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09/06/2016 | FRANCE | N°14BX03490

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 09 juin 2016, 14BX03490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...G...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2011 par lequel le mairie de la commune de Vicdessos a délivré à M. E...un permis de construire une maison d'habitation.

Par un jugement n°1105043 du 5 novembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le permis de construire litigieux et a mis à la charge de la commune de Vicdessos le versement à Mme G...d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du cod

e de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...G...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2011 par lequel le mairie de la commune de Vicdessos a délivré à M. E...un permis de construire une maison d'habitation.

Par un jugement n°1105043 du 5 novembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le permis de construire litigieux et a mis à la charge de la commune de Vicdessos le versement à Mme G...d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 décembre 2014 et le 25 juin 2015 sous le n°14BX03490, M. A...E..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 novembre 2014 ;

2°) d'ordonner la jonction de procédure et d'instance des affaires n°s 14BX03490 et 14BX03564 ;

3°) de mettre à la charge de Mme G...la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

II°) Par une requête et des mémoires enregistrés le 19 décembre 2014 et les 18 mai et 15 septembre 2015 sous le n° 14BX03564, la commune de Vicdessos, représentée par son maire en exercice, par la SCP Goguyer Lalande et Degioanni, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 5 novembre 2014 ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes de MmeG... ;

3°) de mettre à la charge de Mme G...une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétence en matière d'aide sociale et de santé ;

- le règlement sanitaire départemental de l'Ariège ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeF...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeD..., représentant la commune de Vicdessos, et les observations de Mme G...;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 9 septembre 2011, le maire de la commune de Vicdessos a délivré à M. E...un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé route d'Orus et cadastré section A n°1939 et 1936. Saisi par MmeG..., qui est installée en qualité d'agricultrice et exploite une ferme sur la parcelle voisine cadastrée section A n°1871, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ce permis de construire au motif qu'autorisant la construction d'une habitation à moins de 50 mètres du bâtiment dit " bergerie 2 ", il méconnaissait les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental. Par les requêtes enregistrées respectivement sous les n°s 14BX03490 et 14BX03564, M. E...et la commune de Vicdessos relèvent appel de ce jugement. Ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

2. La commune reproche aux premiers juges de n'avoir pas statué sur son moyen de défense tiré de ce que les bâtiments de Mme G...n'avaient pas été régulièrement édifiés dès lors que leur changement de destination de hangar et appentis en bergeries aurait dû faire l'objet d'un permis de construire. Il ressort du jugement attaqué qu'il n'a pas répondu à cette branche du moyen.

3. Toutefois, et dès lors qu'il n'était pas allégué que la décision de non-opposition à déclaration préalable dont a bénéficié Mme G...en 2004 ne serait pas devenue définitive, le moyen tiré de l'éventuelle illégalité de cette décision individuelle ne pouvait être invoqué. Par suite, en s'abstenant de répondre à un moyen inopérant, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur la légalité du permis de construire du 9 septembre 2011 :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes (...) / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales. Une telle dérogation n'est pas possible dans les secteurs où des règles spécifiques ont été fixées en application du deuxième alinéa (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 153.4 du règlement sanitaire départemental de 1'Ariège, modifié en dernier lieu par l'arrêté du 17 décembre 1984, applicable au litige : " Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune ou de cahiers des charges de lotissement, l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : /. Les élevages porcins à lisier ne peuvent être implantés à moins de 100 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers (...) ; /. Les autres élevages, à l'exception des élevages de type familial et de ceux de volailles et de lapins, ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers (...) ; /. Les élevages de volailles et de lapins ne peuvent être implantés à une distance inférieure à 25 mètres pour les élevages renfermant plus de 50 animaux de plus de 30 jours et, à 50 mètres, pour les élevages renfermant plus de 500 animaux de plus de 30 jours, des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers (...) ".

6. Il résulte de l'article L.111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.

7. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que le règlement sanitaire départemental de l'Ariège soumet l'implantation d'un bâtiment agricole renfermant des animaux, autres que les élevages porcins, les élevages de type familial et les élevages de volailles ou de lapins, à une distance minimale de cinquante mètres des constructions habitées ou occupées par des tiers. Ce règlement, qui à l'instar des autres documents de même nature n'a pas été abrogé par la loi du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétence en matière d'aide sociale et de santé, et dont M. E...n'indique pas en quoi il serait contraire aux dispositions de l'article L. 111-4 du code de la construction et de l'habitation ou à celles du plan local d'urbanisme de la commune de Vicdessos, constitue un acte règlementaire pour l'application de cet article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime. Par suite, et en application de la règle de réciprocité qu'instaure cet article, les dispositions dudit règlement qui, ainsi qu'il vient d'être dit, sont au nombre des prescriptions au respect desquelles est subordonnée la délivrance du permis de construire, interdisent l'implantation d'un immeuble d'habitation à une distance inférieure à cinquante mètres d'un bâtiment agricole destiné à l'élevage.

8. M. E...et la commune de Vicdessos font valoir que la règle de la réciprocité prévue par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et les règles de distance instaurées par le règlement sanitaire départemental ne s'appliquent qu'aux immeubles habituellement occupés par des tiers, ce qui n'est pas le cas de la construction autorisée qui est à usage de résidence secondaire et qui ne sera habitée que de manière occasionnelle, essentiellement durant la période estivale. Toutefois, la circonstance qu'un immeuble normalement destiné à l'habitation n'est pas occupé de façon continue ne lui retire pas son caractère d'immeuble habité, au sens des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime et du règlement sanitaire départemental.

