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31/07/2025 | FRANCE | N°24TL03079

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, Juge des référés, 31 juillet 2025, 24TL03079


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... et M. D... B..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fils mineur ..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier d'Avignon à leur verser une provision de 300 000 euros en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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rdonnance n° 2303555 du 27 novembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nî...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... et M. D... B..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fils mineur ..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier d'Avignon à leur verser une provision de 300 000 euros en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2303555 du 27 novembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a condamné le centre hospitalier d'Avignon à verser à Mme C... A... et M. D... B... une indemnité provisionnelle de 190 400 euros et a mis à la charge du centre hospitalier d'Avignon une somme de 1 500 euros à leur verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2024, le centre hospitalier d'Avignon, représenté par Me Chiffert, demande au juge des référés de la cour :

1°) de réformer cette ordonnance du 27 novembre 2024 ;

2°) de limiter le montant de la provision à la somme de 29 931 euros et la somme allouée au titre des frais exposés en première instance à 500 euros.

Il soutient que :

- le juge des référés a entaché son ordonnance d'erreur manifeste d'appréciation et d'insuffisance de motivation ;

- si le principe de l'obligation pouvait être regardé comme n'étant pas sérieusement contestable, le juge des référés devait limiter le montant de la provision au regard des contestations exposées tant devant l'expert que dans son mémoire en défense ;

- le montant de 5 200 euros alloué au titre du déficit fonctionnel temporaire pour la seule période courant du 6 novembre 2021 au 23 juin 2022 peut être confirmé ;

- le montant de 13 500 euros alloué au titre des souffrances endurées même s'il est supérieur à celui de 10 000 euros admis en première instance n'est pas contesté ;

- le montant de 1 000 euros alloué au titre du préjudice esthétique temporaire n'est pas contesté ;

- en revanche, le montant de 170 700 euros alloué au titre de la nécessité du recours à une tierce personne évalué à 19 heures par jour par l'expert était sérieusement contesté en défense ainsi que par un dire adressé à l'expert qui n'en a pas tenu compte ; les besoins d'assistance par une tierce personne, strictement imputables à la faute, doivent être évalués à 4 heures par semaine pour la période allant du 6 novembre 2020, date de l'accident, au 20 décembre 2021, date des deux ans de l'enfant, puis de trois heures par jour à compter de cette date jusqu'au 23 juin 2022, date retenue par le juge des référés de première instance ; sur la base d'un taux horaire de 13 euros par jour, le montant de la provision peut être fixé à 10 231 euros ;

- la somme de 1 500 euros mise à sa charge au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doit être limitée à 500 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2025, Mme C... A... et M. D... B..., représentés par Me Humbert, concluent au rejet de la requête, à la confirmation de l'ordonnance contestée en tant qu'elle leur a accordé une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et à sa réformation en tant qu'elle n'a pas accordé la provision de 300 000 euros sollicitée.

Ils font valoir que :

- le centre hospitalier d'Avignon ne conteste plus le principe de sa responsabilité mais seulement le montant de la provision regardé comme non sérieusement contestable ;

- le montant de 5 200 euros alloué au titre du déficit fonctionnel temporaire pour la seule période courant du 6 novembre 2021 au 23 juin 2022 peut être confirmé ;

- la somme de 15 000 euros sollicitée au titre des souffrances endurées doit leur être accordée ;

- le montant de 1 000 euros alloué au titre du préjudice esthétique temporaire n'est pas contesté ;

- la nécessité du recours à une tierce personne évalué à 19 heures par jour par l'expert n'est pas sérieusement contestable ; les besoins de l'enfant doivent être appréciés au regard des séquelles spécifiques liées à la faute médicale et non par rapport à ceux d'un enfant en bonne santé ; le risque de complications graves implique une surveillance active la nuit ; l'amélioration récente de son alimentation ne permet pas d'écarter la nécessité d'une surveillance durant les repas ; sa scolarisation partielle ne diminue pas ses besoins d'assistance, notamment avant et après l'école et un accompagnement actif durant cette période ; les périodes d'hospitalisation nécessitent aussi un accompagnement spécifique ; l'évaluation doit se faire sur la base de 15 euros par jour soit un total de 599 355 euros jusqu'au 31 décembre 2025 ; il est sollicité 278 800 euros à ce titre.

