Vu I, sous le n° 11NC01412, le recours, enregistré le 30 août 2011, complété par deux mémoires enregistrés les 30 août 2012 et 15 février 2013, présenté par le ministre du Budget ;
Le ministre du Budget demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 0700754 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la Centrale des artisans coiffeurs du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 et de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie pour les années 2003 à 2006 ;
2°) de remettre ces impositions à la charge de la Centrale des artisans coiffeurs ;
Le ministre du Budget soutient que :
- la Centrale des artisans coiffeurs ne peut être juridiquement qualifiée de " société coopérative artisanale " ;
- l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 207 1 3° bis du code général des impôts ne s'applique qu'aux coopératives artisanales fonctionnant conformément aux dispositions de la loi du 20 juillet 1983 ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en subordonnant l'exonération prévue à l'article 207 1 3° bis du code général des impôts au respect des dispositions de la loi locale du 20 mai 1898 ;
- la Centrale des artisans coiffeurs, qui ne tient pas de comptabilité séparée pour l'enregistrement des opérations qu'elle effectue avec les tiers, ne peut être regardée comme fonctionnant conformément aux dispositions de la loi du 20 juillet 1983 ;
- dès lors que la Centrale des artisans coiffeurs s'est comportée comme une société soumise à l'impôt sur les sociétés, l'administration est fondée à se prévaloir de la théorie de l'apparence ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2011, et le mémoire complémentaire, enregistré le 23 janvier 2013, présenté pour la Centrale des artisans coiffeurs ; la Centrale des artisans coiffeurs conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article 206 1 bis du code général des impôts ;
- elle a constamment soutenu relever du régime prévu à l'article 207 1 3° bis du code général des impôts ;
- elle constitue une société coopérative artisanale ;
- le fait de respecter les dispositions de la loi locale du 20 mai 1898 lui permet de bénéficier des dispositions de l'article 207 1 3° bis du code général des impôts ;
- priver les sociétés coopératives artisanales de droit local de l'exonération prévue à l'article 207 du code général des impôts méconnaîtrait l'égalité de traitement entre les contribuables ;
- le recours à la théorie de l'apparence n'est pas fondé ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2013, présenté pour la Centrale des artisans coiffeurs ;
Vu II, sous le n° 11NC01421, la requête enregistrée le 30 août 2011, présentée pour la Centrale des artisans coiffeurs, dont le siège est 4 rue du Gravier, BP 40011, SCY-CHAZELLES à Moulins les Metz Cedex (57161) par MeB... ;
La Centrale des artisans coiffeurs demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0700754 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 et de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie pour les années 2003 à 2006, en tant qu'il n'indique pas que la décharge accordée concerne également l'impôt sur les sociétés payé spontanément, à tort, par la société ;
2°) de prononcer la restitution de l'impôt sur les sociétés acquitté spontanément sur le résultat des opérations effectuées avec ses sociétaires au titre des années 2003, 2004 et 2005 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les motifs du jugement doivent être confirmés, mais que le tribunal ayant statué infra petita, le dispositif doit être réformé et prononcée la restitution de l'impôt sur les sociétés acquitté spontanément sur le résultat des opérations effectuées avec ses sociétaires au titre des années 2003, 2004 et 2005 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 février 2012, présenté par le ministre du Budget ; le ministre du Budget conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la demande est sans objet au titre de l'année 2005 du fait du dégrèvement de 206 499 euros opéré par la DRFIP de la Moselle , comprenant l'impôt sur les sociétés calculé sur les bénéfices des opérations effectuées avec les sociétaires ;
- en ce qui concerne la décharge de l'impôt sur les sociétés spontanément acquitté par la société au titre des années 2003 et 2004, l'administration s'est bornée à tirer les conséquences de l'article 1er du dispositif du jugement critiqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 avril 2012, présenté pour la Centrale des artisans coiffeurs qui conclut aux mêmes fins et demande en outre la jonction des instances ;
Elle admet par ailleurs que les impôts mis à sa charge au titre de l'année 2005 ont fait l'objet d'un dégrèvement complet ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d'économie sociale ;
