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08/06/1999 | FRANCE | N°98-84175

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juin 1999, 98-84175


REJET du pourvoi formé par :
- X..., Y..., la société Z..., civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 17 juin 1998, qui, dans la procédure suivie sur plainte de A... du chef de diffamation envers un fonctionnaire public a condamné les 2 premiers à 20 000 francs d'amende, a prononcé sur les intérêts civils et ordonné la publication de la décision.
LA COUR,
Vu les mémoires en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 31 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code d

e procédure pénale, défaut de motifs et de base légale :
" en ce que l'arrêt...

REJET du pourvoi formé par :
- X..., Y..., la société Z..., civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 17 juin 1998, qui, dans la procédure suivie sur plainte de A... du chef de diffamation envers un fonctionnaire public a condamné les 2 premiers à 20 000 francs d'amende, a prononcé sur les intérêts civils et ordonné la publication de la décision.
LA COUR,
Vu les mémoires en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 31 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen pris de la nullité de la citation en tant qu'elle visait des faits de diffamation à l'égard d'un fonctionnaire public ;
" aux motifs que la défense soutient que A... ne peut exciper de cet article ; qu'en effet, en application de l'ordonnance du 9 août 1944, rétablissant la légalité républicaine, un décret du 14 décembre 1945 a, d'une part, révoqué A... comme ex-secrétaire général de la préfecture du Loiret et, d'autre part, annulé sa nomination en qualité de sous-préfet de 2e classe ; que, si la révocation du secrétaire général a été rapportée par un décret du 10 décembre 1948, l'annulation de la nomination comme sous-préfet de 2e classe ne l'a jamais été ; qu'ainsi, du fait de la rétroactivité de cette annulation, A... est réputé ne jamais avoir été sous-préfet de Pithiviers ; qu'il est en outre, soutenu que l'article 31 est inapplicable car les actes imputés à A... ne se rattachaient pas à l'exercice de sa fonction, fût-ce de simple "dépositaire ou agent de l'autorité publique" car ils ont été exécutés sous l'autorité directe de l'occupant étranger ; que, tel était le cas, puisqu'une lettre du secrétaire général de la police au préfet régional d'Orléans lui avait indiqué que l'ordre de transfert des internés de Pithiviers "provient exclusivement des autorités allemandes" et qu'il convient de "ne pas s'opposer" et de "prendre toutes les dispositions utiles pour que ces opérations exigées par les autorités allemandes se déroulent dans l'ordre" ; que la Cour considère que A... a été, de fait, sous-préfet de Pithiviers pendant la période de septembre 1942 à août 1943 et qu'il a exercé des fonctions d'autorité et des pouvoirs de puissance publique au nom de l'Etat français qu'il représentait ; qu'il peut dans ces conditions lui être reconnu, pour cette période, la qualité de citoyen chargé d'un service public ; qu'à supposer qu'il ait perdu rétroactivement sa qualité de fonctionnaire par l'effet du décret du 14 décembre 1945 qui l'a révoqué de la fonction publique et a annulé sa nomination comme sous-préfet de 2e classe à Pithiviers, et qu'il ne l'ait pas retrouvée dans sa plénitude lors de sa réintégration, cette circonstance est indifférente, l'article 31 de la loi de 1881 plaçant au même rang de protection les citoyens chargés d'un service public et les fonctionnaires ; que la Cour relève d'ailleurs que dans sa citation, A... s'appuie seulement sur le fait de ses "fonctions de dépositaire ou d'agent de l'autorité publique" ; que quoiqu'il en soit, ce bénéfice lui est resté acquis, pour la période concernée qu'elles qu'aient été les vicissitudes de sa carrière administrative ; qu'au demeurant, le fait imputé d'avoir eu un rôle actif dans la déportation d'un millier de juifs français et étrangers en 1942 en supervisant le départ d'un convoi du camp d'internement de Pithiviers vers Drancy n'a pu être réalisé par lui qu'à raison de la fonction qu'il occupait et des pouvoirs qui lui avaient été conférés pour l'exécution des ordres de sa hiérarchie ;
" alors qu'est entachée de nullité la citation qui vise un fait sous la qualification de diffamation envers un fonctionnaire public, si cette qualification est erronée ; qu'en l'occurrence, la citation directe visait des faits qui auraient été commis alors que le mis en cause était sous-préfet et à qui était donnée la qualification de délit de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la cour d'appel, se plaçant dans l'hypothèse d'une révocation rétroactive de la fonction publique de l'intéressé, n'a pu néanmoins juger la qualification retenue justifiée, en substituant à la qualité de fonctionnaire public ultérieurement révoquée celle antinomique de citoyen chargé d'un service public, et a ainsi violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la diffusion sur la fréquence France-Info, les 31 janvier et 1er février 1997, de plusieurs bulletins d'information faisant état d'un article de l'hebdomadaire Le Point, paru la veille, lui imputant l'organisation de convois de déportés vers Drancy en 1942, A..., sous-préfet de Pithiviers au moment des faits a assigné X..., directeur de publication et Y... journaliste, devant le tribunal correctionnel pour diffamation envers un fonctionnaire public ;
