AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... ayant été interrogé le 14 avril 2002 par la chaîne de télévision M6 lors d'une émission intitulée "Zone interdite : sectes, escrocs et manipulateurs", consacrée au mouvement religieux raëlien, l'association Religion raëlienne de France s'estimant gravement mise en cause par ses réponses a fait délivrer une assignation les 12 et 13 juillet 2002 en vue de voir sanctionner une injure publique ;
que par jugement du 3 décembre 2002 le tribunal de grande instance de Nanterre a déclaré nulle pour non respect du formalisme prévu par loi du 29 juillet 1881, l'assignation délivrée ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt (Versailles, 14 avril 2005) d'avoir déclaré nulle l'assignation délivrée les 12 et 13 juillet 2002 à la requête de l'association Religion raëlienne à l'encontre de M. X... et de M. Y... de Z..., pris en sa qualité de président du directoire de la société Métropole Télévision dite M6 et d'avoir déclaré irrecevable la demande formée par cette association représentée par son liquidateur amiable M. A..., alors, selon le moyen :
1 / qu'en estimant que la citation régularisée par l'association aurait dû préciser l'alinéa de l'article 33 de loi du 29 juillet 1881 qu'elle visait, le seul visa de ce texte étant insuffisant, la cour d'appel a ajouté à l'article 53 précité une disposition qu'il ne contient pas et a violé ce texte par fausse application ;
2 / qu'en estimant qu'il n'appartient pas au juge de suppléer la carence du plaignant en le présumant d'office comme ayant élu domicile au greffe de la juridiction, cependant que cette recherche portant sur l'élection de domicile au greffe de la juridiction lui était expressément demandée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
3 / qu'en estimant que l'assignation délivrée par l'association était entachée de nullité dès lors qu'elle ne comportait pas la précision de l'article 53 de cette même loi qui s'appliquait à la poursuite et qu'elle ne contenait pas élection de domicile dans la ville où siégeait la juridiction saisie, cependant que ces restrictions au droit d'agir en justice ne sont pas justifiables au regard de l'article 6-1 de Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé ces textes ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel qui a relevé que l'assignation avait été délivrée pour des faits constitutifs d'injure publique envers un particulier au visa de l'article 33 de loi du 29 juillet 1881 en a exactement déduit qu'elle était insuffisante au regard des exigences légales puisque les précisions données sur la nature de l'infraction dénoncée auraient pu permettre de retenir celle d'injure publique envers un groupe de personnes en raison de son appartenance à une religion déterminée quand la prévention retenue était celle d'injure envers un particulier et le prévenu n'avait de ce fait pu qu'être induit en erreur sur l'objet exact de la prévention et sur la peine qui réprime les faits incriminés ; que, d'autre part, la cour d'appel qui a rappelé qu'il résultait de l'article 53 de loi du 29 juillet 1881 que l'assignation délivrée à la requête du plaignant devait contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie en a déduit à bon droit qu'en l'absence de preuve de l'accomplissement de cette formalité, qui incombait à la partie poursuivante, l'assignation devait être déclarée nulle ; qu'enfin, dès lors qu'aucun texte législatif n'écarte l'application de l'article 53 de loi du 29 juillet 1881 devant la juridiction civile, l'arrêt qui n'a pas méconnu le droit à un procès équitable a fait une exacte application des textes visés au moyen et du principe de l'égalité des armes dans les procès relatifs aux infractions de presse ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne M. A..., ès qualités de liquidateur de l'association Religion raëlienne de France à payer la somme de 2 000 euros à M. de Z..., ès qualités de président du directoire de la société Métropole télévision M6 ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille six.