Vu la loi locale des 1er mai 1889 et 20 mai 1898 sur les associations coopératives de production et de consommation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :
- le rapport de Mme Dulmet, première conseillère,
- les observations de M.A..., directeur de la Centrale des Artisans Coiffeurs,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
1. Considérant que le recours du ministre du Budget portant le n°11NC001412 et la requête de la Centrale des artisans coiffeurs portant le numéro 11NC01421 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que par décision postérieure à l'introduction de la requête d'appel de la Centrale des artisans coiffeurs, le directeur des services fiscaux de la Moselle a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 206 499 euros de l'intégralité de l'impôt sur les sociétés calculé sur les bénéfices des opérations effectuées avec les sociétaires mis à la charge de la Centrale des artisans coiffeurs au titre de l'année 2005; que les conclusions de la requête de la Centrale des artisans coiffeurs tendant à la restitution desdites impositions, sont donc, dès lors, devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que la Centrale des artisans coiffeurs a demandé au Tribunal administratif de Strasbourg de " prononcer le dégrèvement de l'impôt sur les sociétés acquitté à tort sur les sommes portées en réserves et correspondant au trop perçu réalisé avec ses membres " ; que le Tribunal, prononçant la décharge " du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 et de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie pour les années 2003 à 2006 ", a omis de se prononcer sur les conclusions dirigées par la Centrale des artisans coiffeurs contre l'imposition initiale ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement du 30 juin 2011 en tant qu'il n'a pas statué sur les dites conclusions, de se prononcer immédiatement sur cette partie de la demande de la Centrale des artisans coiffeurs par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de l'Etat ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 207-1 du code général des impôts : " Sont exonéré[e]s de l'impôt sur les sociétés: (...) 3° bis. Lorsqu'elles fonctionnent conformément aux dispositions de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d'économie sociale, les coopératives artisanales et leurs unions (...) , sauf pour les affaires effectuées avec des non-sociétaires ";
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 20 juillet 1983 susvisée : " Les sociétés coopératives artisanales peuvent admettre des tiers non associés à bénéficier de leurs services ou à participer à la réalisation des opérations entrant dans leur objet, à l'exclusion des opérations de gestion technique et financière. Cette faculté doit être mentionnée dans les statuts. /Les opérations effectuées avec des tiers non associés font l'objet d'une comptabilité séparée. Elles ne peuvent excéder le cinquième du chiffre d'affaires de la société coopérative.(...) " ; et qu'aux termes de l'article 32 de la même loi : " Les sociétés coopératives d'artisans et leurs unions, existant à la date de publication de la présente loi, disposent d'un délai de deux ans à partir de cette date pour mettre leurs statuts en conformité avec ses dispositions. : (...) Les coopératives créées en application de la loi locale du 20 mai 1898 dont le siège est fixé dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ont la faculté de conserver le bénéfice des dispositions de ladite loi. Cette option est également ouverte aux coopératives créées après l'entrée en vigueur de la présente loi. " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des statuts de la Centrale des artisans coiffeurs, que cette dernière a pour objet " l'achat des marchandises et petit outillage, en gros l'achat des appareils et mobiliers, pour les fournir à ses membres, notamment coiffeurs et esthéticiens légalement établis ", ainsi que " l'étude et la surveillance des agencements de magasins de coiffure et d'esthétique " ; qu'ainsi son activité consiste fournir au meilleur prix à ses associés artisans des marchandises, denrées et petits matériels nécessaires à l'exercice de leur profession ; qu'eu égard à son objet, et alors que l'administration ne conteste pas que la société a été constituée et fonctionne conformément aux dispositions de la loi locale 20 mai 1898 sur les associations coopératives de production et de consommation, la Centrale des artisans coiffeurs constitue une société coopérative artisanale ;
7. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 207-1 3°bis du code général des impôts que le bénéfice de l'exonération qu'il prévoit est réservé aux coopératives artisanales fonctionnant conformément aux dispositions de la loi du 20 juillet 1983 ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la Centrale des artisans coiffeurs, dont le siège se situe se situe à Tremery, dans le département de la Moselle, a fait usage de la faculté offerte par l'article 32 de la loi du 20 juillet 1983 et est régie par les dispositions de la loi locale du 20 mai 1898 ; qu'il est constant que les opérations effectuées par la Centrale des artisans coiffeurs avec des tiers non associés ne font pas l'objet d'une comptabilité séparée, la société rappelant d'ailleurs qu'elle n'est pas soumise, au regard des dispositions de la loi locale du 20 mai 1898, à un plafond d'affaires effectuées avec des tiers non membres de la coopérative ; qu'ainsi, la Centrale des artisans coiffeurs, n'est pas fondée à soutenir qu'elle fonctionne conformément aux dispositions de la loi du 20 juillet 1983, dont elle méconnaît l'article 10 ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à se prévaloir de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par les dispositions de l'article 207 du Code général des impôts ;
8. Considérant que la Centrale des artisans coiffeurs, qui a choisi de faire usage de la faculté qui lui était offerte de choisir le régime juridique résultant de l'application de la loi locale du 20 mai 1898 sur les associations coopératives de production et de consommation n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait dans une situation identique à celle des société coopératives artisanales régies par les dispositions de la loi du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d'économie sociale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre les contribuables se trouvant dans la même situation ne peut, eu égard à sa formulation, qu'être écarté ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.(...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) " ;
10. Considérant que si la Centrale des artisans coiffeurs se prévaut d'une prise de position formelle de l'administration lors d'un précédent redressement fiscal pour contester les redressements en matière de provision sur stock de matériel d'exposition et de provision pour charges de retraite, il résulte de l'instruction que les chefs de redressement abandonnés, en matière d'impôt sur les sociétés, par une notification du 26 mars 2001 et une réponse aux observations du contribuables en date du 18 mai 2001 portaient sur une provision sur clients douteux, un passif injustifié, une immobilisation passée en charges et une charge injustifiée ; que, dans ces conditions, les chefs de redressement dégrevés à la suite d'un précédent contrôle fiscal ne portant, en tout état de cause, pas sur une provision sur stock de matériel d'exposition, ni sur une provision pour charges de retraite, la Centrale des artisans coiffeurs n'est pas fondée à se prévaloir des dégrèvements en cause pour contester, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, le rehaussement d'imposition dont elle a fait l'objet au titre desdites provisions ;
11. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la Centrale des artisans coiffeurs n'est pas fondée à soutenir qu'elle satisfaisait aux conditions prévues par l'article 207-1-3° du Code général des impôts pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés pour les affaires effectuées avec le sociétaires ; que, par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le rehaussement d'imposition relatif aux provisions pour dépréciation des stocks de matériel d'exposition et aux charges de retraites devrait être limité au prorata des opérations réalisées avec les non-sociétaires ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par le Ministre du Budget, que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la Centrale des artisans coiffeurs du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005 et de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie pour les années 2003 à 2006 ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par la Centrale des artisans coiffeurs devant le Tribunal administratif de Strasbourg, ainsi que sa requête d'appel ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la Centrale des artisans coiffeurs la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la Centrale des artisans coiffeurs tendant à la restitution des impositions versées spontanément au titre de l'année 2005.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 30 juin 2011 est annulé.
Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et l'imposition forfaitaire annuelle auxquels la Centrale des artisans coiffeurs a été assujettie au titre des années 2003 à 2006 sont remises à sa charge.
Article 4 : La demande présentée par la Centrale des artisans coiffeurs au Tribunal administratif de Strasbourg ensemble sa requête à la Cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la Centrale des artisans coiffeurs.
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