Attendu que, pour rejeter l'exception tirée de la nullité de la citation introductive d'instance, les juges du fond relèvent que la partie civile visée par les propos incriminés étant au moment des faits qui lui sont imputés dépositaire de l'autorité publique et mise en cause en cette qualité, l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 avait été retenu à bon droit comme base de la poursuite ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs les juges qui ont ainsi vérifié la concordance entre les faits articulés par le plaignant et le texte de loi visé par lui ont justifié leur décision sans encourir le grief allégué ;
D'ou il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 111-3 et 111-4 du Code pénal, 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de diffamation en sa qualité de directeur de publication ;
" aux motifs que devant les premiers juges, X... a demandé à être exonéré de sa responsabilité pénale sur le fondement de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1881 (en réalité 1982 sur la communication audiovisuelle) qui dispose que "au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication audiovisuelle, le directeur de la publication sera poursuivi comme l'auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à la communication au public" ; que les journaux d'information de France-Info étant diffusés en direct ne sont pas enregistrés et donc, selon la défense, X... ne peut être condamné ; que le tribunal a constaté que le message a été repris dans son intégralité ou sous une forme condensée et en a déduit que "cette répétition systématique" doit être assimilée à une "diffusion en boucle entrant dans le cadre des dispositions légales" ; que la défense critique cette motivation aux principaux motifs qu'il n'y a pas eu d'enregistrement préalable ni de diffusion en boucle ; que M. l'avocat général conclut au rejet de cette argumentation en considérant que la reprise répétée de l'information vaut enregistrement ; que la Cour confirmera la décision des premiers juges ; que le sens du texte est d'exonérer le directeur de publication d'un organe audiovisuel en cas d'émission en direct qu'il ne peut efficacement surveiller et contrôler quant à son contenu ; que tel n'est pas le cas d'un bulletin d'information répétitif dont le contenu peut être surveillé et contrôlé pour peu que l'on prenne des dispositions à cette fin ; qu'il est d'ailleurs convaincant d'observer que tel a été le cas à partir de la matinée du 1er février où le contenu du message querellé a été modifié ; qu'aussi, c'est ajouter à la notion de fixation préalable que de soutenir qu'il doit y avoir un enregistrement, que la fixation peut aussi bien résulter d'un mode de communication fondé sur la répétition qui requiert effectivement une fixation du contenu de l'information mais pas nécessairement le recours à un procédé mécanique ; que là réside la différence avec le "direct" où il n'y a pas de répétition ;
" alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en étendant la présomption instituée par l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 faisant du directeur de la publication l'auteur de l'infraction dans l'hypothèse où "le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public" à l'hypothèse "d'un mode de communication fondé sur la répétition", la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que pour déclarer le directeur de publication, auteur principal de l'infraction visée à la prévention, en application de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la cour d'appel retient par des motifs propres ou adoptés que les émissions ayant reproduit les propos litigieux avaient été effectuées, à l'exception du premier communiqué, selon des modes de diffusion répétitive de textes repris systématiquement dans leur intégralité ou sous forme condensée durant 24 heures ;
Qu'elle ajoute que le mode de diffusion des messages permettait au directeur de publication d'exercer un contrôle sur l'information avant sa diffusion au public ;
Attendu qu'en prononçant ainsi les juges ont fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet doit être considéré comme ayant fait l'objet d'une fixation préalable à la communication au public au sens de l'article 93-3 de la loi du 29 janvier 1982, le message qui est diffusé de façon répétitive sur les ondes ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 111-2, 111-3, 111-4 du Code pénal, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 6 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la lecture sur la chaîne France-Info, toutes les 2 heures pendant 24 heures, dans le mois suivant la date à laquelle l'arrêt sera devenu définitif, d'un communiqué ;
