La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/1993 | FRANCE | N°90-21732

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 mars 1993, 90-21732


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 1990), que la société The Procter and Gamble Company (société Procter), propriétaire de la marque Vortex, déposée le 10 mai 1982, enregistrée sous le numéro 1 203 732 pour désigner dans les classes 3 et 5 des préparations pour laver, blanchir et autres substances pour lessiver, a assigné la société Philip X... en annulation de la marque Vortex, déposée le 18 septembre 1984, enregistrée sous le numéro 1 284 202 pour désigner le tabac, les cigares, cigarettes et articles pour fumeurs ; que la cour d'appel a prononcé la nul

lité du dépôt de la marque Vortex par la société Philip X... après av...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 1990), que la société The Procter and Gamble Company (société Procter), propriétaire de la marque Vortex, déposée le 10 mai 1982, enregistrée sous le numéro 1 203 732 pour désigner dans les classes 3 et 5 des préparations pour laver, blanchir et autres substances pour lessiver, a assigné la société Philip X... en annulation de la marque Vortex, déposée le 18 septembre 1984, enregistrée sous le numéro 1 284 202 pour désigner le tabac, les cigares, cigarettes et articles pour fumeurs ; que la cour d'appel a prononcé la nullité du dépôt de la marque Vortex par la société Philip X... après avoir déclaré que son enregistrement était abusif à l'égard de l'enregistrement antérieur de la marque par la société Procter ;

Sur le premier moyen pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 4 de la loi du 9 juillet 1976 vise exclusivement l'exploitation et la commercialisation des objets revêtus de la marque et non le dépôt de cette marque ; qu'en déclarant, dès lors, abusif l'enregistrement de la marque Vortex effectuée par Philip X..., après avoir pourtant constaté que Procter and Gamble ne justifiait pas, quant à elle, d'une exploitation de cette même marque, et en faisant ainsi application du texte suscité au dépôt de la marque litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 4 susvisé ; alors, d'autre part, que, en tout état de cause, il résulte de l'article 4 du Code pénal que la loi pénale ne peut avoir d'effet rétroactif et sanctionner des faits qui n'étaient pas constitutifs d'une infraction lorsqu'ils ont été commis ; que la répression instituée par l'article 4 de la loi du 9 juillet 1976 exige donc nécessairement que la marque portant sur des objets étrangers à la consommation du tabac ait été déposée et exploitée postérieurement à la marque portant sur les objets du tabac à peine de sanctionner rétroactivement des faits qui n'étaient pas constitutifs d'infraction lorsqu'ils ont été commis ; que la marque de la société Procter and Gamble ayant été déposée antérieurement à celle de la société Philip X... concernant des produits du tabac, et ne faisant l'objet d'aucune exploitation, les conditions d'application des dispositions répressives de la loi du 9 juillet 1976 n'étaient pas réunies, de sorte que le dépôt de la marque de la société Philip X... n'a porté aucune atteinte à la marque de la société Procter and Gamble ; qu'en décidant le contraire en se fondant sur une interprétation erronée de la loi du 9 juillet 1976, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, l'article 4 du Code pénal et l'article 4 de la loi du 9 juillet 1976 ; alors, enfin, qu'il résulte de l'article 4 de la loi du 9 juillet 1976, que la répression instituée par ce texte, est subordonée à la constatation que la personne poursuivie savait que la marque constituait en même temps la marque d'un produit du tabac, ou, qu'il existait un concert frauduleux, exprès ou tacite, entre les commerçants et les industriels de spécialités différentes ; qu'en décidant que l'infraction prévue par ce texte n'était pas subordonnée à une recherche d'intention, et que le simple fait matériel du dépôt de la marque de la société Philip X... suffisait à caractériser l'atteinte portée à la marque de la société Procter and Gamble, la cour d'appel, qui s'est fondée là encore sur une interprétation inexacte de la loi du 9 juillet 1976, a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir énoncé que l'article 4 de la loi du 9 juillet 1976 qui prohibe toute offre de remise ou de distribution, à titre gratuit ou non, d'objets d'usage ou de consommation courants autres que les objets servant directement à la consommation du tabac ou des produits du tabac, s'ils portent la marque d'un producteur, fabricant ou commerçant du tabac ou de produit du tabac, ne distingue pas selon que la marque a été utilisée en premier ou en second lieu pour les produits du tabac, a retenu que le dépôt par la société Philip X... de la marque Vortex servant à la désignation du tabac privait de son efficacité la marque déjà déposée par la société Procter pour désigner des produits d'usage et de consommation courants et interdisait à celle-ci d'exercer utilement son droit de propriété industrielle ; qu'en déduisant de ces énonciations et appréciations, que le dépôt de sa marque par la société Philip X... constituait une faute à l'encontre de la société Procter qui disposait d'un droit de propriété industrielle, existant indépendamment de son exploitation, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes invoqués et n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 4 de la loi du 9 juillet 1976 prévoit exclusivement des sanctions pénales à l'encontre du fabricant de produits étrangers au tabac qui commercialise ses produits sous une marque désignant des produits du tabac ; que ce texte n'institue aucune dérogation au principe selon lequel une marque ne peut se voir opposer une antériorité que dans le seul secteur commercial où elle s'applique ; qu'en décidant dès lors que le dépôt antérieur, dans une classe différente, d'une marque identique à celle revêtant un produit du tabac, justifiait l'interdiction de la marque du produit du tabac, sanction non prévue par l'article 4 suscité, la cour d'appel a méconnu le principe de la spécialité des marques de commerce et de fabrique et a violé tant les articles 1er et 5 de la loi du 31 décembre 1964 que l'article 4 suscité ; alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 7 de la convention de Paris du 20 mars 1983, la nature du produit sur lequel la marque de fabrique doit être apposée ne peut, en aucun cas, faire obstacle au dépôt de la marque ; que pour déclarer abusif l'enregistrement de la marque de la société Philip X... et prononcer la nullité, la cour d'appel a retenu que, en raison des poursuites auxquelles la loi du 9 juillet 1976 exposait la société Procter and Gamble en mettant sur le marché des objets revêtus d'une marque de produits du tabac, cette société ne pouvait plus exercer utilement son droit de propriété sur le signe ainsi " pollué " et " vicié " ; qu'en se fondant ainsi sur la nature de produits du tabac des objets sur lesquels est apposée la marque de la société Philip X... pour en prononcer la nullité, sanction non prévue par l'article 4 de la loi du 9 juillet 1976, la cour d'appel a violé l'article 7 de la convention de Paris du 20 mars 1983 et l'article 4 suscité de la loi du 9 juillet 1976 ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a prononcé la nullité de l'enregistrement de la marque déposée par la société Philip X..., non en raison de la nature du produit mais parce que ce dépôt constituait une faute à l'encontre de la société Procter, n'a pas méconnu le principe de la spécialité des marques, ni l'article 7 de la convention d'union de Paris ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que le juge ne saurait procéder à la réparation d'un préjudice simplement éventuel ; que pour faire droit à l'action en réparation de l'atteinte portée à la marque de la société Procter and Gamble, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que cette société se trouvait exposée à des poursuites pénales fondées sur les dispositions de l'article 4 de la loi du 9 juillet 1976 du fait du dépôt de la marque de la société Philip X... ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel qui a, d'un autre côté, relevé que la société Procter and Gamble, à l'égard de laquelle aucune poursuite pénale n'a été diligentée, ne justifiait pas de l'exploitation de sa marque, a procédé à la réparation d'un préjudice éventuel, en violation de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que le dépôt par la société Philip X... de la marque affectait la marque Vortex déposée antérieurement par la société Procter d'un vice qui n'existait pas auparavant lui en interdisant l'exploitation et a ainsi caractérisé le préjudice subi par celle-ci ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° MARQUE DE FABRIQUE - Dépôt - Faute du déposant - Dépôt d'une marque de tabac - Utilisation antérieure de la marque pour des produits d'usage et de consommation courants - Portée.

