Joint les pourvois n°s 93-14.585 et 93-15.671, qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un certain nombre de commerçants ont conclu avec la société V Conseil application (société V Conseil) un contrat leur donnant accès, par l'intermédiaire d'un matériel et d'un logiciel qui leur étaient fournis, au réseau télématique de la Société d'études et de développements et de recherches industrielles (société Sedri) en vue de la diffusion d'images d'information et de publicité dans leurs magasins ; que pour le financement du matériel et du logiciel, sur proposition du représentant de la société V Conseil, les commerçants ont souscrit un projet de contrat de location auprès soit de la société Franfinance bail, soit de la société Concept location France (les établissements de financement), lesquelles ont ensuite donné leur acceptation, avec la garantie d'une assurance à la charge de la société Sedri pour le cas de dommages au matériel ou d'interruption dans le paiement des loyers par les locataires ; que la prise en charge des loyers par la société Sedri a été contractuellement promise aux commerçants, en contrepartie de la cession de droits sur certaines images publicitaires les concernant ; que la société Sedri a cessé ses remboursements en avril 1990 ; qu'en août et septembre 1990, la société Sedri, la société V Conseil et la compagnie d'assurances garantissant les établissements de financement ont été mises en liquidations judiciaires, à la suite desquelles la diffusion des images sur le réseau a été interrompue et la résiliation des contrats de prestations de services a été notifiée aux commerçants abonnés par le mandataire de justice représentant les sociétés ; que les établissements de financement ont réclamé aux commerçants la poursuite du règlement des loyers ;
Sur le premier et le deuxième moyens de chacun des pourvois, pris en leurs diverses branches, ainsi que sur le troisième moyen du pourvoi n° 93-14.585, pris en sa première branche :
Attendu que les établissements de financement reprochent à l'arrêt d'avoir décidé que leurs conventions de location étaient indivisibles des contrats conclus par leurs locataires avec les sociétés Sedri et V Conseil et qu'elles étaient résiliées à la date où ces sociétés ont interrompu le paiement du montant des loyers en substitution de ces locataires, ou en remboursement, alors, selon les pourvois, d'une part, qu'une telle décision viole le principe de la relativité des conventions énoncé par l'article 1165 du Code civil ; alors, qu'elle manque de base légale au regard de ce même texte, et de l'article 1134 du Code civil, pour n'avoir pas caractérisé l'adhésion des établissements de financement à un ensemble indivisible ; alors, qu'elle viole l'article 1134 du Code civil, en relevant dans les contrats souscrits par la société Concept location France une condition suspensive qui n'y est pas stipulée ; alors, qu'elle viole les articles 1101, 1102, 1108 et 1131 du Code civil, en retenant que la cause des conventions de location résiderait dans les contrats d'adhésion au réseau ; alors, qu'elle viole les articles 1134 et 1217 du Code civil, en retenant que la gratuité des prestations de services a déterminé les adhésions des commerçants à un ensemble indivisible de conventions, sans constater que cette gratuité était connue de la société Franfinance ; alors, qu'elle viole les articles 1984 et 1985 du Code civil et manque de base légale au regard des mêmes textes, en retenant que la société V Conseil se serait comportée comme mandataire des établissements de financement pour la conclusion des conventions de location ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que les sociétés Franfinance et Concept location ont conclu avec la société Sedri des contrats de collaboration précisant la nature des matériels à financer, les modalités des offres de financement, présentées aux commerçants par les préposés de la société V Conseil, la cohérence entre les dates d'échéances des loyers et celles de leurs remboursements aux commerçants, ou des substitutions dans leurs paiements, même dans les cas où n'étaient pas stipulées de conditions suspensives assurant la simultanéité d'exécution des divers contrats conclus avec les commerçants, des garanties au profit des établissements de financement, et des obligations réciproques d'information et de diligence ; que, la cour d'appel a pu en retenir, sans avoir à procéder à d'autres recherches, que les établissements de financement avaient constitué la