'appel ne pouvait, pour écarter la contrefaçon du brevet, relever que la presse utilisée pour assembler les lattes du fond de barrique critiqué différait de la presse dont le procédé était protégé par les revendications 12 à 14, sans statuer par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, de quatrième part, QU'une adjonction ne fait pas disparaître la contrefaçon par reproduction de l'objet revendiqué ; qu'après avoir constaté que le produit argué de contrefaçon reproduisait les caractéristiques du brevet dans lequel l'étanchéité du fond de barrique était assurée au moyen d'un emboîtement des lattes à force l'une dans l'autre, grâce au rainurage de leurs faces latérales, sans recours à aucun autre moyen de fixation, de sorte que le brevet se trouvait contrefait, la cour d'appel ne pouvait écarter la confrefaçon en se fondant sur la présence d'un joint de jonc entre chaque latte du produit critiqué, lequel réalisait une simple adjonction impropre à exclure la contrefaçon ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, de cinquième part et subsidiairement QUE la cour d'appel, qui a estimé que l'une des finalités essentielles de l'invention couverte par le brevet résidait dans l'absence de recours à un goujon d'acacia et à un jonc pour assurer l'étanchéité ne pouvait juger que la présence d'un joint de jonc entre chaque latte du produit critiqué était exclusive de la contrefaçon sans constater que ce jonc avait pour fonction d'assurer l'étanchéité de ce produit ; qu'en énonçant, sans procéder à une telle constatation positive, qu'aucun élément de preuve ne permettait d'exclure que cet élément assumait une fonction d'étanchéité traditionnelle en matière de tonnellerie, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 615-1 du Code de la Protection Intellectuelle ;
ALORS, enfin et plus subsidiairement encore QUE des moyens, qui bien que de forme différente, exercent la même fonction en vue d'un résultat de même nature, sinon de même degré, sont équivalents ; qu'après avoir relevé que l'une des finalités essentielles du brevet résidait dans l'absence de recours à un goujon d'acacia et à un jonc pour assurer l'étanchéité, la cour d'appel devait rechercher, comme elle y était invitée, si, malgré la différence de forme des produits tenant à la présence d'un jonc entre les lattes de l'objet critiqué, cet objet, dans lequel l'étanchéité était assurée au moyen de l'emboîtement des lattes grâce au rainurage de leurs faces latérales, sans le recours à aucun autre moyen de fixation, ne reproduisait pas les moyens protégés par le brevet dans la même fonction, en vue d'un résultat de même nature, même s'il était d'un degré différent, de sorte que le brevet se trouvait contrefait par équivalence ; qu'en se bornant à affirmer, sans procéder à cette recherche, qu'il n'était pas établi d'acte de contrefaçon « fût-ce par équivalence », la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Tonnellerie Sylvain.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le brevet n° 00 07395 déposé le 9 juin 2000 par la SA GROUPE VICARD concernant une barrique de bois, son procédé de fabrication et dispositif de mise en oeuvre est valide dans ses revendications 1 à 14 considérées ensembles ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE au regard des dispositions des articles L. 611-10 et suivants du Code de la propriété intellectuelle il y a lieu de rappeler que l'appréciation de l'activité inventive qui sert de base aux contestations de la validité du brevet conduit à examiner les moyens constitutifs de l'invention, dans leur forme, la fonction qu'ils exercent dans l'application qui en est faite et en considération de la nouveauté restante telle qu'elle résulte de la comparaison avec les antériorités invoquées ; que la lecture du brevet litigieux révèle que l'invention protégée concerne une barrique de bois destinée notamment à la production de vin et d'eaux de vie, un procédé de fabrication d'un fond pour une telle barrique et un dispositif pour la mise en oeuvre d'un tel procédé ; que le préambule du brevet reprend la description du procédé traditionnel