1° TABAC - Publicité - Marque de fabrique - Marque déjà déposée pour des produits d'usage et de consommation courants - Faute du second déposant.

1° Ne méconnaît ni l'article 4 de la loi du 9 juillet 1976, ni l'article 4 du Code pénal ni l'article 1382 du Code civil la cour d'appel qui, après avoir énoncé que l'article 4 de la loi du 9 juillet 1976 ne distingue pas selon que la marque a été utilisée en premier ou en second lieu pour les produits du tabac, a retenu que le dépôt par une société d'une marque pour la désignation du tabac privait de son efficacité la marque déjà déposée par une autre société pour désigner des produits d'usage et de consommation courants et interdisait à celle-ci d'exercer utilement son droit de propriété industrielle, ce dont elle a déduit que le dépôt de sa marque par la première constituait une faute à l'encontre de la seconde qui disposait d'un droit de propriété industrielle existant indépendamment de son exploitation.

2° MARQUE DE FABRIQUE - Dépôt - Enregistrement - Nullité - Faute du déposant - Portée.

2° MARQUE DE FABRIQUE - Protection - Etendue - Règle de la spécialité 2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention d'Union de Paris - Marque de fabrique - Dépôt - Faute du déposant.

2° La cour d'appel qui prononce la nullité de l'enregistrement de la marque déposée par une société dès lors que ce dépôt constitue une faute à l'encontre d'une autre société ne méconnaît ni le principe de la spécialité des marques ni l'article 7 de la Convention d'Union de Paris.

3° MARQUE DE FABRIQUE - Atteintes portées à la marque - Dommage - Réparation - Préjudice - Vice interdisant l'exploitation de la marque.

3° MARQUE DE FABRIQUE - Dépôt - Faute du déposant - Responsabilité - Dommage - Réparation - Préjudice - Vice interdisant l'exploitation de la marque.

3° En retenant que le dépôt d'une marque par une société affectait la marque déposée antérieurement par une autre société, d'un vice qui n'existait pas auparavant lui en interdisant l'exploitation, la cour d'appel a ainsi caractérisé le préjudice subi par cette dernière.


Références :

1° :
1° :
2° :
Code civil 1382
Convention d'union de Paris du 20 mars 1983 art. 7
Loi 76-616 du 09 juillet 1976 art. 4

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 septembre 1990


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 23 mar. 1993, pourvoi n°90-21732, Bull. civ. 1993 IV N° 118 p. 80
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 IV N° 118 p. 80
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Gomez.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Fortunet et Matteï-Dawance, Mme Thomas-Raquin.

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 23/03/1993
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 90-21732
Numéro NOR : JURITEXT000007030813 ?
Numéro d'affaire : 90-21732
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1993-03-23;90.21732 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award