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06/06/1997 | FRANCE | N°95-12284

France | France, Cour de cassation, Assemblee pleniere, 06 juin 1997, 95-12284


Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, réunis :

Vu l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de ces textes, que le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus d'immunodéficience humaine (le Fonds) indemnise intégralement les victimes de leurs préjudices ; que celles-ci, lorsqu'elles n'acceptent pas les offres du Fonds, peuvent agir en justice devant la cour d'appel de Paris ; qu'elles ne peuvent obtenir réparation par les juridiction

s de droit commun que de chefs de préjudice dont elles n'ont pas déjà ...

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, réunis :

Vu l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de ces textes, que le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus d'immunodéficience humaine (le Fonds) indemnise intégralement les victimes de leurs préjudices ; que celles-ci, lorsqu'elles n'acceptent pas les offres du Fonds, peuvent agir en justice devant la cour d'appel de Paris ; qu'elles ne peuvent obtenir réparation par les juridictions de droit commun que de chefs de préjudice dont elles n'ont pas déjà été indemnisées par le Fonds ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été contaminé par le virus d'immunodéficience humaine à l'occasion de l'injection d'un produit sanguin subie lors d'une intervention pratiquée à la clinique Fondation Saint-Marc ; qu'il a assigné celle-ci en réparation de son préjudice spécifique de contamination ; qu'il a ensuite accepté l'offre d'indemnisation faite par le Fonds à ce titre ;

Attendu que, pour accueillir la demande de M. X... contre la clinique, l'arrêt énonce que la loi n'a pas exclu l'éventualité d'une fixation du préjudice par la juridiction saisie à un montant supérieur à celui alloué par le Fonds, et que l'acceptation par M. X... de l'indemnisation offerte par celui-ci ne le prive pas de son intérêt à agir ;

En quoi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée n'implique pas qu'il y ait lieu à renvoi ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

MOYENS ANNEXES

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils pour la Fondation Saint-Marc.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande d'indemnisation complémentaire de M. X..., formée à l'encontre de la Fondation Saint-Marc,

AUX MOTIFS QU'il est constant que le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus du SIDA institué par la loi du 31 décembre 1991, a selon son courrier du 28 mai 1993, réglé à M. X... la somme de 1 500 000 francs au titre de l'indemnité de séropositivité à valoir sur l'indemnité définitive (fixée à 2 000 000 francs) pour le préjudice spécifique de contamination à VIH, la somme de 150 000 francs à chacun des parents représentant l'indemnité allouée au titre du préjudice moral et troubles dans les conditions d'existence, et la somme de 20 000 francs à chacune des deux soeurs représentant l'indemnité allouée au titre du préjudice moral et troubles dans les conditions d'existence ; que l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 n'exclut pas toute autre possibilité d'indemnisation et l'acceptation par la victime de l'offre dudit Fonds et de son règlement ne rend pas son action irrecevable, faute d'intérêt ; que l'article 47 de la loi précitée, qui a prévu en son paragraphe III la réparation " intégrale " par le Fonds créé à cet effet des préjudices subis par les victimes d'une contamination par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) à l'occasion d'une transfusion de produits dérivés du sang, dès l'instant que ces opérations se sont réalisées sur le territoire de la République française, prévoit en son paragraphe VI que la victime doit " informer le Fonds des procédures juridictionnelles éventuellement en cours " ainsi que " si une action en justice est intentée " et en son paragraphe IX que le Fonds est subrogé à due concurrence des sommes versées dans les droits que possède la victime contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes. Toutefois, le Fonds ne peut engager d'action au titre de cette subrogation que lorsque le dommage est imputable à une faute ; que dès lors, en ouvrant aux victimes une voie d'indemnisation rapide, la loi n'a pas entendu supprimer la possibilité de recours directs des victimes contre les responsables éventuels ; qu'elle n'a pas exclu l'éventualité d'une fixation du préjudice par les juridictions saisies à un montant supérieur à celui alloué par le Fonds mais qu'elle a veillé à éviter toute double indemnisation (tant par l'obligation d'information des procédures en cours que par la subrogation du Fonds) ; que ceci est d'autant plus incontestable que le Fonds n'étant pas une " juridiction " il n'y a pas d'autorité de la chose jugée et que les documents qu'il fait signer aux malades acceptant ses offres visent l'article 47, paragraphe VI, et l'obligation de " l'informer de toute action en justice en cours ou à venir " ;

qu'au surplus, en l'espèce, tous les consorts X... ont, par courrier du 21 avril 1993 adressé au Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles, déclaré accepter " dès maintenant " les sommes proposées mais ont précisé qu'ils les estimaient " insuffisantes " et X... qui s'est engagé à en donner quittance, a ajouté qu'il " conservait le droit d'exercer toute action contre tout tiers responsable à charge d'en aviser le Fonds qui sera subrogé à due concurrence des sommes versées ainsi que le prévoit l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 ", ce qui démontre qu'il a toujours considéré que son préjudice n'était pas intégralement réparé et qu'il subsistait donc pour lui un intérêt à agir ; qu'en tout cas on ne saurait qualifier l'accord intervenu de transaction, au sens de l'article 2052 du Code civil ; qu'en conséquence, l'action de M. X... est recevable et l'acceptation par lui de l'indemnisation offerte par le Fonds ne le prive pas de son intérêt à agir ;