9. Si M. E...soutient qu'en considérant que l'instruction de sa demande de permis de construire devait également tenir compte des autorisations d'urbanisme précédemment délivrées au propriétaire voisin, les premiers juges ont méconnu les dispositions du code de l'urbanisme en ajoutant des pièces non prévues par les textes à la composition du dossier, ces éléments n'ont, toutefois, été pris en compte par le tribunal que pour juger de la régularité de l'implantation des bâtiments agricoles sur l'exploitation de Mme G...et, par suite, de l'opposabilité des règles de distance.

10. La commune de Vicdessos fait valoir que c'est à tort que le tribunal a considéré que MmeG... était bien propriétaire, sur sa parcelle cadastrée section A n°1871 limitrophe du terrain d'assiette du projet de construction, d'un bâtiment d'élevage dit " bergerie 2 ", régulièrement édifié et exploité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le 29 août 2000, le beau-père de Mme G...a obtenu un permis de construire un appentis dans le prolongement du hangar existant, dont l'édification avait elle-même été autorisée par arrêté du 12 juin 1982. Le dossier de demande de construction de cet appentis, déposé le 3 juillet 2000, comportait un plan de masse mentionnant une " bergerie existante ", ainsi qu'un descriptif au titre du volet paysager qui indiquait que le hangar existant est à " usage d'une bergerie ". Par la suite, Mme G...a déposé, le 24 août 2004, une déclaration de travaux en vue de la fermeture de cet appentis, laquelle n'a pas eu pour effet de changer la destination agricole de ce bâtiment. Par une décision du 23 septembre 2004 visant l'avis favorable émis par le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ainsi que 1'avis favorable avec réserve émis par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, le maire de Vicdessos a indiqué à l'intéressée ne pas s'opposer aux travaux déclarés sous réserve que ce " projet d'extension du bâtiment d'élevage " respecte les dispositions du titre VIII du règlement sanitaire départemental et, en particulier, les distances d'éloignement prévues par ces dispositions. Si la commune requérante soutient que l'élevage d'ovins ne se situe pas dans le bâtiment dénommé " bergerie 2 " mais dans celui dénommé étable, implanté à l'autre extrémité de la parcelle de MmeG..., il ressort des nombreuses attestations produites par cette dernière émanant de plusieurs résidents et éleveurs voisins, de divers professionnels ayant été amenés à intervenir sur l'exploitation, et notamment le vétérinaire, ainsi que d'une salariée agricole ayant travaillé sur le site, de locataires du gîte et de responsables d'établissements scolaires, que le bâtiment à étage situé à proximité du terrain de M. E...abrite, au rez-de-chaussée, le troupeau ovin et à l'étage, une zone de stockage du foin. De même, la lettre en date du 17 octobre 2007 adressée par la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture au maire de Vicdessos, dans le cadre de l'instruction d'une demande de certificat d'urbanisme présentée par le précédent propriétaire des parcelles objet du permis de construire litigieux, et qui invite le maire à régulariser la situation des terrains en cause par rapport à la bergerie, en sollicitant une dérogation sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, confirme la présence de ce bâtiment d'élevage. Ainsi, la destination de ce bâtiment n'a pas varié depuis l'origine, et la commune ne peut en tout état de cause soutenir que les travaux autorisés en 2004 sur un bâtiment déjà à vocation agricole auraient dû, en vertu des articles L. 421-1 et R. 123-9 du code de l'urbanisme alors applicables, faire l'objet d'un permis de construire et non d'une déclaration.

11. La commune de Vicdessos fait enfin valoir que dans la mesure où l'article 1er de l'arrêté du 23 septembre 2004 de non-opposition aux travaux déclarés par Mme G...fait référence à une distance de 25 mètres, laquelle concerne, selon le règlement sanitaire départemental, les élevages de volailles et de lapins, il y a donc lieu d'en déduire que c'est pour l'élevage de ce type d'animaux que l'autorisation a été accordée. Toutefois, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la circonstance que cette décision mentionne une distance d'éloignement de 25 mètres des habitations occupées par des tiers ne permet pas d'établir que Mme G...aurait volontairement induit l'administration en erreur quant à la nature des animaux devant être accueillis dans le bâtiment. Cette mention est par ailleurs contredite par les différents éléments versés aux débats lesquels attestent, de manière concordante, de l'exercice par MmeG..., et son beau-père avant elle, d'une activité d'élevage d'ovins sur la propriété. Enfin, et en tout état de cause, quand bien même la distance de 25 mètres serait applicable, il est constant qu'elle n'est pas davantage respectée par l'immeuble d'habitation autorisé par le permis de construire litigieux, lequel est implanté à moins de 20 mètres du bâtiment dit " bergerie 1 ". Dans ces conditions, le bâtiment d'élevage situé à proximité du terrain d'assiette du projet de M. E...constitue un bâtiment régulièrement édifié et exploité. Par suite, le permis de construire en litige, qui autorise la construction d'une maison d'habitation à moins de 50 mètres de ces bâtiments, méconnaît les dispositions de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental, applicables en vertu de la règle de réciprocité prévue par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime.

12. Il résulte de ce qui précède que M. E...et la commune de Vicdessos ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de MmeG..., le permis de construire en date du 9 septembre 2011.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. E...et par la commune de Vicdessos sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers une somme de 800 euros chacun au titre des frais exposés par Mme G...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la commune de Vicdessos et de M. E...sont rejetées.

Article 2 : La commune de Vicdessos et M. E...verseront à Mme G...une somme de 800 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 14BX03490 - 14BX03564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 14BX03490
Date de la décision : 09/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Patricia ROUAULT-CHALIER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET PASCAL FERNANDEZ ; CABINET PASCAL FERNANDEZ ; CABINET PASCAL FERNANDEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-06-09;14bx03490 ?
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