CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
- Y... Alain,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, du 21 novembre 1991, qui les a condamnés, pour délits d'homicides et blessures involontaires, le premier à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, le second à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 1 500 francs d'amende, et pour contraventions au Code de la route, le premier à deux amendes de 2 000 francs chacune, le second, à 2 amendes de 1 000 francs chacune, a suspendu le permis de conduire de chacun pendant 8 mois, avec exécution provisoire, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 319 et 320 du Code pénal, L. 13, L. 14, L. 15, L. 16, R. 48, R. 51, R. 53-2, R. 232, R. 232. 7° et R. 239 du Code de la route, 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel X... à une peine de 1 an d'emprisonnement avec sursis, à une peine d'amende de 10 000 francs pour les délits, à deux amendes de 2 000 francs chacune pour les contraventions connexes ainsi qu'à la suspension de la validité de son permis de conduire pour une durée de 8 mois ; condamné Alain Y... à une peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis, à une peine d'amende de 1 500 francs pour les délits, à deux amendes de 1 000 francs chacune pour les contraventions connexes ainsi qu'à la suspension de son permis de conduire pour une durée de 8 mois et d'avoir, en conséquence, déclaré Michel X... et Alain Y... entièrement responsables des conséquences dommageables de l'accident survenu le 14 août 1990 ;
" aux motifs que le véhicule porte-engin appartenait à la Société des travaux publics du Centre-Ouest dont Michel X... est le président-directeur général et qu'il était conduit par Alain Y..., salarié de ladite société ; que le but du transport était d'acheminer à Montpellier un bulldozer pour des travaux en cours le plus rapidement possible ; que l'ensemble routier, tracteur-remorque-bulldozer, atteignait un poids total de 57, 800 tonnes pour un gabarit de 2, 74 mètres excédant ainsi les 40 tonnes et les 2, 50 mètres de largeur normalement admis ; que ces caractéristiques classaient le véhicule et son chargement dans la catégorie II des transports exceptionnels, dont la circulation était réglementée dans le département par un arrêté préfectoral du 29 février 1976 ; que ce convoi était frappé d'une interdiction de circuler, entre la tombée et le lever du jour, sur les autoroutes, ainsi que les lundis et lendemains de fête jusqu'à 12 heures ; qu'aucune de ces interdictions n'a été respectée et qu'aucune demande d'autorisation de transport n'a été sollicitée auprès de l'un quelconque des services compétents des départements concernés ; qu'aucun véhicule d'accompagnement n'avait été prévu ; que la signalisation lumineuse, notamment prévue à l'article 6 de l'arrêté susvisé et consistant en feux tournants ou clignotants n'aurait pas été mise en service ; que cette carence s'explique aisément par le souci de ne pas signaler ostensiblement les conditions de circulation anormales de l'ensemble routier ; que les contraventions reprochées sont constantes ; que Michel X..., en ordonnant le transport, et Alain Y... en l'exécutant en toute connaissance de cause ont, chacun en ce qui les concerne, engagé leur responsabilité pénale ; que les contraventions constituent la condition sine qua non sans laquelle l'accident ne se serait pas produit, en raison notamment de l'imprudence et de la négligence observées quant à la signalisation du véhicule et de sa présence non normalement prévisible en ces lieux à ce moment ; qu'aucun élément du dossier ne permet de caractériser une quelconque faute d'Alain Z... qui eût pu être déterminante dans la réalisation de l'accident ; que le jugement ayant retenu la culpabilité des prévenus pour l'ensemble des faits reprochés sera donc confirmé, mais par adjonction de motifs ;
