Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2005, présentée pour Mme Badra X, domiciliée ..., par Maître Brunet-Charvet, avocat ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0400398-0401031 du Tribunal administratif de Lyon du 27 septembre 2005 rejetant sa demande en annulation d'une part de la décision du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en date du 1er août 2002 lui refusant le bénéfice de l'asile territorial, d'autre part du préfet du Rhône du 25 novembre 2002 refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'enjoindre au ministre de lui accorder l'asile territorial demandé et au préfet de lui délivrer un titre de séjour moyennant une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
Elle soutient :
- qu'elle a quitté son pays d'origine pour retrouver sa famille résidant sur Lyon afin de se soustraire à un mariage forcé ; qu'elle a du faire face à des violences et menaces de la part de son mari et de la famille de ce dernier car elle avait refusé de consommer l'union comme de porter le voile ;
- que depuis qu'elle est arrivée en France elle a tout mis en oeuvre pour s'intégrer ; qu'elle subvient à ses besoins ; que depuis cinq ans qu'elle vit en France elle y a refait sa vie et que sa situation doit être appréciée au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que du fait de son long séjour en France, elle a perdu ses liens avec l'Algérie, où elle serait dépourvue de ressources et de tous liens sociaux ; que les attestations versées aux débats montrent que sa famille vit désormais en France et qu'elle n'a plus d'attaches avec l'Algérie ;
- que les décisions de rejet attaquées relèvent d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu l'ordonnance du président de la 5ème chambre de la Cour du 18 avril 2006 décidant, en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, qu'il n'y a pas lieu d'instruire cette affaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision en date du 27 mars 2006 du bureau d'aide juridictionnelle accordant à Mme X l'aide totale ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu la loi du 25 juillet 1952 modifiée, et notamment son article 13 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2006 :
- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;
- les observations de Me Brunet-Charvet, avocat de Mme X ;
- et les conclusions de M. Pourny, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » et qu'aux termes de l'article 13 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, telles qu'ils ressortent de l'article 36 de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile : « Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. / Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées. Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'application du présent article. » ;
Considérant que Mme X soutient qu'elle a du quitter son pays afin de se soustraire à un mariage forcé et fuir les violences et menaces dont elle aurait été l'objet de la part de son mari et de la famille de ce dernier à raison de son refus de consommer l'union et de porter le voile ; que toutefois elle n'a fait aucune mention de ces circonstances lors de l'entretien qu'elle a eu, assistée d'un interprète, avec les services de la préfecture du Rhône chargés d'instruire pour le compte du ministre de l'intérieur sa demande d'asile territorial ; qu'elle n'apporte aucun document ou témoignage tendant à établir la réalité du projet d'union auquel elle se serait soustraite ; qu'ainsi elle n'établit pas les menaces de traitements inhumains ou dégradants qu'elle invoque ; que, comme l'ont dit à bon droit les premiers juges, la décision ministérielle attaquée ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions également citées de l'article 13 de la loi du 22 juillet 1952 ; que la requête, en tant qu'elle vise la décision ministérielle du 1er août 2002, ne peut donc qu'être rejetée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (…) » ;
Considérant que Mme X fait valoir qu'elle n'a plus aucun lien avec l'Algérie et qu'un retour dans son pays la placerait dans une situation très difficile ; qu'il résulte cependant de l'instruction qu'à la date des décisions attaquées la requérante avait encore dans son pays d'origine au moins sa mère, un frère et une soeur ; qu'elle a déclaré ne s'être dirigée vers la France qu'à raison de la « présence d'amis » ; que si elle a versé au dossier des attestations émanant de personnes proches selon lesquelles elle n'aurait plus aucune famille en Algérie, ces allégations ne sont appuyées par aucun commencement de preuve et en tout état de cause, ne portent pas témoignage quant à la situation de l'intéressée au jour des décisions attaquées ; qu'il n'est ainsi pas établi que la décision préfectorale attaquée aurait méconnu les stipulations de l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la mesure sur la situation de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon, par la décision attaquée, a rejeté ses demandes ; que par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte quant à l'accord du bénéfice de l'asile territorial et à la délivrance d'un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Badra X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2006 à laquelle siégeaient :
M. Bernault, président de chambre,
M. Bédier, président-assesseur,
M. Raisson, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juillet 2006.
Le rapporteur,
D. RAISSON
Le président,
F. BERNAULT
Le greffier,
D. FORAY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 05LY01812
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