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15/10/2013 | FRANCE | N°12BX00062

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 15 octobre 2013, 12BX00062


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2012, présentée pour la Sarl Manfé H, ayant son siège Le Bedat à Colayrac-Saint Cirq (47450), par Me A... ;

La Sarl Manfé H demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900699 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe à la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er juillet 2002 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de lui allouer les intérêts moratoires à compter de la n

otification de la proposition de rectification ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens de l...

Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2012, présentée pour la Sarl Manfé H, ayant son siège Le Bedat à Colayrac-Saint Cirq (47450), par Me A... ;

La Sarl Manfé H demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900699 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe à la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er juillet 2002 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de lui allouer les intérêts moratoires à compter de la notification de la proposition de rectification ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CE du Conseil du 17 mai 1977 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier-conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la Sarl Manfé H, qui exploite à Agen une concession automobile sous l'enseigne "Hyundai", l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée aux livraisons intracommunautaires de vingt-et-un véhicules neufs à la société de droit espagnol Pantagel Negocio SL ; que la Sarl Manfé H fait appel du jugement du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie de ce chef pour la période du 1er juillet 2002 au 31 décembre 2003 ;

2. Considérant qu'en vertu du 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie ; qu'aux termes du II de l'article 298 sexies du même code : " Est exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée la livraison par un assujetti d'un moyen de transport neuf expédié ou transporté sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre ; que si un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre État membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataire présumé des personnes dépourvues d'activité réelle ; que, toutefois, le droit à exonération de cet assujetti ne peut alors être remis en cause que s'il est établi, au vu des éléments dont il avait connaissance, qu'il savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires, que la livraison intracommunautaire qu'il effectuait le conduisait à participer à une fraude fiscale ;

4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; que seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents de nature à établir la livraison effective de la marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ; qu'il ressort des mentions de la lettre de voiture internationale du 19 septembre 2003 que les deux véhicules ayant fait l'objet des factures émises les 22 août et 16 septembre 2003 et les trois véhicules ayant fait l'objet des factures émises le 18 septembre 2003 ont été livrés à l'Isle Saint-Georges en Gironde ; qu'il résulte de ces mentions, dont le caractère erroné n'est pas invoqué par la société, que les véhicules dont il s'agit n'ont pas fait l'objet d'une livraison à destination d'un autre État membre de la Communauté européenne ; que ces livraisons n'entraient dès lors pas dans le champ de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les articles 262 ter et 298 sexies précités du code général des impôts ; que l'instruction administrative 3 A-3 97 du 28 mars 1997 ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale dont elle pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant, en revanche, qu'il est constant que pour chacun des seize autres véhicules en cause, la Sarl Manfé H disposait, d'une part, du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de la société Pantagel Negocio SL, d'autre part, d'une lettre de voiture, qui n'était pas manifestement dépourvue de valeur probante, signée tant par le transporteur que par la société Pantagel Negocio SL, mentionnant une livraison en Espagne, ainsi que d'une attestation de réception émise par la société espagnole ; que si l'administration fiscale a ultérieurement, à l'issue d'investigations approfondies, renversé la présomption de livraison intracommunautaire résultant des circonstances susmentionnées et établi que les véhicules en cause étaient revendus par la société de droit français Dream Car Service à des clients français, elle ne pouvait, ainsi qu'il a été dit au point 3, remettre en cause le droit à exonération de la Sarl Manfé H qu'en établissant que celle-ci savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires que les livraisons qu'elle effectuait la conduisaient à participer à une fraude fiscale ; que si, pour les deux véhicules ayant fait l'objet des factures émises les 13 et 27 janvier 2003, les bons de commande avaient été établis par un garagiste français, lequel a également réglé la marchandise, la société requérante, qui disposait des lettres de transport justifiant d'une livraison à Irura en Espagne, précise qu'il s'agissait de ses deux premières transactions avec cette société avec laquelle elle était, tant qu'une procédure de paiement sécurisée n'était pas mise en place, réticente à traiter directement et que les dirigeants du garage voisin, qui entretenaient déjà des relations commerciales avec la société espagnole, ont accepté, pour ces premières ventes, d'avancer les fonds ; que, s'agissant des deux véhicules facturés les 20 et 31 octobre 2003, des deux véhicules facturés les 5 et 18 novembre 2003, des deux véhicules facturés le 27 novembre 2003, du véhicule facturé le 28 novembre 2003, des deux véhicules facturés le 4 décembre 2003, des deux véhicules facturés le 29 décembre 2003 et des trois véhicules facturés le 5 janvier 2004, tous réglés par virement en provenance d'une banque espagnole, ni la circonstance que le transporteur a admis, au cours du contrôle, avoir livré lesdits véhicules en Gironde et en Haute-Garonne, révélant ainsi le caractère erroné des mentions des lettres de transport, ni la brièveté des délais entre les dates de vente et de livraison ne permettent d'établir qu'au vu des éléments dont elle disposait, la Sarl Manfé H savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires que les livraisons qu'elle effectuait la conduisaient à participer à une fraude fiscale, ce qu'a d'ailleurs relevé la commission départementale des impôts le 9 novembre 2007 ; que si, le 9 octobre 2003, le directeur de la société espagnole a indiqué à la Sarl Manfé H qu'il n'était pas en mesure de connaître la destination finale des véhicules en provenance de la centrale d'achat, la Sarl Manfé H, qui disposait des pièces mentionnant des livraisons en Espagne, n'était pas tenue de mener des investigations à l'effet de s'assurer que les véhicules étaient ultérieurement immatriculés dans ce même Etat ; que la déclaration de cession auprès de la préfecture n'est pas davantage au nombre des diligences requises ; que la Sarl Manfé H n'était pas non plus tenue de vérifier la teneur des certificats de cession délivrés aux particuliers à qui la société Pantagel Negocio SL revendait les véhicules en cause, à l'effet de s'assurer que ceux-ci ne résidaient pas en France ; que dans ces conditions, la Sarl Manfé H peut prétendre au bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée pour ces transactions conclues pour un montant total de 341 349, 20 euros ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Sarl Manfé H est fondée à demander la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour les seize transactions mentionnées au point 5 d'un montant total de 341 349,20 euros, opérées du 13 janvier 2003 au 5 janvier 2004 ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à verser la somme de 1 200 euros à la Sarl Manfé H ;

D E C I D E :

Article 1er : La base de la taxe sur la valeur ajoutée assignée à la Sarl Manfé H pour la période du 1er juillet 2002 au 31 décembre 2003 est réduite d'un montant de 341 349,20 euros.

Article 2 : La Sarl Manfé H est déchargée des droits et intérêts de retard correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du 10 novembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la Sarl Manfé H une somme de 1 200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la Sarl Manfé H est rejet

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12BX00062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00062
Date de la décision : 15/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Exemptions et exonérations.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS BRUNEL ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-10-15;12bx00062 ?
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