CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la commune d'Arue, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 2 octobre 1997, qui, après condamnation définitive de Jacques X... du chef d'abus de confiance, l'a déclarée irrecevable en sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, des articles 1382 et 1383 du code civil, des articles 2, 591 à 593 du Code de procédure pénale, déni de justice :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la commune d'Arue en sa constitution de partie civile ;
" aux motifs que le 9 octobre 1988 était constituée, à l'initiative de Jacques X..., alors maire d'Arue, l'association Tamari Pare Arue, qui avait pour objet de promouvoir le développement économique social et culturel de la commune ; que la commune avait versé une subvention de 25 000 000 de francs Pacifique à cette association ; que de nombreux détournements avaient été effectués ; que le tribunal correctionnel avait déclaré Jacques X... coupable du délit d'abus de confiance et avait reçu la commune en sa constitution de partie civile ; que Jacques X... soulevait l'irrecevabilité de l'action civile de la commune ; que la cour d'appel observait que si la commune avait accordé une subvention de 25 millions de francs Pacifique à l'association, elle n'avait plus la disposition de ces fonds et que l'association était la seule victime des faits constitutifs d'abus de confiance reprochés au prévenu ; que, faute de justifier d'un préjudice personnel, la commune devait être déclarée irrecevable en son action civile ;
" alors que, comme l'a rappelé la cour d'appel elle-même (arrêt, page 4), l'association Tamari Pare Arue avait pour objet la promotion du développement économique de la commune d'Arue ; que la commune lui avait versé à cette fin une subvention de 25 millions de francs Pacifique, seule ressource de l'association, comme l'avaient constaté les premiers juges, non contredits sur ce point par les juges d'appel ; que l'utilisation des fonds communaux ainsi versés à des fins n'ayant aucun rapport avec celles pour lesquelles ils avaient été octroyés, privait la commune de l'action de développement économique qui devait être menée en sa faveur grâce à ces fonds et créait pour elle un préjudice direct de nature à la rendre recevable en sa constitution de partie civile ;
" et alors qu'il résultait des constatations même des juges du fond que l'association Tamari Pare Arue avait été fondée à l'initiative du prévenu appelant et était dirigée par les 2 autres personnes condamnées pour détournement de fonds ; qu'il était donc exclu de compter sur l'association pour agir contre ces personnes ; qu'en privant la commune du droit d'agir en vue de récupérer les fonds communaux dilapidés, la cour d'appel a commis un déni de justice " ;
Vu les articles 6 et 509 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le principe de l'autorité de chose jugée, fût-ce en méconnaissance de la loi, met obstacle à ce qu'une cour d'appel, saisie de l'appel du prévenu limité aux dispositions civiles du jugement, réforme ce qui a été définitivement jugé sur l'action publique ;
Attendu que Jacques X..., renvoyé devant le tribunal correctionnel notamment pour avoir détourné des fonds, qui ne lui avaient été remis qu'à titre de mandat, au préjudice de l'association Tamari Pare Arue, a été déclaré par les premiers juges coupable d'abus de confiance, portant sur la somme de 16 500 000 FCP, commis tant au préjudice de cette association qu'à celui de la commune d'Arue ; que, sur l'action civile, il a été condamné à payer à cette dernière, qui s'était seule constituée partie civile, la somme de 9 000 000 FCP à titre de dommages-intérêts ; que le prévenu a interjeté appel des seules dispositions civiles ;
Que, par les motifs partiellement repris au moyen, la cour d'appel a déclaré la partie civile irrecevable, faute de justifier d'un préjudice personnel et direct ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il avait été définitivement jugé, sur l'action publique, que l'abus de confiance avait été commis également au préjudice de la commune d'Arue, la cour d'appel, qui ne pouvait déclarer cette partie civile irrecevable, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 2 octobre 1997, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.