Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'urbanisme de Saint-Martin ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné Mme A...en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B...A..., juge des référés, a été entendu au cours de l'audience publique.
L'instruction ayant été close à l'issue de l'audience, en application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Le Privé a déposé le 8 février 2017 une demande de permis de construire pour un bâtiment de 48 logements sur la parcelle AO 189 à Saint-Louis. Après une demande de pièces complémentaires du 6 mars 2017, satisfaite le 1er juin 2017, un permis de construire tacite est né le 1er septembre 2017, dont le dossier n'a pas été transmis au contrôle de légalité. Par un arrêté du 16 janvier 2018, le président du conseil territorial de Saint Martin a, au vu d'une délibération du conseil exécutif de la collectivité du 14 décembre 2017, accordé expressément le permis de construire sollicité. Cet arrêté a été transmis le 1er mars 2018 avec le dossier à la préfète déléguée auprès du représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, qui l'a déféré au tribunal administratif de Saint-Martin, en assortissant ses conclusions dirigées tant contre le permis de construire tacite que contre l'arrêté du 16 janvier 2018 d'une demande de suspension. La SARL Le Privé demande l'annulation de l'ordonnance par laquelle le président du tribunal administratif de Saint-Martin, statuant en qualité de juge des référés, après avoir rejeté les conclusions contre la décision confirmative comme irrecevables, a prononcé la suspension de l'exécution du permis de construire tacite.
Sur le bien fondé de la suspension :
2. Selon l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. ". Aux termes du troisième alinéa du même article, dont les dispositions sont reproduites sous l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ".
3. Pour prononcer la suspension de l'exécution du permis en litige, le juge des référés a retenu qu'" en l'état de l'instruction, les moyens tirés de ce que le dossier de demande de permis n'était pas complet, en l'absence de photographie permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement lointain, contrairement à ce qu'imposent les dispositions combinées des articles 46-13 et 46-8 du code de l'urbanisme de Saint-Martin, et de ce que le permis de construire en litige méconnaît l'article UG 10 du règlement du plan d'occupation des sols de Saint-Martin, puisque la hauteur de la construction dépasse la limite autorisée et que le projet constitue un R+2 et non un R+1+combles, sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. ".
4. En premier lieu, il ressort du dossier de demande que les deux photographies jointes, prises sous le même angle à quelques mètres de distance, permettaient seulement d'apprécier en gros plan et à ras de terre l'état du vaste terrain de 7 294 m², mais non l'environnement dans lequel l'important projet, constitué d'une vague de huit bâtiments accolés avec décrochés partiels sur une longueur de 120 mètres, devait s'insérer. La requérante ne justifie en rien de l'impossibilité de produire une photographie de loin, alors au demeurant qu'elle produit un constat d'huissier qu'elle a fait réaliser le 4 avril 2018 après les permis de construire en litige, lequel est assorti de photographies permettant d'apprécier l'urbanisation peu dense proche du terrain. Par suite, le premier moyen retenu était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du permis de construire, en l'absence de tout autre élément de nature à suppléer cette carence du dossier au regard de l'appréciation que doit porter le service instructeur sur l'insertion du projet architectural dans le site.
5. En deuxième lieu, l'article UG10 du plan d'occupation des sols de Saint-Martin relatif à la hauteur des constructions prévoit que " 1-La hauteur d'une façade est la plus grande distance mesurée verticalement entre tout point de l'égout du toit d'un bâtiment et le sol naturel. 2 La hauteur des constructions est fixée à 6 mètres à l'égout de toiture, R+ 1 +C, toutefois, la hauteur mesurée entre 1'égout de toiture et la ligne de faîtage ne doit pas dépasser 4 mètres ". Il ressort des plans de l'architecte, qui est aussi le gérant de la SARL Le Privé, qu'il a entendu créer sur chaque façade une avancée en décroché comportant de vastes baies d'éclairement tant au premier niveau qu'au second niveau au-dessus du rez-de-chaussée. Cette avancée est coiffée d'une toiture à double pente perpendiculaire à la toiture du reste du bâtiment. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette architecture ne correspond pas à la notion de lucarne meunière, ni même de lucarne en général dès lors que les baies du second niveau ne prennent pas appui dans le toit, mais constituent une fois sur deux le prolongement en façade droite de celles situées à l'étage au-dessous, voire, pour certaines, des ouvertures situées sur les deux niveaux au-dessous. La qualification de " chiens assis décoratifs " mentionnée sur les plans est ainsi tout aussi impropre. Dans ces conditions, l'égout du toit doit être regardé comme situé au point bas des coiffes ainsi décrites, alors même qu'elles ne comporteraient pas, ce que le dossier ne permet pas de vérifier, de gouttières propres à assurer l'évacuation des eaux de ruissellement, qui ne peuvent à l'évidence être récupérées par la toiture du bâtiment principal, qui n'est pas au-dessous. Or il ressort du plan de coupe PC n° 8 que si l'égout du toit du bâtiment principal est à 5,52 m par rapport au terrain naturel, qui sera légèrement décaissé, l'égout du toit du décroché abritant les ouvertures est, lui, largement au-dessus de la limite de 6 mètres autorisée par le document d'urbanisme. Aucune demande d'adaptation mineure aux règles d'urbanisme n'a été formulée, ni motivée par l'autorité accordant le permis. Par suite, et quelle que soit la qualification à donner au second niveau aménagé certes partiellement dans la pente de toiture, mais aussi dans la partie droite de la façade permettant cet éclairement naturel, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UG 10 était également de nature à justifier la suspension du permis en litige.
6. Il résulte de ce qui précède que la SARL Le Privé, qui ne peut utilement critiquer les motifs du déféré non retenus par le premier juge, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 14 mai 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin a suspendu l'exécution du permis de construire tacite dont elle bénéficiait.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la SARL Le Privé est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Le Privé, à la préfète déléguée auprès du représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et à la collectivité de Saint-Martin. Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires.
Fait à Bordeaux, le 3 juillet 2018
Le juge d'appel des référés,
président de la 1ère chambre
Catherine A...
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition certifiée conforme.
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No 18BX02163