ALORS QUE sur le fondement de l'article 47-III de la loi du 31 décembre 1991, le Fonds indemnise intégralement le préjudice spécifique de contamination par le VIH, et que l'acceptation de l'offre du Fonds par la victime la dédommage intégralement, de telle sorte qu'elle est irrecevable, faute d'intérêt à demander réparation à autrui ; que dès lors en l'espèce, ayant constaté que le Fonds avait indemnisé le préjudice spécifique de contamination de M. X..., et que celui-ci demandait à la Fondation Saint-Marc la réparation de ce même préjudice spécifique de contamination, la cour d'appel ne pouvait pas admettre la recevabilité de la demande de M. X..., sans violer l'article 47-III de la loi du 31 décembre 1991.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Fondation Saint-Marc à réparer le préjudice de 2 500 000 francs subi par M. X..., et d'avoir dit que le Fonds d'indemnisation sera subrogé à hauteur de 1 500 000 francs dans les droits de la victime contre la Fondation Saint-Marc, et que le solde de 1 000 000 francs devra être payé à M. X...,

AUX MOTIFS QUE l'infection de M. X... par le VIH résulte du PPSB qui lui a été administré le 29 octobre 1985 à la clinique Sainte-Thérèse ; qu'à cette date, l'état des connaissances permettait aux médecins et aux responsables des cliniques d'être informés de la dangerosité de ce produit ; que la clinique Sainte-Thérèse était nécessairement prévenue à la date de l'opération du risque de contamination par le virus des produits sanguins non chauffés, puisque depuis le 23 juillet 1985 un arrêté interdisait le remboursement de ce produit par la Sécurité sociale à compter du 1er octobre 1985 ; que le malade devait nécessairement faire confiance à la clinique ; or, celle-ci en fournissant au chirurgien une ampoule de PPSB contaminée par le virus du SIDA et injectée à X... lors d'une bénigne amygdalectomie pour des besoins contestables, à savoir un manque de coagulation pouvant être soigné autrement selon l'expert, a commis une faute et a manqué ainsi à son obligation de résultat qui consistait pour elle à fournir un produit sanguin répondant au but thérapeutique poursuivi ; qu'il échet en conséquence de déclarer la Fondation Saint-Marc responsable du préjudice subi par M. X... car elle ne peut en l'espèce invoquer une cause étrangère ayant le caractère de force majeure ; qu'il résulte des quittances du 11 mai 1993 produites que le FITH a versé à M. X... une somme de 1 500 000 francs ; qu'en application de l'article 47-IX de la loi du 31 décembre 1991, le Fonds est subrogé à due concurrence de la somme qu'il a versée à la victime contre la personne responsable du dommage ou celles tenues d'en assurer réparation ; qu'en l'espèce, il y a lieu, en conséquence, de dire ledit Fonds subrogé à concurrence de 1 500 000 francs dans les droits à réparation de M. X..., à l'encontre de la Fondation Saint-Marc et de condamner cette dernière à payer une somme de 1 000 000 francs à M. X..., ce montant correspondant à la part de préjudice qui n'est pas indemnisé par le Fonds ;

ALORS QUE conformément à l'article 1147 du Code civil, les cliniques sont tenues d'une simple obligation de prudence dans la fourniture de produits sanguins livrés par un centre de transfusion ; que dès lors, en l'espèce, en condamnant la Fondation Saint-Marc, sans rechercher si la clinique avait la possibilité de contrôler la qualité du PPSB injecté à M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Moyen produit au pourvoi provoqué par M. Roger, avocat aux Conseils pour la CPAM de Strasbourg.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt d'avoir déclaré l'appel principal exercé par M. X... interjeté contre le jugement prononcé le 26 août 1992 par le tribunal de grande instance de Colmar régulier et recevable en la forme,