société V Conseil comme mandataire pour recueillir la souscription des conventions de locations par les commerçants ; qu'ayant ainsi fait apparaître de ses constatations et appréciations, que les financements n'avaient été consentis qu'en considération de l'objet des prestations promises par les sociétés Sedri et V Conseil aux commerçants adhérents et du contenu de leurs relations contractuelles, elle a pu en déduire, que celles-ci étaient, envers les établissements de financement, indivisibles des conventions de location ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé l'effet déterminant qu'a eu, pour susciter les adhésions des commerçants, la gratuité de l'accès au réseau Sedri, grâce à la prise en charge des loyers par les sociétés Sedri et V Conseil, ainsi que la simultanéité des dates de prises d'effets des contrats conclus avec celles-ci et des locations de matériels souscrites par leur intermédiaire, la cour d'appel a pu en déduire, que pour les commerçants également les diverses conventions conclues par eux étaient indivisibles ;
Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel a statué comme elle a fait sans méconnaître les dispositions légales sur la cause ni la loi du contrat ;
D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches précitées ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux dernières branches, du pourvoi n° 93-14.585 :
Attendu que la société Franfinance fait également grief à l'arrêt d'avoir violé les articles 1134 et 1250, en son paragraphe 1er, du Code civil en décidant que la société V Conseil s'était engagée à ce qu'en cas de cessation d'activité de sa part ou de la société Sedri les commerçants adhérents soient dégagés par elle de toute obligation envers les établissements de financement alors, selon le pourvoi, que les clauses litigieuses laissaient subsister un recours contre les commerçants, serait-ce de la part des compagnies d'assurances, après subrogation à leur profit ;
Mais attendu que c'est sans dénaturer la portée des stipulations contractuelles citées au moyen que la cour d'appel a relevé que divers autres documents étaient destinés à " rassurer " les commerçants adhérents sur la réalité de garanties contre les risques de poursuites contre eux en paiement des loyers ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le quatrième moyen, pris en ses deux dernières branches, du pourvoi n° 93-15.671 :
Attendu que la société Concept location reproche encore à l'arrêt un manque de base légale au regard de l'article 1134 et un défaut de réponse à conclusions pour n'avoir pas recherché, avant de reconnaître l'indivisibilité des conventions, si le matériel loué ne pouvait pas fonctionner avec un autre serveur que celui de la société Sedri ;
Mais attendu que, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche prétendûment omise, qui eût été surabondante, dès lors qu'elle a fondé sa décision relative à l'indivisibilité des conventions sur la considération de chacune d'entre elles par les parties comme une condition de l'existence des autres et non pas sur la nature spécifique de l'objet loué par rapport aux utilisations envisagées ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi n° 93-15.671, ainsi que sur le quatrième moyen du pourvoi n° 93-14.585, l'un et l'autre pris en sa première branche :
Vu l'article 1184 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt fixe à la date comprise entre le 1er et 15 avril 1990, à laquelle les sociétés Sedri et V Conseil ont cessé d'exécuter au profit des commerçants adhérents leurs engagements de prise en charge des loyers, la résiliation de l'ensemble des conventions, y compris celle des locations conclues entre ces commerçants et les établissements de financement ;
Attendu qu'en l'absence de toute demande judiciaire aux fins de résiliation des contrats de prestations de service, c'est seulement lorsque l'administrateur judiciaire représentant les sociétés Sedri et V Conseil a décidé leur résiliation que prend également effet celle des autres conventions de location ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen du pourvoi n° 93-15.671, ni du quatrième moyen du pourvoi n° 93-14.585 :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que il a fixé à des dates comprises entre le 1er et le 15 avril 1990 la résiliation des conventions de locations conclues entre chacun des commerçants en cause et les sociétés Franfinance et Concept location, l'arrêt rendu le 9 avril 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.