Par une ordonnance du 5 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 avril 2025 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance du 27 novembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a condamné le centre hospitalier d'Avignon à verser à Mme C... A... et M. D... B... une indemnité provisionnelle de 190 400 euros, à valoir sur la réparation des préjudices subis par leur fils ..., en raison de sa prise en charge fautive, le 6 novembre 2020, au service des urgences du centre hospitalier d'Avignon et a mis à la charge de l'établissement une somme de 1 500 euros à leur verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. En appel, le centre hospitalier d'Avignon ne conteste pas le principe de sa responsabilité, mais demande la réformation de cette ordonnance dont il conteste en outre la régularité, la réduction de la provision allouée au titre de la nécessité du recours à une tierce personne et de la somme accordée au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, Mme A... et M. B... demandent la réformation de l'ordonnance contestée en tant qu'elle n'a pas accordé la provision de 300 000 euros sollicitée.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Cette exigence s'étend à l'ensemble des décisions juridictionnelles, y compris les ordonnances du juge des référés.

3. Le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a suffisamment explicité, au point 10 de son ordonnance, les raisons qui l'ont conduit à suivre les conclusions de l'expert pour retenir la nécessité du recours à une tierce personne, évalué à 19 heures par jour et à considérer que l'estimation de l'expert n'était pas sérieusement contestée en défense, sans qu'il ait été tenu de répondre à tous les arguments des parties. Il a ainsi nécessairement et implicitement écarté la pièce produite par le centre hospitalier d'Avignon émanant du professeur ..., au demeurant déjà soumise à l'expert en tant que " dire ".

4. En second lieu, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le premier juge, qui se rapporte au bien-fondé de l'ordonnance et non à sa régularité, ne peut être utilement invoqué.

Sur le montant de la provision :

5. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher, ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation, ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

6. Comme il a été indiqué au point 1, le centre hospitalier d'Avignon ne conteste plus en appel le principe de sa responsabilité pour faute sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, telle que retenue au point 6 de l'ordonnance attaquée, comme présentant un caractère non sérieusement contestable. Ne sont en litige en appel que l'évaluation des besoins de l'enfant d'assistance par tierce personne ainsi que l'indemnisation au titre des souffrances endurées dont les intimés sollicitent la réévaluation.

7. En premier lieu, il ressort du rapport d'expertise rendu le 4 octobre 2022 qu'au cours de la période retenue par l'expert, soit jusqu'au 23 juin 2022, l'état de santé et le très jeune âge de ... rendent indispensable une surveillance beaucoup plus étroite que celle nécessitée par un enfant du même âge en raison, notamment, de ses fréquents réveils nocturnes qui résultent, non d'un besoin alimentaire, mais d'une " fixation psychologique " due à la sténose, qui a évalué à 19 heures par jour le besoin d'une aide par tierce personne. Si le centre hospitalier d'Avignon se prévaut d'un avis émanant du professeur ..., son médecin conseil présent lors des opérations d'expertise, évaluant seulement à deux à trois heures par jour les besoins supplémentaires en tierce personne pour les actes élémentaires de la vie par rapport aux besoins d'un enfant de son âge, celui-ci ne tient pas compte des spécificités des troubles dont est atteint l'enfant. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le juge des référés s'en est tenu à l'évaluation de l'expert. Par ailleurs, en se fondant sur un taux horaire de 15 euros, il n'a pas surévalué le calcul de ce préjudice. Dès lors, le montant de 170 700 euros alloué au titre de la nécessité du recours à une tierce personne doit être confirmé.

8. En second lieu, si Mme A... et M. B... réitèrent en appel leur demande de provision de 15 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 5 sur une échelle de 7 par l'expert, le juge des référés, en fixant au point 9 de son ordonnance à 13 500 euros l'indemnité provisionnelle allouée à ce titre, compte tenu du préjudice psychologique, consistant en des troubles du comportement réactionnels dus au climat anxiogène dans lequel grandit l'enfant, au regard de son jeune âge, des multiples hospitalisations qu'il a subies et des soins auxquels il est actuellement soumis, n'a pas sous-estimé le montant non sérieusement contestable de ce chef de préjudice.

Sur les frais exposés alloués en première instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. En mettant la somme de 1 500 euros à la charge du centre hospitalier d'Avignon à verser à Mme A... et M. B... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, le juge des référés n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions des parties tendant à la réformation de l'ordonnance n° 2303555 du 27 novembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes ne peuvent qu'être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier d'Avignon et l'appel incident de Mme A... et M. B... sont rejetés.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au centre hospitalier d'Avignon, à Mme C... A..., à M. D... B... et à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes Alpes.

Fait à Toulouse, le 31 juillet 2025.

Le juge des référés,

A. Geslan-Demaret

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne et à commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°24TL03079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24TL03079
Date de la décision : 31/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET SELURL CHIFFERT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-31;24tl03079 ?
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