ARRÊT N° 3
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte sous seing privé du 15 avril 1967, la compagnie d'assurances La Protectrice-accidents, aux droits de laquelle se trouve la compagnie Allianz France IARDT, a consenti à la société anonyme d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA) un prêt de 500 000 francs, remboursable en 20 ans, au taux d'intérêt nominal de 6 % ; qu'il a été prévu à la clause 6 de ce contrat que " la moitié de l'intérêt nominal et la partie du capital nominal compris dans chaque annuité d'amortissement seront majorés en fonction de l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'INSEE... le montant de chaque annuité sera calculé 1°) en multipliant la moitié de son montant par le rapport entre le dernier indice publié à la date d'échéance et l'indice de référence 2°) en y ajoutant la moitié fixe de son montant de base " ; que la clause 11 a mis à la charge de l'emprunteur les impôts, droits et taxes se rapportant au prêt ; qu'en 1986, la SEMCODA a assigné le prêteur, à titre principal en annulation du contrat, au motif que le taux effectif global du prêt n'avait pas été mentionné dans l'acte, et, subsidiairement, en annulation des clauses relatives aux intérêts et l'indexation, ainsi que de la clause concernant les incidences fiscales ; que, refusant de prononcer la nullité du contrat, la cour d'appel a substitué au taux d'intérêt conventionnel le taux d'intérêt légal, en précisant que celui-ci serait soumis aux dispositions légales de révision, et a dit que le capital serait remboursé en tenant compte de l'indexation conventionnelle ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SEMCODA fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 1990) d'avoir décidé que le taux légal substitué au taux conventionnel serait soumis aux variations législatives alors, selon le moyen, que l'intérêt légal substitué au taux indéterminé dans le contrat ne peut être que celui en vigueur au jour du contrat ; qu'ainsi la cour d'appel a méconnu l'article 1907 du Code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de la loi du 11 juillet 1975, modifiée par la loi du 23 juin 1989, le taux de l'intérêt légal est en toute matière fixé pour la durée de l'année civile ; qu'en l'espèce, après avoir décidé à bon droit qu'en matière de prêt d'argent l'indication par écrit du taux effectif global est une condition de validité de la stipulation d'intérêts, à défaut de laquelle le taux de l'intérêt légal est substitué, à compter de la date du prêt, au taux conventionnel, l'arrêt énonce justement que le taux légal est celui fixé par la loi en vigueur au moment où il est acquis et qu'il doit en conséquence subir les modifications successives que la loi lui apporte ; qu'ainsi, loin de violer le texte visé au moyen, la cour d'appel en a fait une exacte application ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir déclaré non fondée l'action en annulation de la clause d'indexaction insérée dans le contrat, au motif que l'indexation était valable en son principe et conforme à l'arrêté du 10 août 1965 complétant l'arrêté du 26 septembre 1958 pris pour l'application de la loi n° 5.336 du 29 mars 1958, alors, selon le moyen, d'une part, que l'arrêté du 10 août 1965 autorise non pas l'indexation du capital emprunté mais seulement une valorisation selon l'indice INSEE du coût de la construction ; et alors, d'autre part, que ce texte soumet le contrat de prêt à l'approbation du préfet, sur avis conforme du trésorier payeur général et du directeur départemental de la construction, ainsi qu'à sa conformité avec des contrats types, et qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que le contrat litigieux ait été souscrit dans de telles conditions ;
Mais attendu que les dispositions de l'arrêté du 10 août 1965 ne font pas obstacle à l'indexation du capital prêté, laquelle peut éventuellement avoir pour effet une variation en baisse bénéficiant à l'emprunteur ;
Et attendu qu'il ne résulte ni de ses conclusions, ni de l'arrêt, que la SEMCODA ait soutenu devant la cour d'appel que le contrat était dépourvu de l'approbation préfectorale et n'était pas conforme à un contrat type ;
D'où il suit que, non fondé en sa première branche, le moyen en sa seconde branche, nouveau et mélangé de fait, est irrecevable ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est également fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'action en annulation de la clause d'indexation du capital, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 2 de la loi du 28 décembre 1966, l'indexation du remboursement en capital n'est licite que dans la mesure où elle est intégrée dans le taux effectif global ; qu'à défaut d'indication de ce taux dans le contrat, il est substitué l'intérêt légal ; qu'ainsi, c'est à tort qu'il a été déclaré que l'indexation est valable en son principe, le taux d'intérêt légal ne pouvant s'appliquer que sur le nominal de l'emprunt, sans autre indexation du capital ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que la substitution du taux de l'intérêt légal au taux conventionnel n'avait aucun effet sur l'indexation du capital, laquelle ne doit pas être prise en compte pour la détermination du taux effectif global ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le quatrième moyen :
Vu les articles 3 et 4 de la loi du 28 décembre 1966 ;
Attendu que le contrat conclu par la compagnie Allianz France IARDT et la SEMCODA comporte une clause n° 11 aux termes de laquelle " l'emprunteur s'engage à prendre à sa charge les impôts, charges, droits et taxes présents et futurs en rapportant au présent emprunt, en principal et intérêts, et à les verser entre les mains du prêteur " ;
Attendu que pour écarter les conclusions de la SEMCODA qui faisait valoir qu'il s'agissait d'un complément d'intérêts et que la clause ne pouvait recevoir application dès lors que le taux effectif global n'avait pas été mentionné dans le contrat, l'arrêt énonce que cette obligation a été librement consentie, qu'elle ne recèle aucune condition potestative et qu'elle est parfaitement déterminable en fin d'exercice ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les impôts, taxes et droits mis à la charge de l'emprunteur ne constituaient pas un accroissement des charges de l'emprunt faisant en conséquence partie du taux effectif global, réductible au taux de l'intérêt légal, en raison de la méconnaissance par le rédacteur du contrat de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives aux incidences fiscales au prêt, l'arrêt n° 20 rendu le 14 juin 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles