COUR DE CASSATION
13 CRD 035
Audience publique du 24 février 2014Prononcé au 31 mars 2014
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Kriegk, conseiller, M. Laurent, conseiller référendaire, en présence de Mme Valdès-Boulouque, avocat général et avec l¿assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
ACCUEIL du recours formé par l'agent judiciaire de l'Etat, contre la décision du premier président de la cour d'appel de Reims en date du 12 septembre 2013 qui a alloué à M. Mohamed X... une indemnité de 9 000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 1 800 euros en réparation de son préjudice matériel sur le fondement de l'article 149 du code précité ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 24 février 2014 en l'absence de l'intéressé et de son avocat ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat ; Vu les conclusions de Me Marteau, avocat au barreau de Reims, représentant M. X... ; Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire de l'Etat et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de M. le conseiller Kriegk, les observations de Me Meier-Bourdeau, avocat représentant l'agent judiciaire de l'Etat, les conclusions de Mme l'avocat général Valdès-Boulouque ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que par décision du 12 septembre 2013, le premier président de la cour d'appel de Reims a alloué à M. Mohamed X... 9 000 euros en réparation de son préjudice moral, 1 800 euros en réparation de son préjudice matériel, et 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ce, à raison d'une détention de cent vingt sept jours des chefs d'enlèvement ou séquestration inférieure à sept jours (deux dossiers) et de violences ayant entraîné une interruption temporaire de travail supérieure à huit jours, de menaces de mort sous condition, du 21 novembre 2005 au 31 mars 2006, date de sa mise en liberté sous contrôle judiciaire ; que M. X... a été relaxé par une décision définitive du tribunal correctionnel de Châlons en Champagne de l'ensemble des faits visés dans les deux procédures par jugements des 7 et 21 novembre 2012 ;
Que l'agent judiciaire de l'Etat a régulièrement formé un recours contre cette décision, limité à l'indemnisation du préjudice matériel ;
Que l'avocat général a conclu à l'admission du recours ;
Que M. X... a conclu au rejet du recours ;
Sur l'indemnisation du préjudice matériel :
Vu les articles 149 et 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité répare intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement lié à la privation de liberté ;
Attendu que M. X... a sollicité l'allocation d'une somme de 6 350 euros au titre de son préjudice matériel en précisant que s'il n'exerçait aucune activité professionnelle à l'époque de sa mise en examen, il était depuis marié et exerçait la profession de commerçant, de sorte qu'il soutenait avoir perdu une chance de trouver un emploi pendant la durée de son incarcération laquelle doit être évaluée au montant du revenu minimum d'insertion (450 euros par mois) qu'il aurait normalement perçu s'il n'avait pas été incarcéré ;
Attendu que pour accueillir la demande à hauteur de la somme de 1 800 euros sur la base de 450 euros par mois, le premier président a retenu que M. X... n'avait aucune activité avant son incarcération, mais qu'il exerçait depuis une activité commerciale ; que la détention n'avait donc entraîné aucune perte directe de revenus, sinon celle d'une chance de trouver un emploi ;
Attendu que l'agent judiciaire de l'Etat prétend que l'intéressé ne justifie cependant pas de conditions de nature à ouvrir droit à réparation d'une quelconque perte de chance d'occuper ou de trouver un emploi ;
Attendu que la simple référence au revenu minimum d'insertion ne saurait satisfaire à l'exigence de preuve qui incombe au demandeur de justifier de la perte de chance d'exercer une activité rémunérée pendant la période de détention ou de trouver un emploi postérieurement à son élargissement ;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... n'a fourni aucun élément permettant de justifier de sa situation professionnelle, antérieurement ou postérieurement à son incarcération, ni de démarches entreprises pour trouver un emploi ; qu'il ressort notamment des opérations d'expertise psychiatrique, que M. X... a indiqué avoir cessé son dernier emploi "pour faire autre chose" sans pouvoir donner plus de précisions ; qu'il ne s'est pas davantage expliqué sur sa situation professionnelle depuis son élargissement ; que s'il a indiqué, à l'appui de sa requête en indemnisation, être désormais marié et exercer la profession de commerçant, il n'a produit aucune pièce à l'appui de ces affirmations ;
Attendu qu'il résulte des éléments qui précédent que M. X... ne démontre pas l'existence d'une perte de chance sérieuse, même faible, mais réelle qu'il aurait perdue, trouvant sa cause dans un effort d'insertion dans le monde du travail, d'exercer une activité rémunérée au cours de la période de la détention ou à partir de son élargissement ;
Attendu en conséquence que M. X... doit être débouté de sa demande d'indemnisation d'un préjudice matériel subi du fait de la détention ;
PAR CES MOTIFS :
RAPPELLE que les indemnités allouées au titre du préjudice moral s'élevant à la somme de 9 000 euros, et celle de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont devenues définitives ;
ACCUEILLE le recours de l'agent judiciaire de l'Etat, et statuant à nouveau :
DEBOUTE M. Mohamed X... de sa demande d'indemnisation du préjudice matériel ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 31 mars 2014 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.