" 1°) alors que la cour d'appel constate que le véhicule automobile a percuté l'arrière de l'ensemble routier qui circulait dans le même sens et que le seul témoin des faits avait déclaré que le véhicule automobile, après l'avoir dépassé, avait continué sa route en direction de l'ensemble routier, dont les feux étaients visibles à une distance d'environ 500 mètres, sans aucune manoeuvre d'évitement ni de freinage ; qu'en se bornant pourtant à affirmer que les contraventions reprochées, résultant de la mise en circulation d'un transport exceptionnel malgré une interdiction temporaire de circulation et en l'absence d'autorisation préfectorale, étaient la cause de l'accident sans préciser en quoi l'ensemble routier dont la présence sur la voie de droite de l'autoroute, fût-elle interdite, aurait, dès lors qu'elle était visible à une distance d'environ 500 mètres, joué un rôle causal dans l'accident, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2°) alors que l'article R. 232. 7° du Code de la route punit des peines prévues pour les contraventions de la 4e classe tout conducteur ayant contrevenu aux dispositions du livre 1er du Code de la route concernant les interdictions ou restrictions de circulation prévues sur certains itinéraires pour certaines catégories de véhicules ou pour des véhicules effectuant certains transports ; qu'en déclarant Michel X... coupable d'avoir circulé sur une partie du réseau routier faisant l'objet d'une interdiction temporaire de circulation, infraction réprimée par la disposition susvisée, bien qu'elle ait constaté que celui-ci n'était pas le conducteur du transporteur litigieux, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'Alain Z..., qui circulait de nuit au volant d'une automobile sur une autoroute, est entré en collision avec l'arrière d'un ensemble routier composé d'un tracteur et d'une remorque porte-engin, ensemble appartenant à la Société de travaux publics du Centre-Ouest dirigée par Michel X... et conduit par Alain Y... ; que cet accident a entraîné la mort d'Alain Z..., de son épouse et de deux de ses enfants, un troisième étant grièvement blessé ; que Michel X... et Alain Y... ont été poursuivis tous deux pour délits d'homicides et blessures involontaires et pour avoir contrevenu aux dispositions des articles R. 48, R. 51 et R. 53-2 du Code de la route en effectuant un transport exceptionnel sans autorisation préfectorale et sur une partie du réseau routier faisant l'objet d'une interdiction temporaire ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des infractions reprochées et entièrement responsables de l'accident, la juridiction du second degré, qui était saisie de conclusions tendant à voir imputer la responsabilité de celui-ci aux fautes exclusives d'Alain Z..., se prononce par les motifs exactement repris au moyen ;
Sur la première branche :
Attendu qu'en cet état la cour d'appel a justifié sa décision, quant à la condamnation des prévenus pour homicides et blessures involontaires et à leur entière responsabilité, sans encourir le grief allégué ; qu'il n'importe que, selon un témoin qui venait d'être dépassé par Alain Z..., celui-ci ait, sans manoeuvre d'évitement ni freinage, continué sa route en direction de l'ensemble routier dont les feux étaient visibles à une distance de 500 mètres environ, dès lors que les juges, appréciant souverainement les faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ont pu déduire de leurs constatations que l'insuffisance de signalisation du convoi exceptionnel, d'un gabarit de 2, 74 mètres et dont la présence n'était pas normalement prévisible, avait été de nature à induire en erreur l'automobiliste, sans qu'aucune faute en relation avec l'accident ait été démontrée à la charge de celui-ci ;
D'où il suit que le moyen en sa première branche n'est pas fondé ;
Mais sur la seconde branche :
Vu lesdits articles, ensemble l'article 4 du Code pénal ;
Attendu que, selon l'article R. 232 du Code de la route, les contraventions qu'il réprime ne sont imputables qu'au conducteur du véhicule ;
Mais attendu qu'en condamnant également Michel X... pour avoir contrevenu aux articles R. 48, R. 51 et R. 53-2 du Code de la route en ordonnant le transport litigieux alors qu'il était seulement le dirigeant de la société propriétaire du véhicule en cause, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom du 21 novembre 1991, mais en ses seules dispositions portant condamnation de Michel X... pour les contraventions prévues par l'article R. 232. 7° du Code de la route, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.