d'élaboration des fonds de barrique en bois et conclut à la nécessité de réduire le nombre d'étapes nécessaires à la fabrication de ces derniers pour en réduire le coût en supprimant l'emploi du jonc d'étanchéité et des goujons d'acacia tout en évitant également le recours à une colle ou tout autre produit inapte au contact alimentaire ; que dans l'optique précitée, il définit les objectifs de l'invention objet du brevet comme consistant dans la fourniture de barriques de bois dont le fond est moins cher à produire mais également bénéficie d'une solidité et d'une étanchéité accrue par rapport au fond obtenu avec la méthode traditionnelle ; que pour ce faire le brevet s'appuie essentiellement sur les revendications 1 à 11 d'ailleurs seules visées dans le procès-verbal de saisie contrefaçon et qui donc peuvent également seules être invoquées dans le cadre de la présente action ; qu'aux termes de ces revendications il apparaît que le procédé breveté met en oeuvre le principe du bouvetage consistant dans le rainurage des côtés des lattes constituant le fond de la barrique qui relève d'une pratique ancienne utilisée en menuiserie traditionnelle pour faire tenir des lattes ensemble ; qu'elle intervenait, ainsi que l'a retenu le Tribunal, dans la fabrication de parquets, de vitrage mais également de tonneaux contenant du tabac mais associée soit à des colles soit à des clous ou des vis de renfort ; que néanmoins aucun des exemples d'usages anciens invoqués n'associe le procédé du bouvetage utilisé sans adjonction à une fonction d'étanchéité pour l'objet dans la fabrication duquel il est associé ; qu'ainsi que l'a relevé à bon droit le Tribunal, la mention dans l'expertise de Monsieur C... du Musée du vin évoquant le bouvetage des barriques au XIX ième siècle, sans autre précision ne peut suffire à considérer que celui-ci assurait à lui seul l'étanchéité des barriques ; que, par ailleurs, il ne peut être contesté, en l'espèce, que le rainurage faisant l'objet du brevet a nécessité des adaptations spécifiques pour assurer une fonction nouvelle d'étanchéité ; qu'elles sont établies par le fait que pour y parvenir il a été nécessaire de procéder à des essais et des modifications d'un porte outil de menuiserie pré-existant de la société SAS MECANIC WORKER qui dans sa version d'origine ne permettait pas d'obtenir des bouvetages réalisés une étanchéité des fonds de barrique dès lors qu'il n'était utilisé qu'en menuiserie générale sans nécessité d'une telle finalité ; que les diverses commandes opérées par la société VICARD entre octobre et novembre 1999 démontrent l'existence de tests relatifs à sa mise au point d'écarts et d'angles différents qui ont conduit à retenir l'angle de 30 % comme le mieux adapté à la finalité recherchée tel qu'il est expressément mentionné dans le brevet et tel qu'il apparaît dans la nouvelle référence n° 3771S du porte outil réalisé spécifiquement par la société SAS MECANIC WORKER ; qu'il est également établi ainsi que l'a retenu le Tribunal que la SA GROUPE VICARD a complété son invention par la modification d'un système de presse mise au point par la SARL ACMI qui permet un serrage en force et définitivement étanche des lattes profilées ; que ces constatations objectives ne peuvent être remises en cause par les différents rapports établis à la requête de la société TONNELLERIE LUDONNAISE, pour deux d'entre eux par Monsieur B... et pour le troisième par Monsieur C... ; que ces documents constituent manifestement des travaux de commande dont les conclusions orientées ne sont pas suffisamment étayées pour remettre en cause le rapport de Monsieur D... expert mandaté par la société VICARD qui conclu bien évidemment en sens opposé ; que c'est donc à bon droit que le Tribunal a retenu le caractère inventif du brevet litigieux n° 0007395 déposé par la SA GROUPE VICARD ; que pour contester la validité du brevet il est également invoqué la divulgation du procédé revendiqué avant le dépôt dudit brevet intervenu le 9 juin 2000 ; que l'examen des pièces produites par la société TONNELLERIE LUDONNAISE pour établir cette antériorité consistent tout d'abord en un