Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Thomas Cook, qui était en relations contractuelles pour la récolte et le transport de fonds avec la société Transgarde Méditerranée, devenue la société Sécurité protection surveillance (société SPS), a chargé celle-ci de prendre en charge un colis contenant des devises à son agence de Marseille et de l'expédier, le 7 mars 1986, par voie aérienne, de Marignane à Orly où il devait être réceptionné par la société Brink's ; que la société SPS a expédié le colis, le 6 mars 1986, sur un vol de la société Air Inter ; que, le 7 mars 1986, la société Air Inter n'a pu remettre le colis à son destinataire ; que la société Thomas Cook a assigné la société SPS et la société Air Inter en paiement de la valeur des devises, le 4 mars 1988 ; que les souscripteurs des Lloyd's de Londres (les Lloyd's), subrogés dans les droits de la société Thomas Cook pour l'avoir indemnisée, ont repris à leur compte l'assignation de leur subrogeant en date du 4 mars 1988 ; que la société SPS, qui a prétendu avoir agi dans le cadre d'un contrat de transport, a opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription annale de l'article 108 du Code de commerce ; que, se défendant d'avoir commis une faute inexcusable, la société Air Inter a invoqué la limitation de garantie de l'article 22 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les Lloyd's font grief à l'arrêt d'avoir déclaré que leur action dirigée contre la société SPS était prescrite, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'au nombre des prestations prévues aux conditions particulières du contrat de transport de fonds et valeurs du 28 octobre 1985, ne figurent pas la protection et l'expédition de valeurs à destination de Paris-Orly, via l'aéroport de Marignane, mission qui, en revanche, fait expressément l'objet d'un document contractuel distinct du 24 octobre 1985 énumérant une série d'opérations principalement liées à la sécurité de valeurs et non au transport de celles-ci ; que, dès lors, en estimant que les prestations litigieuses effectuées par la société SPS avaient été réalisées en exécution du contrat de transport du 28 octobre 1985, la cour d'appel a dénaturé tant ce document contractuel que celui du 24 octobre 1985, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la prescription de l'article 108 du Code de commerce n'est pas applicable à l'action née d'une prestation distincte du contrat de transport, et, en particulier, à l'action fondée sur l'inexécution d'obligations qui, indépendantes de la mission de transport proprement dite, avaient été contractées par la société SPS, en sa qualité de professionnel de la protection et de la surveillance, aux termes d'un document contractuel spécifique distinct du 24 octobre 1985 et d'un télex du 6 mars 1986 ; que ces manquements consistaient notamment à avoir anticipé d'une journée la remise du colis à l'aéroport de Marignane, sans en avertir, en temps utile, ni l'expéditeur ni le destinataire, faisant obstacle à ce que la sécurité des valeurs soit assurée ; qu'il s'ensuit qu'en énonçant, pour déclarer prescrite l'action des Lloyd's à l'encontre de la société SPS, par application de l'article 108 du Code de commerce, que cette dernière avait la qualité de transporteur pour la partie terrestre et de commissionnaire de transport pour la partie aérienne et que les clauses de sécurité et de surveillance ne modifiaient pas la consistance de cette obligation principale, la cour d'appel a faussement qualifié le document contractuel du 24 octobre 1985 et le télex du 6 mars 1986 qui confiaient à la société SPS une mission distincte et détachable du contrat de transport, et violé tant l'article 1134 du Code civil que l'article 108 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les obligations de la société SPS découlaient, tant du contrat cadre du 28 octobre 1985 conclu avec la société Thomas Cook, que de l'échange de télex, l'arrêt retient que les clauses incluses dans le télex du 24 octobre 1985, qui tendaient à assurer la sécurité du transport des marchandises de valeur par l'emploi, notamment, de véhicules spécialisés, ne modifiaient pas le contenu de la prestation principale qui consistait à déplacer de la marchandise d'un lieu à un autre et constituait donc, en l'espèce, un contrat de transport pour sa partie terrestre et un contrat de commission pour sa partie aérienne ; que la cour d'appel n'a donc ni dénaturé les documents dont fait état la première branche ni violé la loi du contrat ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 321-4 du Code de l'aviation civile, 22 et 25 de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929 ;
Attendu, en vertu du premier de ces textes, que, pour l'application de l'article 25 de la convention de Varsovie, la faute considérée comme équipollente au dol est la faute inexcusable, et qu'est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ;
Attendu que, pour décider que la société Air Inter n'avait pas commis une faute inexcusable excluant la limitation légale de garantie invoquée, l'arrêt retient : " que le service fret d'Orly, qui a été informé de la présence de valeurs en soute " S ", a pu légitimement penser que celles-ci avaient été retirées en dessous de l'avion par la société de protection, comme c'est l'usage et comme cela aurait dû se passer, si la société SPS avait correctement rempli sa mission, qu'aucune faute grave ne peut être reprochée à Air Inter à l'arrivée de l'avion Airbus, dans la vérification du fret, disposé en vrac sur des chariots Pinon, tractés vers le poste de coordination fret, lui même situé dans une zone protégée " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait qu'à l'arrivée de l'avion, aucune mesure de sécurité n'avait été prise par la société Air Inter pour assurer la conservation du colis sur la valeur duquel son attention avait été spécialement attirée, ce dont il résultait que ce transporteur aérien ne pouvait ignorer le dommage probable qu'il faisait encourir au colis en le traitant comme un colis ordinaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que la société Air Inter n'avait pas commis une faute inexcusable excluant la limitation légale de garantie qu'elle avait invoquée, l'arrêt rendu le 18 février 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.