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12/06/2019 | FRANCE | N°18BX04406,19BX00243

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 12 juin 2019, 18BX04406,19BX00243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801982 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2018, sous

le numéro 18BX04406, et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 7 février et 10 avril 2019...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801982 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2018, sous le numéro 18BX04406, et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 7 février et 10 avril 2019, M. A... B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente du 26 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.

Il soutient que :

- il n'a jamais reçu le mémoire en défense produit par le préfet en première instance ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplit les conditions pour obtenir une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplit les conditions prévues par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2019, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 est irrecevable ;

- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2019.

II- Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2019, sous le numéro 19BX00243, et des pièces complémentaires, enregistrées le 14 mai 2019, M. A...B..., représenté par MeC..., demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 1801982 du 15 novembre 2018 du tribunal administratif de Poitiers.

Il soutient qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2019, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le requérant ne se prévaut d'aucun moyen lié au risque que l'exécution du jugement attaqué entraîne des conséquences difficilement réparables et que les moyens soulevés contre le jugement attaqué ne présentent pas de caractère sérieux.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant malien né le 27 septembre 1991, est entré en France le 4 septembre 2013. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, il a déposé une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 26 juillet 2018, le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Par une requête enregistrée sous le numéro 18BX04406, M. B...relève appel du jugement du 15 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une seconde requête, enregistrée sous le numéro 19BX00243, M. B...sollicite le sursis à exécution de ce jugement.

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 18BX04406 et 19BX00243 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'unique mémoire en défense du préfet de la Charente a été enregistré par le greffe du tribunal administratif de Poitiers le 3 octobre 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui avait été fixée au 21 septembre 2018. Ce mémoire n'a pas été communiqué à M.B..., dont les conclusions ont été rejetées. Toutefois, bien qu'ils aient visé et analysé le mémoire en défense du préfet, les premiers juges ne se sont pas fondés dans les motifs de leur jugement sur des éléments de droit ou de fait dont le requérant n'aurait pas eu déjà connaissance par les motifs de l'arrêté attaqué et qui n'auraient été contenus que dans ce mémoire en défense. Ce mémoire ne comportait en outre aucun moyen de défense. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant le tribunal administratif aurait été conduite en méconnaissance de son caractère contradictoire doit être écarté.

Au fond :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

6. M. B...soutient être entré en France le 4 septembre 2013, à l'âge de 22 ans, et se prévaut de la présence en France à ses côtés de son épouse et de deux de leurs enfants. Il ressort toutefois des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 4 février 2016. Son épouse est entrée en France, accompagnée de leur deuxième enfant, né au Mali en 2011, sous couvert d'un visa de court séjour qui a expiré le 10 janvier 2016 et se maintient depuis irrégulièrement sur le territoire français sans avoir sollicité de titre de séjour. Le couple a donné naissance en France à un enfant le 12 novembre 2016. Rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue au Mali où réside toujours le premier enfant du couple, né en 2007. Dans ces conditions, quand bien même M. B...dispose d'une promesse d'embauche en qualité de déménageur et est investi dans un club sportif, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Charente n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision portant refus de titre de séjour a été prise. Par suite, le préfet de la Charente n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Ces dispositions laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.

8. Ni la situation familiale de M.B..., telle que décrite au point 6, ni la circonstance qu'il dispose d'une promesse d'embauche dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée pour un poste de déménageur, ne permettent d'estimer que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ni à des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

9. En outre, le requérant ne peut utilement invoquer la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, dès lors que les critères de régularisation y figurant ne présentent pas le caractère de lignes directrices susceptibles d'être invoquées mais constituent de simples orientations pour l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux méconnaîtrait les énonciations de cette circulaire ne peut qu'être écarté.

10. En dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative n'est tenue de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 du même code, auxquels elle envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour ne peut, dès lors, qu'être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en l'obligeant à quitter le territoire français.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente du 26 juillet 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être écartées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

14. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de M.B..., ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué ont perdu leur objet.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans la requête enregistrée sous le numéro 19BX00243.

Article 2 : La requête de M. B...enregistrée sous le numéro 18BX04406 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2019.

Le rapporteur,

Romain RousselLe président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX04406, 19BX00243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX04406,19BX00243
Date de la décision : 12/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : AMIR-TAHMASSEB

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-12;18bx04406.19bx00243 ?
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