plan de fabrication daté du 16 mars 1992 émanant de la société MECANIC WORKER mais aucun élément ne démontre que ce dernier ait été rendu public de telle sorte qu'il ne peut y avoir lieu de considérer qu'il puisse présenter le caractère d'une antériorité opposable ; qu'il en va de même de l'extrait non daté du catalogue ISOCELE joint à la lettre de la société PELA dès lors que reproduit manifestement à partir d'un site internet, il comporte comme seule date certaine celle de sa duplication intervenue le 15 novembre 2002 postérieurement au dépôt du brevet ; que l'extrait du catalogue VIENNOIS dont une page porte la mention " catalogue 10/ 96 " n'est pas davantage probant puisqu'il n'apparaît pas sur la page 15 et n'est pas corroboré par la production de la couverture du catalogue ; qu'en tout état de cause ces documents divulguent un outillage et non la barrique de bois objet de la revendication 1 ; qu'il apparaît certes ainsi que l'a constaté le Tribunal que la société MECANIC WORKER qui a mis au point le porte outil modifié 3771S en a opéré livraison à la société JOHN COOPER en janvier 2000 permettant à cette dernière de confectionner des barriques reproduisant le procédé breveté à l'initiative de la société GROUPE VICARD qu'elle a vendues à la société SOUTHCORP WINES ; que néanmoins la Cour faisant sien le raisonnement bien fondé du Tribunal retiendra " qu'en divulguant ce porte outil spécifique à l'insu de celui qui en avait défini les caractéristiques utiles pour la tonnellerie, la SAS MECANIC WORKER a commis une faute contractuelle " qui a favorisé la divulgation du procédé breveté dans les six mois précédant le dépôt du brevet mais interdit que ladite divulgation soit prise en compte au titre d'une antériorité opposable au brevet ; que la société TONNELLERIE SYLVAIN se prévaut du témoignage de Monsieur E... en date du 28 juin 2006 qui fait état de l'utilisation d'un procédé de bouvetage de l'assemblage des fonds de barriques depuis 1990 par la société RADOUX et depuis août 1994 par la filiale de cette dernière TONELERIA VICTORIA au titre duquel il aurait été déposé une enveloppe Soleau ; que ce témoignage ne peut néanmoins être considéré comme probant dès lors qu'il n'est étayé par aucun élément de preuve objectif assortissant les allégations qu'il contient notamment quant à la date du dépôt de l'enveloppe Soleau et sa matérialité même ; que, dès lors, sur la base de ces motifs et ceux complémentaires et non contradictoires du Tribunal qu'elle adopte, la Cour est fondée à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré qu'il n'existait pas de preuve d'une divulgation de l'invention brevetée au sens de l'article L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle avant la date de dépôt du brevet en juin 2000 ; que le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a déclaré valide le brevet litigieux ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en vertu des articles L. 611-10 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, une invention est brevetable si elle implique une activité inventive ne découlant pas, pour un homme du métier, de manière évidente de l'état de la technique antérieure et si elle est nouvelle, c'est-à-dire non comprise dans l'état de la technique antérieure rendue accessible au public par une description écrite, orale ou un usage ; qu'en l'espèce, le brevet VICARD décrit, dans ses revendications 1 à 7, le profilage des deux faces latérales des lattes du fond des barriques devant être assemblées, selon un rainurage particulier composé de deux parties inclinées séparées par une partie rectangulaire, comportant sur une des faces latérales une partie mâle, et sur l'autre face une partie femelle, destinées à être exactement emboîtées ; que la revendication 8 précise que les parties inclinées font un angle d'environ 30° ; que la revendication 9 à 11 décrit l'assemblage et la découpe des lattes opposées pour former le fond des barriques étanches, mises ensuite sous presse selon revendication 12 à 14, décrite de telle sorte que le serrage en force fait partie du dispositif de l'invention ; que les revendications 1 à 14 concernent donc un dispositif complexe, qui forme une combinaison de moyens nécessaire au résultat recherché : assurer l'étanchéité des fonds de barrique sans recourir à des joints ou goujons ni colles ;
