Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Logistri Intérim a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer, d'une part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, le sursis de paiement de ces impositions.
Par un jugement n° 2002062 du 23 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de sursis de paiement et rejeté le surplus de la demande de la société.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022, la société Logistri Intérim, représentée par Me Fernandez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2016 ;
3°) de prononcer le sursis de paiement en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.
Elle soutient que :
- elle a été victime des agissements frauduleux de son ancien comptable salarié, coupable de faux et usage de faux, ainsi que de la négligence et des manquements professionnels du cabinet d'expert-comptable certifiant ses comptes ;
- en l'absence de manquement délibéré de sa part, la majoration prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée ;
- l'application de la majoration pour manquement délibéré méconnaît également la doctrine administrative référencée BOI-CF-INE-10-20-20-20 du 12 septembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la contestation en appel ne portant que sur les pénalités, le jugement ne saurait être annulé en totalité ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de sursis de paiement.
Par ordonnance du 6 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Logistri Intérim, qui exerce une activité de travail temporaire pour le compte de la société Logistri Méditerranée, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Par une proposition de rectification du 13 juillet 2017, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts, lui ont été notifiés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2016. Sa réclamation ayant été rejetée par décision du 13 février 2020, la société Logistri Intérim a sollicité la décharge des impositions mises à sa charge devant le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande par un jugement du 23 mai 2022, dont il est fait appel devant la cour.
Sur la demande de sursis de paiement :
2. Aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit une procédure de sursis de paiement des impositions contestées pendant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel. Ainsi, il y a lieu de rejeter comme irrecevables les conclusions de la société tendant au sursis de paiement des impositions en litige.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
3. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". L'article 269 du même code dispose que : " (...) 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services (...), lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que, pour rehausser le chiffre d'affaires déclaré au titre de la période en litige, le vérificateur, qui a relevé que l'exigibilité des prestations facturées se situait à l'encaissement, a pris en compte les crédits figurant sur les comptes bancaires de la société Logistri Intérim. Cette dernière, qui ne conteste pas le principe ni le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, se borne à invoquer sa bonne foi et à faire valoir qu'elle a été victime tant des agissements frauduleux de son ancien comptable salarié, que de la négligence du cabinet d'expert-comptable certifiant ses comptes. Toutefois, une telle circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société requérante, lesquels ne sont pas utilement contestés par cette dernière.
En ce qui concerne les pénalités :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que la société Logistri Intérim a minoré de manière systématique, au cours de la période en litige et sous couvert du respect apparent de ses obligations déclaratives, la taxe sur la valeur ajoutée collectée exigible à raison d'encaissements constatés en contrepartie de prestations de services. La dissimulation de chiffre d'affaires s'est élevée à un montant total hors taxes de 905 302 euros sur près de trois ans, ce qui correspond, pour les deux premiers exercices, à des minorations d'environ 50 % du chiffre d'affaires, et a permis à la société d'éluder plus de 30 % de la taxe sur la valeur ajoutée due pour la période vérifiée. Le vérificateur a également relevé que l'essentiel de la taxe non reversée au Trésor public était inscrit au passif du bilan de l'exercice clos le 31 juillet 2015, au compte " TVA collectée à régulariser ". Si la société requérante soutient que ses manquements résultent des agissements frauduleux de son ancien comptable, ainsi que de la négligence de son cabinet d'expert-comptable qui ne l'en a pas alertée, elle ne pouvait ignorer les importantes discordances entre, d'une part, le montant du chiffre d'affaires figurant sur ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, et, d'autre part, celui qui ressortait tant du crédit de ses comptes bancaires que de ses propres écritures comptables. Elle ne peut, en tout état de cause, valablement soutenir avoir été victime de son ancien comptable, lequel n'a fait l'objet de poursuites pénales que pour des faits de majoration artificielle du chiffre d'affaires par l'émission de fausses factures, et ce seulement à l'encontre d'une autre société. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction qu'il aurait été condamné. Dans ces conditions, l'administration, qui relève également que la société Logistri Intérim bénéficiait d'un régime favorable de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, évitant toute avance de trésorerie, apporte la preuve de sa participation aux manquements ayant donné lieu à la majoration en cause et, ainsi, de sa propre intention d'éluder l'imposition.
7. En second lieu, et à supposer que la société ait entendu soulever un moyen sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les extraits qu'elle cite de la doctrine administrative référencée BOI-CF-INE-10-20-20 du 12 septembre 2012 ne comportent aucune interprétation différente de la loi fiscale dont la société pourrait utilement se prévaloir.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Logistri Intérim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Logistri Intérim est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Logistri Intérim et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
Mme Restino, première conseillère,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21635