AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'à la suite d'un contrôle concernant la période du 1er mars 1995 au 30 avril 1997, l'URSSAF a notifié à la société Elf exploration production (Elf EP), venant aux droits de la société Elf Aquitaine production (EAP), un redressement relatif, d'une part, aux indemnités de congés payés et de repos compensateur versées à des salariés expatriés, d'autre part, à des indemnités de changement de résidence ou transfert de domicile, primes de mobilité ou indemnités différentielles de loyer payées à ses salariés ; que la cour d'appel (Pau, 12 septembre 2002) a maintenu ces redressements ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Elf EP fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :
1 / qu'en maintenant le redressement au motif inopérant que les contrats de travail ne seraient pas suspendus entre les expatriés et leur employeur en France et que ce dernier leur aurait versé certaines indemnités, sans rechercher si cet employeur avait opté pour le statut de détachement pour les salariés en cause et notamment si la société Elf exploration production continuait à les rémunérer et s'était engagée à acquitter au régime général de la sécurité sociale française l'intégralité des cotisations générées par leur travail à l'étranger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.111-1, L.761-1, L.761-2 du Code de la sécurité sociale ;
2 / qu'en tout état de cause, l'URSSAF admettait que les salariés en cause relevaient du régime des expatriés de première catégorie et n'étaient pas assujettis au régime général de la sécurité sociale française, de sorte que ce fait n'était pas discuté en la cause ;
qu'en disant pourtant que ces mêmes salariés auraient été déclarés et auraient fait l'objet de cotisations auprès des régimes de protection sociale en France, ce qui interdirait de les considérer comme exerçant une activité à l'étranger au sens des articles L.111-1 et L.762-1 du Code de la sécurité sociale, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé par fausse application les articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'en se fondant encore à tort sur le moment où les sommes litigieuses avaient été versées en France, tout en constatant qu'en définitive ces sommes étaient dues aux agents expatriés à raison de leur travail effectué à l'étranger, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L.111-1 et L.762-1 du Code de la sécurité sociale, qu'elle a violés par fausse application ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale que c'est le versement des rémunérations par l'employeur et non l'exercice de l'activité à l'origine de l'assujettissement qui détermine le fait générateur de son obligation de cotiser au régime général de la sécurité sociale ;
Et attendu qu'ayant constaté qu'attribuées à titre de congés payés ou de repos compensateur, les sommes litigieuses avaient été versées aux bénéficiaires en exécution du contrat de travail les liant à la société EAP et que ces salariés, qui devaient partir en expatriation ou en revenaient, se trouvaient alors soumis au régime général de la sécurité sociale, les juges du fond, qui n'étaient pas tenus d'une recherche inopérante, ont exactement décidé, sans méconnaître l'objet du litige, que ces compléments de rémunération devaient être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales dues par cette société ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Elf EP fait encore grief au même arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen :
1 / que les sommes de nature indemnitaire ne doivent pas être incluses dans l'assiette des cotisations sociales ; qu'en déniant aux sommes en cause le caractère de dommages-intérêts, tout en constatant qu'elles avaient pour objet de compenser divers préjudices matériels ou moraux, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en approuvant dans ces conditions la réintégration de ces sommes dans l'assiette des cotisations sociales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard de l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale qu'elle a violé par fausse application ;
3 / que la circonstance que les inconvénients matériels et moraux liés à l'éloignement auraient été pris en compte par le contrat de travail n'empêche pas le remboursement ou l'indemnisation de frais supplémentaires dont le montant ne pouvait pas être apprécié au moment de la conclusion de ce contrat ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, au-delà de leur simple principe, le montant de ces inconvénients, et en particulier de celui résultant de la différence de loyers, avait pu être pris en compte dès la conclusion du contrat de travail des intéressés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'abstraction faite des motifs erronnés mais surabondant critiqués par les deux premières branches du moyen, les juges du fond ont relevé qu'attribuées aux bénéficiaires en raison de changements de résidence, transferts de domicile ou charges de loyers supplémentaires imposées par ces mutations, les indemnités forfaitaires litigieuses avaient été versées en relation avec la clause de mobilité insérée dans leur contrat de travail ; que, justifiant légalement sa décision, la cour d'appel a exactement décidé, sans contradiction, que ces sommes n'avaient pas la nature de dommages-intérêts, mais constituaient des compléments de rémunération entrant dans l'assiette des cotisations sociales dues par l'employeur ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Elf exploration production aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille quatre.