QUE concernant l'inventivité, il n'est contesté par aucune des parties que le principe du bouvetage, c'est à dire du rainurage des côtés des lattes, est connu depuis très longtemps en menuiserie, et fait partie de la technique antérieure pour assembler et faire tenir ensembles des lattes ; que les pièces du dossier, notamment les catalogues ISOCELE, VIENNOIS, et MECANIC WORKER concernant des outils de menuiserie, confirment cette utilisation pour les parquets, vitrages, et même les tonneaux contenant du tabac, depuis plus de 50 ans, mais associée soit à des colles (parquets, vitrage) soit à des clous ou vis de renfort, le bouvetage étant toujours employé dans un objectif de solidité et de parfaite adhérence de l'assemblage des lattes, mais pas pour garantir l'étanchéité à un liquide ; qu'aucun des exemples d'usages anciens produits au débat n'associe le procédé exclusif de bouvetage à l'étanchéité de l'objet ainsi fabriqué ; que notamment la mention dans l'expertise de Monsieur C... du Musée du Vin évoquant le bouvetage des barriques au XIXème siècle sans autre précision ne permet pas d'affirmer que ce bouvetage assurait à lui seul l'étanchéité des barriques ; que le procédé n'est donc pas nouveau en lui-même, mais sa fonction d'étanchéité, revendiquée expressément tant dans le préambule du brevet que dans ses revendications, l'est incontestablement ; que cette inventivité est d'autant plus manifeste que le rainurage garantissant cette étanchéité a nécessité des essais et modifications d'un porte outil de menuiserie pré-existant de la SAS MECANIC WORKER (ref. 3771 de son catalogue de 1992) ; que le porte outil dans sa version classique ne permet pas aux bouvetages réalisés une étanchéité des fonds de barrique, les factures produites par la SAS MECANIC WORKER démontrent seulement que le bouvetage réalisé grâce à son porte outil a été effectivement utilisé largement mais seulement en menuiserie générale depuis plus de 10 ans ; qu'aucune preuve de l'utilisation de bouvetage autoserrant en tonnellerie n'est rapportée ; que les commandes de la SA GROUPE VICARD entre octobre et novembre 1999 testant des écarts et angles différents, pour finalement retenir l'angle de 30° indiqué dans le brevet, correspondant à la nouvelle référence, non contestée par les parties, du porte outil 3771S de la SAS MECANIC WORKER, confirment l'inventivité de ce rainurage spécifique, tel que décrit dans le brevet, assurant l'étanchéité recherchée pour les barriques de vin ; que par ailleurs, la SA GROUPE VICARD a fait modifier un système de presse par la S. A. R. L ACMI pour compléter son invention et parvenir à un serrage en force et définitivement étanche des lattes profilées ; que l'homme de métier, en l'espèce, le tonnellier qui est bien évidemment compétent en menuiserie, connaît nécessairement la technique de bouvetage en général, mais il devait vaincre un préjugé tenace relatif à l'absence de garantie d'étanchéité lui imposant d'ajouter des joints ou de la colle ; qu'il n'était donc absolument pas évident, pour un tonnelier, de s'en remettre à n'importe quel bouvetage déjà employé en menuiserie, ce que reconnaît la SA TONNELLERIE SYLVAIN qui ajoute toujours des joints malgré le bouvetage des lattes de ses fonds de barrique ; qu'il apparaît ainsi suffisamment démontré le caractère inventif des revendications 1 à 11 du brevet 00 07395 de la SA Groupe VICARD ;