" aux motifs que la Cour envisage de confirmer la diffusion d'un communiqué sur les ondes de France-Info qui paraît une mesure proportionnelle au dommage commis mais que la défense considère comme contraire aux dispositions des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que telle n'est pas l'analyse de la Cour ; qu'en effet, la liberté d'expression protégée par l'article 10 de la Convention précitée peut faire l'objet des restrictions nécessaires à la réputation d'autrui, ce qui est le cas de l'espèce ; que sans doute, la mesure aura pour effet, comme l'indique la défense, de réduire "la surface éditoriale" de France-Info, mais que telle est déjà la situation des organes de presse écrite et qu'on ne voit pas sur ce point, ce qui peut justifier une distinction entre les supports d'information ; qu'enfin, on ne saurait justifier au regard du justiciable, dont les droits sont également éminents, le refus d'une réparation concrète que constitue la publication d'un communiqué par la seule raison que le support technique audiovisuel est différent du support classique de l'écrit ; qu'en outre, rien dans la décision de diffuser un communiqué ne peut être considéré comme contraire au droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention précitée ;
" alors, d'une part, que la publication d'un communiqué judiciaire, qui constitue une véritable peine civile, n'est prévue en matière d'audiovisuel par aucun texte ; que, contrairement à ce qu'affirme la cour d'appel, la différence entre les "supports techniques" (audiovisuel d'un côté et écrit de l'autre) impose des différences d'organisation du régime de réparation, comme en témoigne la différence d'aménagement du droit de réponse, selon le support de diffusion (art. 13 de la loi du 29 juillet 1881 pour la presse écrite et article 6 de la loi du 29 juillet 1982 pour l'audiovisuel) ; que selon la jurisprudence de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la liberté d'expression ne peut être restreinte que par des "lois" qui doivent permettre "de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à découler d'un acte déterminé" ; qu'en l'absence de texte prévoyant une telle sanction, et s'agissant d'une nouvelle technique de diffusion audiovisuelle, la condamnation à la diffusion répétée de communiqués toutes les 2 heures pendant 24 heures, ne peut être considérée comme suffisamment prévisible au sens des textes susvisés ; qu'en ordonnant néanmoins les diffusions répétées d'un tel communiqué, la cour d'appel a violé lesdits textes " ;
Attendu que les prévenus ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel a ordonné la lecture d'un communiqué sur les ondes de France-Info, toutes les 2 heures pendant 24 heures, dans le mois suivant la date à laquelle l'arrêt sera devenu definitif dès lors que, si les juridictions répressives ne peuvent ordonner la publication de leurs décisions à titre de peine qu'en vertu d'une disposition expresse de la loi, elles peuvent la prescrire à titre de réparation sur la demande de la partie civile ; que cette réparation, qui est prescrite selon des modalités adaptées aux exigences du support technique concerné par la publication, ne sont pas contraires aux dispositions conventionnelles visées au moyen ;
D'ou il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est regulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-84175
Date de la décision : 08/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Responsabilité pénale - Directeur de la publication - Définition - Directeur d'une chaîne de radio.

PRESSE - Responsabilité pénale - Directeur de la publication - Auteur principal - Radiodiffusion-télévision - Loi du 29 juillet 1982sur la communication audiovisuelle - Presse - Responsabilité pénale - Directeur de la publication - Directeur d'une chaîne de radio

Doit être considéré comme ayant fait l'objet d'une fixation préalable à la communication au public, au sens de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, le message qui est diffusé de façon répétitive sur les ondes. Ainsi ce mode de diffusion permettait au directeur de publication d'exercer un contrôle sur le contenu de l'infraction avant sa diffusion à l'antenne. (1).


Références :

Loi 82-652 du 29 juillet 1982 art. 93-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 juin 1998

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1991-10-29, Bulletin criminel 1991, n° 387, p. 968 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jui. 1999, pourvoi n°98-84175, Bull. crim. criminel 1999 N° 128 p. 353
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 128 p. 353

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Chanet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP de Chaisemartin et Courjon, M. Spinosi.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.84175
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