Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société CII Honeywell Bull (la société Bull) a confié à la société X... international corporation (la société X...), en qualité de commissionnaire de transport, l'organisation du transport de colis de matériels de Chicago à l'aéroport de Roissy-en-France ; que la société X... a chargé de cet acheminement la compagnie Air France ; qu'après leur réception par la société X... France, mandataire de la société X..., les marchandises ont été livrées à Roissy à la société Bull, " destinataire réel " ; que c'est à leur arrivée à Angers, où cette dernière les avait fait transporter par route, que des dommages aux marchandises, reconnus causés par des chocs lors des opérations de manutention ou de transport, ont été constatés sans que l'expert désigné ait pu préciser à quel moment les avaries avaient eu lieu ; que les six compagnies d'assurance de la société Bull, subrogées dans ses droits pour l'avoir indemnisée, ont assigné la société X... en dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés X... et X... France ainsi que la compagnie Air France et les assureurs de celle-ci font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande des assureurs de la société Bull sur le fondement du droit français alors, selon le pourvoi, que la charge de la preuve de la loi étrangère pèse sur la partie dont la prétention est soumise à cette loi ; que saisie d'une action en responsabilité engagée par la société Bull à l'encontre de la société X..., société de droit américain, en sa qualité de commissionnaire de transport et fondée sur la mauvaise exécution de la convention conclue le 24 mai 1986 pour un transport de marchandises de l'Illinois à l'aéroport de Roissy-en-France, la cour d'appel ne pouvait, sans renverser la charge de la preuve, refuser d'appliquer la loi de l'Etat d'Illinois, normalement compétente en vertu de la règle de conflit française, au seul motif que le défendeur à l'action n'en rapportait pas la teneur ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 3 et 1315 du Code civil ;
Mais attendu que, dans les matières où les parties ont la libre disposition de leurs droits, il incombe à la partie qui prétend que la mise en oeuvre du droit étranger, désigné par la règle de conflit de lois, conduirait à un résultat différent de celui obtenu par l'application du droit français, de démontrer l'existence de cette différence par la preuve du contenu de la loi étrangère qu'elle invoque, à défaut de quoi le droit français s'applique en raison de sa vocation subsidiaire ; qu'ayant retenu que la société X... se bornait à revendiquer la compétence du droit de l'Etat de l'Illinois, sans établir que l'appréciation de sa responsabilité au regard des règles de ce droit en serait modifiée, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a statué sur le fondement du droit français ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 98 du Code de commerce ;
Attendu que pour décider que la société X..., en sa qualité de commissionnaire de transport, était responsable des avaries constatées à l'arrivée de la marchandise à Angers, l'arrêt retient que les circonstances exactes dans lesquelles les marchandises ont été dégradées sont inconnues et que, tenu d'une obligation de résultat, le commissionnaire de transport ne peut échapper à sa responsabilité ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la marchandise litigieuse, après avoir été réceptionnée, à l'issue du transport aérien, par la société X... France, avait été livrée, à Roissy, à la société Bull, son " destinataire réel ", et qu'il n'était pas possible d'établir que les dommages avaient eu lieu pendant le transport effectué par la compagnie Air France ou pendant les opérations de manutention précédant la livraison à Roissy, c'est-à -dire pendant la seule partie des opérations concernées par le contrat de commission, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action directe exercée par les compagnies d'assurance de la société CII Honeywell Bull contre la compagnie Air France, l'arrêt rendu le 28 mars 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.