QUE concernant la nouveauté les défendeurs soutiennent que le procédé revendiqué aurait été divulgué plus de six mois avant le dépôt du brevet effectué le 9 juin 2000, faisant perdre à celui-ci son caractère indispensable de nouveauté pour être protégé ; qu'il est versé au débat par la SA TONNELLERIE DEMPTOS des pièces relatives à une commande de porte outil n° 3771S auprès de la SAS MECANIC WORKER par une Tonnellerie Australienne JOHN COOPER, dont le PDG atteste avoir effectué des recherches dès les années 1990 pour réaliser des bouvetages auto-serrant étanches ; qu'il est versé des pièces relatives à une machine outil commandée en 1998 mais dont rien ne démontre qu'elle permettait de réaliser l'étanchéité recherchée ; qu'il ressort par contre des autres pièces et bons de commandes que la SAS MECANIC WORKER a livré à JOHN COOPER son porte outil modifié 3771S en janvier 2000, soit précisément dans la période de ses relations avec la SA GROUPE VICARD qui effectuait des essais pour améliorer cet outil et très peu de temps après que celle-ci choisisse le profilage adapté à l'étanchéité ; que s'il n'est pas établi par les pièces du dossier que la SA Groupe VICARD avait informé la SAS MECANIC WORKER de son intention de breveter le bouvetage autoserrant garantissant l'étanchéité des fonds de barriques, les essais effectués par elle, et la nouveauté de l'application de ce bouvetage " à titre d'étanchéité " au domaine de la tonnellerie aurait dû conduire la SAS MECANIC WORKER à un minimum de prudence, comme d'aviser la SA GROUPE VICARD des ventes envisagées du porte outil modifié à la demande de celle-ci, à d'autres tonnelleries ; qu'en divulguant ce porte outil spécifique à l'insu de celui qui en avait défini les caractéristiques utiles pour la tonnellerie, la SAS MECANIC WORKER a commis une faute contractuelle, sans toutefois commettre de contrefaçon par fourniture de moyen au sens de L. 613-4 du Code de la propriété intellectuelle ; que de ce fait, cette divulgation dans les six mois précédant le dépôt du brevet ayant été possible par l'abus contractuel commis par la SAS MECANIC WORKER, elle ne peut être valablement prise en compte au titre d'une antériorité au brevet protégé ; que cependant, la demande présentée par la SA GROUPE VICARD d'interdire à la SAS MECANIC WORKER de proposer à la vente son porte-outil 3771 S alors qu'il n'est pas protégé en tant que tel par le brevet VICARD, n'est pas légitime ; que les tonnelleries soutiennent que la durée de vie normale des barriques est de l'ordre de 5 ans ; que les saisies contrefaçons ont été réalisées le 30 octobre 2002 ; qu'à cette époque, si le procédé de bouvetage était déjà largement divulgué depuis au moins l'année 1999, il était encore facile de s'adresser à des viticulteurs pour obtenir des barriques utilisant ce procédé et fabriquées antérieurement ; que l'absence de nouveauté suppose une divulgation publique telle qu'elle permette à tout homme du métier d'accéder aux informations techniques nécessaires à la réalisation de l'invention (documents de mise en oeuvre, publications, ou fabrication en série généralisée) ; que si l'usage de l'invention reste confidentiel parce que justement encore en phase de recherche, la jurisprudence ne retient pas de divulgation de l'invention ; que la SA TONNELLERIE DEMPTOS allègue seulement deux autres antériorités au brevet VICARD :
- l'une américaine, de la TONNELLERIE RADOUX, pour laquelle plusieurs témoignages indiquent des commandes de barriques à fonds bouvetés en 1999 : une barrique vendue à Monsieur Nils G..., de SADDLEBAELC CELLARS a été examinée et photographiée pour confirmer cette antériorité mais comporte des inscriptions contradictoires sur l'année de fabrication : l'une au feutre noir 1999, l'autre à la craie 01PB, dont un employé de la TONNELLERIE RADOUX affirme que le B désigne les barriques produites le 2° trimestre. Mais alors le nombre 01 semble indiquer une barrique de 2001 ; que même si le nombre à la craie concerne la mise en tonneau du vin, la mention 99 au feutre peut avoir été rajoutée, aucun élément sur la barrique examinée ne permet de l'identifier comme une de celle objet de la facture établie le premier septembre 1999 qui porte une référence AO-TX-MT-MIX, alors que l'employé FONTANELLA indique que la barrique examinée est de type UMX RADOUX ; qu'en outre si la barrique présente bien un fonds bouveté sans joint ni goujons, le recours à une colle alimentaire pour assurer l'étanchéité de cette barrique n'est pas exclue ; que l'antériorité de toute pièce n'est pas suffisamment démontrée, et en tout état de cause ne porte que sur une barrique dont la date de fabrication n'est pas certaine ; que cette antérioritélà ne constitue donc pas une divulgation de l'invention suffisamment probante pour faire perdre le caractère de nouveauté au brevet VICARD :
