Sur le moyen de pur droit relevé d'office, dans les conditions prévues à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Vu l'article 1434 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le remploi est censé fait à l'égard d'un époux toutes les fois que, lors d'une acquisition, il a déclaré qu'elle était faite de deniers provenus de l'aliénation d'un propre et pour lui tenir lieu de remploi ; que, pour valoir à ce titre, il suffit que ces deniers représentent le prix ou la valeur de l'aliénation d'un bien propre de l'époux, sans qu'il soit nécessaire que ces deniers soient exactement ceux provenant de cette aliénation ;
Attendu qu'après son mariage en 1990, M. X..., époux commun en biens de Mme Y..., a mis en vente un studio lui appartenant en propre ; que, le 27 juin 1991, pour l'acquisition d'une maison d'habitation, il a remis au notaire un chèque de réservation d'un montant de 23 000 francs ; que, par acte notarié du 12 octobre 1991, M. X... a acquis cet immeuble pour le prix de 507 600 francs ; que l'acte contient une clause de remploi, accepté par Mme Y..., selon laquelle M. X... a déclaré s'être acquitté de la somme de 257 600 francs au moyen de deniers provenant de la vente du studio lui appartenant en propre qu'il avait vendu le 27 septembre 1991, pour le prix de 325 000 francs, le surplus étant financé au moyen d'un emprunt contracté par la communauté ; qu'après le divorce des époux, Mme Y... a soutenu que, dans la somme mentionnée à l'acte comme provenant du patrimoine propre du mari, était comprise celle de 23 000 francs payée par chèque tiré sur un compte ouvert au nom des deux époux, en sorte que, ces deniers étant communs, la contribution de la communauté était supérieure à celle du mari et que l'immeuble constituait un bien commun ;
Attendu que, pour décider que l'immeuble constituait un bien commun, après avoir relevé qu'avant la date de l'acquisition de cet immeuble, le mari avait perçu une somme de 325 000 francs provenant de la vente d'un bien lui appartenant en propre et qu'il avait déclaré en faire remploi à concurrence de 257 600 francs, la cour d'appel a retenu qu'une partie du prix que le mari a déclaré provenir de son patrimoine propre, soit la somme de 23 000 francs, a été payée par un chèque émis le 28 juin 1991 sur un compte joint ouvert au nom des deux époux, que les fonds déposés sur un tel compte sont présumés communs, que le mari ne rapporte pas la preuve que les deniers remis par sa mère par chèque ou par virement ont constitué la provision de ce chèque et qu'ils ont été remis à son profit exclusif et non au profit du ménage ; qu'elle en a déduit que la contribution de la communauté avait été supérieure à celle du patrimoine propre du mari ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, après avoir constaté qu'avant la date de l'acquisition litigieuse, le mari avait perçu des deniers provenant de l'aliénation d'un immeuble lui appartenant en propre, peu important qu'ils aient transité par un compte personnel ou par un compte commun, dont le montant était supérieur à la somme de 257 600 francs, et dont l'épouse avait reconnu le caractère propre, ce qui n'excluait donc pas leur affectation partielle par le mari au remploi déclaré, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.