Sur l'intervention des sociétés Laboratoires d'applications dermatologiques Vichy et Ruby d'Anglas :
Attendu que par un " mémoire en intervention " déposé au greffe de la Cour le 9 janvier 1989, la société Laboratoires d'applications dermatologiques de Vichy et la société Ruby d'Anglas ont demandé que la cassation à intervenir sur le pourvoi n° 86-11.894 formé par la société Pierre Fabre cosmétique leur profite ;
Mais attendu que les sociétés Laboratoires d'applications dermatologiques de Vichy et Ruby d'Anglas ayant été l'une et l'autre parties devant la cour d'appel, il leur appartenait de former un pourvoi en cassation contre les dispositions leur faisant grief ; que leur intervention est donc irrecevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 28 janvier 1988) statuant sur plusieurs recours formés contre une décision du Conseil de la concurrence, que certains producteurs et distributeurs de produits cosmétiques et d'hygiène corporelle ont formé une entente, de concert avec l'Ordre national des pharmaciens, afin de réserver aux seules officines pharmaceutiques la vente au public de leurs produits ;
Attendu que la société Pierre Fabre cosmétique (la société) reproche à l'arrêt d'avoir, pour déclarer cette entente illicite et confirmer l'injonction qui lui avait été faite par le Conseil de la concurrence de cesser de subordonner l'agrément de ses distributeurs à la qualité de pharmacien d'officine, considéré que les produits cosmétiques et d'hygiène corporelle distribués en pharmacie constituent un marché isolé parce que, aux yeux des utilisateurs, ils ne sont pas substituables par des produits qui, quoique similaires, sont vendus dans les circuits commerciaux ordinaires ; alors que, selon le pourvoi, le marché sur lequel est susceptible de s'exercer une action anticoncurrentielle est composé de l'ensemble des produits substituables entre eux ; que pour définir le marché pertinent, les juges ne peuvent tenir compte que des caractères objectifs des produits et du point de savoir si ceux-ci satisfont un besoin du public sans pouvoir se référer aux conditions dans lesquelles les produits sont distribués ; qu'en effet les conditions de distribution d'un produit et le service éventuellement rendu par les agents économiques qui le distribuent font partie des stratégies de concurrence et sont sans influence sur la substituabilité des produits entre eux, laquelle s'apprécie en fonction des besoins et, le cas échéant, des goûts du public ; que dès lors la décision attaquée qui constate que les produits cosmétiques et d'hygiène corporelle distribués par les différents circuits sont de bonne qualité, qu'il n'y a pas de preuve décisive de la supériorité des produits vendus en pharmacie et que les acheteurs en pharmacie recherchent la satisfaction d'un besoin de sécurité et de conseil, n'a pu déduire l'insubstituabilité des produits cosmétiques et d'hygiène corporelle distribués dans les différents circuits de la différence des services rendus au public par l'ensemble des distributeurs et ceux rendus par une catégorie particulière de distributeurs, les pharmaciens d'officine qui satisfont, par une prestation particulière (la fourniture d'avis autorisés),
indépendante de la nature même des produits, un besoin de sécurité et de conseil ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la décision attaqué a violé l'article 85 du traité de Rome et l'article 50 de l'ordonnance 45-1413 du 30 juin 1945 ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a retenu que, dans l'esprit des consommateurs, les produits considérés, du seul fait qu'ils n'étaient distribués qu'en pharmacie, ne pouvaient être substitués par des produits similaires vendus dans le commerce, et a ainsi, conformément aux exigences de la loi nationale et du Traité instituant la Communauté économique européenne, délimité l'étendue du marché à considérer pour apprécier les conditions dans lesquelles s'exerçait la concurrence ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, le troisième moyen pris en ses deux branches et sur le quatrième moyen : (sans intérêt) ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que la société reproche enfin à l'arrêt d'avoir, en se fondant sur l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui prévoit la possibilité d'assortir la décision de conditions particulières, décidé qu'afin de vérifier l'exécution des injonctions prononcées, l'affaire serait à nouveau appelée devant la cour d'appel à une audience ultérieure au vu d'un rapport du Directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, alors, selon le pourvoi, que le juge est dessaisi par le prononcé de sa décision et qu'il ne lui incombe pas de pourvoir à l'exécution de celle-ci, sauf lorsqu'il est saisi à cette fin par l'une des parties ; que les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne dérogent pas à cette règle ; qu'en renvoyant l'affaire devant elle pour vérifier l'exécution des injonctions énoncées ci-dessus, la cour d'appel a violé l'article 481 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu qu'il est de l'office du juge d'ordonner les mesures propres à faire cesser les troubles dont il constate l'existence et l'illicéité ; qu'en ajournant le prononcé de toute sanction pécuniaire selon les modalités qu'elle a fixées, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE irrecevable l'intervention des sociétés Laboratoires d'applications dermatologiques Vichy et Ruby d'Anglas ;
REJETTE le pourvoi