- l'autre, espagnole attestée par deux employés d'une filiale de la TONNELLERIE DEMPTOS à LAGUARDIA en ESPAGNE, qui affirment que pendant toute l'année 1999, les fonds de barrique étaient assemblés par bouvetage, sans joints ni colles, et parfaitement étanches ; que leur témoignage doit être reçu avec circonspection, s'agissant de salariés de l'un des défendeurs principaux de cette procédure ; que Monsieur Salgado F..., gérant d'une entreprise de menuiserie à HARO en ESPAGNE atteste également avoir, de janvier à décembre 1999, vu et participé à la fabrication de plusieurs milliers de fonds de barriques, sans joints ni colles, par un système de bouvetage composé de rainures et languettes alternées, parfaitement étanche ; que cependant ce témoignage est établi en novembre 2004, il n'y a aucune preuve objective de la date de cette antériorité de fabrication, énoncée à partir de la seule mémoire de cet artisan, 5 ans plus tard ; que la filiale de la TONNELLERIE DEMPTOS a sollicité un de ses clients, le caviste A..., qui a vidé une barrique pour en examiner le fonds, en présence d'un notaire authentifiant les photos prises de cette barrique, et sur laquelle figure les chiffres II-98 pouvant correspondre à une date de fabrication de celleci ; que là encore, la découverte de cette barrique, encore en service en 2004, examinée sans production de facture et comparaison de numéro de série permettant d'authentifier sa date de fabrication conduit à l'écarter comme preuve d'une divulgation suffisante de l'invention considérée ;
QU'ainsi les éléments produits au dossier ne suffisent pas à démontrer que l'invention brevetée par la SA Groupe VICARD avait fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle avant la date de dépôt de son brevet en juin 2000 ; que par conséquent il y a lieu de déclarer valide ledit brevet VICARD ;
1°) ALORS QU'une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ; que la divulgation résultant d'un tiers auquel l'inventeur a divulgué l'invention est destructrice de nouveauté dès lors que ce tiers n'était pas lié par une clause de confidentialité expresse ; qu'en jugeant que la divulgation résultant de la vente par la société MECANIC WORKER de l'outil permettant la confection de barriques reproduisant le procédé breveté par la société GROUPE VICARD à la société JOHN COPPER en janvier 2000, ne pouvait être valablement prise en compte comme antériorité du brevet, car elle résulterait d'un manquement contractuel de cette société, sans constater que la société GROUPE VICARD aurait sollicité et obtenu un engagement de confidentialité de sa part et après avoir jugé qu'il n'était pas même « établi par les pièces du dossier que la SA Groupe VICARD avait informé la SAS MECANIC WORKER de son intention de breveter le bouvetage autoserrant garantissant l'étanchéité des fonds de barriques » (jugement, p. 9, al. 2), la Cour d'appel a violé les articles L. 611-11 et L. 611-13 du Code de la propriété intellectuelle ;
2°) ALORS QU'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ; qu'en présence d'une revendication principale suivie de revendications dépendantes, les juges du fond doivent, pour conclure à la validité d'un brevet, rechercher si la revendication principale implique, en elle-même, une activité inventive ; qu'en validant les revendications 1 à 11 du brevet litigieux sans rechercher si la revendication principale impliquait, en elle-même, une activité inventive, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-14 du Code de la propriété intellectuelle.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-30907
Date de la décision : 02/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 01 juillet 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 nov. 2011, pourvoi n°10-30907


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, Me Carbonnier, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.30907
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