AUX MOTIFS QUE le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus du SIDA institué par la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991, a selon son courrier du 28 mai 1993, réglé à M. X... la somme de 1 500 000 francs au titre de l'indemnité de séropositivité, que la Fondation Saint-Marc se fondant sur l'article 47 de la loi du 31 décembre 991, soutient que ce texte exclut tout autre possibilité d'indemnisation que par le Fonds d'indemnisation dont la réparation est " intégrale ", ajoutant que du fait de l'acceptation par la victime de l'offre dudit Fonds et de son réglement, son action est irrecevable, faute d'intérêt ; qu'il y a lieu avant toute analyse de se référer à l'article 47 de la loi précitée, qui a prévu en son paragraphe III la réparation " intégrale " par le Fonds créé à cet effet des préjudices subis par les victimes d'une contamination par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) à l'occasion d'une transfusion de produits dérivés du sang, dès l'instant que ces opérations se sont réalisées sur le territoire de la République française ; qu'il résulte cependant de l'article 47-VI que la victime doit " informer le Fonds de procédures juridictionnelles éventuellement en cours " ainsi que " si une action en justice est intentée " et de l'article 47-IX " que le Fonds est subrogé à due concurrence des sommes versées dans les droits que possède la victime contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes. Toutefois le Fonds ne peut engager d'action au titre de cette subrogation que lorsque le dommage est imputable à une faute " ; que l'obligation pour la victime d'informer le Fonds des procédures juridictionnelles en cours ou de l'introduction d'une action en justice tout comme la subrogation du Fonds " à due concurrence des sommes versées " à la victime font apparaître qu'en ouvrant aux victimes une voie d'indemnisation rapide, la loi n'a pas entendu supprimer la possibilité de recours direct des victimes contre les responsables éventuels ; qu'elle n'a pas exclu l'éventualité d'une fixation du préjudice par les juridictions saisies à un montant supérieur à celui alloué par le Fonds mais qu'elle a veillé à éviter toute double indemnisation (tant par l'obligation d'information des procédures en cours que par la subrogation du Fonds) ; que ceci est d'autant plus incontestable que le Fonds n'étant pas une " juridiction " il n'y a pas d'autorité de la chose jugée et que les documents qu'il fait signer aux malades acceptant ses offres visent l'article 47, paragraphe VI, et l'obligation de " l'informer de toute action en justice en cours et à venir " ;

qu'au surplus, en l'espèce tous les consorts X... ont, par courrier du 21 avril 1993 adressé au Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles, déclaré accepter " dès maintenant " les sommes proposées mais ont précisé qu'ils estimaient " insuffisantes " et Frédéric X... qui s'est engagé à en donner quittance, a ajouté qu'il " conservait le droit d'exercer toute action contre le tiers responsable à charge d'en aviser le Fonds qui sera subrogé à due concurrence des sommes versées ainsi que le prévoit l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 ", ce qui démontre qu'il a toujours considéré que son préjudice n'était pas intégralement réparé et qu'il subsistait donc pour lui un intérêt à agir ; qu'en conséquence l'action de M. X... est recevable et l'acceptation par lui de l'indemnisation offerte par le Fonds ne le prive pas de son intérêt à agir ;

ALORS QUE D'UNE PART dès lors que le Fonds a indemnisé la victime du VIH, celle-ci perd qualité et intérêt à agir, qu'en revanche, le Fonds devient titulaire du titre juridique lui permettant d'agir contre le responsable de la contamination en cas de faute, qu'il obtient donc qualité à agir, qu'en déclarant la victime recevable à agir la Cour a violé les articles 31 du nouveau Code de procédure civile et 47-X de la loi du 31 décembre 1991 ;

ALORS QUE D'AUTRE PART, la subrogation transmet le droit au créancier que dès lors que le subrogeant l'a acceptée, il ne peut donc concourir à l'action avec le subrogé, qu'en considérant que la victime du VIH, indemnisée par le Fonds d'indemnisation conservait son droit à agir du seul fait qu'elle avait affirmé elle-même conserver ce droit se trouvant insuffisamment indemnisée, a non seulement fondé sa décision sur des motifs inopérants, mais encore violé les articles 47-III et 47-IX de la loi du 31 décembre 1991 ;

ALORS QU'ENFIN la victime d'une contamination par le VIH ne peut être indemnisée par le Fonds et exercer valablement une action contre l'auteur présumé du dommage, dès lors qu'elle a accepté l'indemnisation, ce faisant elle perçoit une double indemnité, la Cour ne pouvait donc déclarer recevable l'action de la victime antérieurement indemnisée par le Fonds sans violer le principe du non-cumul d'indemnités et l'article 47-III de la loi du 31 décembre 1991.


Synthèse
Formation : Assemblee pleniere
Numéro d'arrêt : 95-12284
Date de la décision : 06/06/1997
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Transfusions sanguines - Contamination par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) - Indemnisation - Assignation de la clinique - Saisine parallèle du Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH - Acceptation des offres du Fonds - Effet .

Il résulte de l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991, ensemble l'article 1382 du Code civil que le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus d'immunodéficience humaine indemnise intégralement les victimes de leurs préjudices. Celles-ci, lorsqu'elles n'acceptent pas les offres du Fonds, peuvent agir en justice devant la cour d'appel de Paris. Elles ne peuvent obtenir réparation par les juridictions de droit commun que de chefs de préjudice dont elles n'ont pas déjà été indemnisées par le Fonds.


Références :

Code civil 1382
Loi 91-1406 du 31 décembre 1991 art. 47

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 06 décembre 1994

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1995-01-26, Bulletin 1995, V, n° 42, p. 30 (rejet)

arrêt cité ; Chambre civile 1, 1996-07-09, Bulletin 1996, I, n° 303 (2), p. 210 (cassation partielle sans renvoi)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Ass. Plén., 06 jui. 1997, pourvoi n°95-12284, Bull. civ. 1997 A. P. N° 8 p. 20
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 A. P. N° 8 p. 20

Composition du Tribunal
Président : Premier président :M. Truche.
Avocat général : Avocat général : M. Tatu.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Dorly, assisté de Mme Tardif, auditeur.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Delaporte et Briard, MM. Blanc, Roger, Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.12284
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