AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'après la reconnaissance, le 25 août 1999, d'une unité économique et sociale entre plusieurs filiales de la société Alsthom entreprise, dont la société Alsthom entreprise Paris devenue Cegelec Nanterre, la division de cette unité en établissements a fait l'objet de décisions du directeur départemental du travail des 7 et 10 juillet 2000, retenant notamment l'existence de l'établissement de Nanterre de la société Alsthom entreprise Paris, puis d'une décision ministérielle du 24 janvier 2001 annulant les précédentes et ne retenant pas cette existence ; que le 28 décembre 2000 le Comité d'établissement de Nanterre de la société Alsthom entreprise Paris avait assigné en référé cette société aux fins d'annulation d'une réunion d'information tenue le 21 novembre 2000 et d'interdiction de mise en oeuvre de projets de réorganisation l'ayant motivée ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 9 mai 2001) d'avoir rejeté l'exception de nullité de l'assignation tirée du défaut de capacité juridique du comité d'établissement de Nanterre soulevée par la société assignée, alors, selon le moyen :
1 / que la création d'une unité économique et sociale a pour conséquence de faire disparaître les comités d'établissement ; que le fait que le comité d'établissement de Nanterre ait introduit son action après la reconnaissance de l'UES, même si c'était avant que n'intervienne la décision ministérielle rappelant ce principe, n'est pas de nature à avoir une influence sur l'absence de capacité juridique du comité ; qu'en considérant néanmoins que le comité d'établissement de Nanterre avait la capacité à agir le 28 décembre 2000 date de l'assignation, la cour d'appel a violé les articles L. 431-1 et suivants du Code du travail ;
2 / que seul un accord exprès pouvait permettre le maintien en place des anciens comités d'établissement ; qu'en déduisant des faits de la cause qu'un accord implicite de maintenir les institutions représentatives du personnel en l'état était intervenu dès lors que seul un accord exprès, pouvait permettre ledit maintien, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article L. 433-2 du Code du travail ;
3 / que quand bien même serait-il considéré qu'un accord implicite pouvait maintenir les comités d'établissement en l'état, encore fallait-il qu'il s'agisse d'un accord unanime de tous les partenaires sociaux ; qu'en omettant de rechercher si le prétendu accord implicite intervenu était ou non unanime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 433-2 du Code du travail ;
4 / qu'en constatant "qu'à aucun moment les partenaires sociaux n'ont appliqué les décisions administratives de telle sorte qu'ils ont convenu de maintenir les institutions représentatives du personnel en l'état" pour affirmer ensuite que "que l'accord conclu le 8 mars 2001 entre les partenaires (sociaux) leur (aux CE) est inopposable alors qu'ils sont dotés de la personnalité morale et qu'il ne peut être mis fin à leur existence que dans des conditions légales", la cour d'appel n'a pas hésité à prétendre rechercher la volonté des partenaires sociaux pour ensuite l'écarter ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a irrémédiablement entaché sa décision de contradiction et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 433-2, alinéa 9, du Code du travail que la perte de la qualité d'établissement distinct emporte suppression du comité d'établissement considéré ;
Et attendu que l'établissement de Nanterre n'ayant disparu qu'à la suite de la décision du ministre du Travail du 24 janvier 2001 procédant à une division de l'entreprise en établissements distincts pour tenir compte de la reconnaissance de l'unité économique et sociale, le comité d'établissement de Nanterre pouvait agir en justice le 28 décembre 2000 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir constaté l'irrégularité de la convocation du comité d'établissement à une réunion du 21 novembre 2000 et l'insuffisance du délai laissé à celui-ci pour l'examen de derniers éléments d'information reçus le 20 novembre, et dit que dans ces conditions le comité d'établissement n'avait pu émettre d'avis et que les procédures d'information-consultation relatives aux trois projets inscrits à son ordre du jour n'étaient pas régulièrement achevées alors, selon le deuxième moyen :
1 / que d'une part lorsque, lors d'une réunion d'un comité d'établissement, l'ordre du jour n'est pas épuisé, la réunion doit se poursuivre sans qu'il soit nécessaire que le président et le secrétaire arrêtent conjointement l'ordre du jour, dès lors que ce dernier n'est composé que des questions préalablement arrêtées conjointement qui n'ont pas pu être traitées ; qu'en considérant qu'en se bornant à fixer la date de la nouvelle réunion au 21 novembre 2000, et en fixant pour ordre du jour l'examen des réponses aux questions restées en suspens, la convocation aurait été irrégulière, ne pouvant être la suite d'une précédente réunion en l'absence d'accord sur ce point, la cour d'appel a violé l'article L. 434-5 (en fait L. 434-3) du Code du travail ;
2 / que d'autre part et en toute hypothèse, en se bornant à affirmer qu'il n'y avait pas eu accord des différents partenaires sur la poursuite de l'information consultation dans le cadre d'une nouvelle réunion, sans rechercher si pour chacune des trois questions envisagées il n'y avait pas eu précisément un accord de ces différents partenaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 434-3 du Code du travail ;
3 / qu'en affirmant que la convocation à une nouvelle réunion pour poursuivre des réunions précédentes sans accord des élus sur ce point lors desdites réunions impliquait l'irrégularité de la convocation, dès lors que page 22 du procès-verbal unique des réunions des 31 octobre, 9 et 21 novembre 2000, les élus ont pris une délibération afin d'être convoqués sur les mêmes sujets (ATEMI, organisation Ile-de-France), la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal et violé l'article 1134 du Code civil ;
Et, selon le troisième moyen :
1 / que, d'une part, les informations prévues par l'article L. 431-5 du Code du travail ne doivent pas nécessairement être jointes à l'ordre du jour et peuvent, sauf si la loi en décide autrement, n'être fournies que lors de la réunion du comité ; qu'en considérant que des réponses à des questions déjà posées devaient être faites bien avant la réunion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2 / que, d'autre part, la société Cegelec Paris a fait valoir sur le prétendu caractère partiel des informations données au CE dans ses conclusions de ce chef délaissées que l'argument était nouveau, qu'il n'avait jamais été invoqué au cours des réunions, et que lors de la réunion du CE du 21 novembre, le procès-verbal avait expressément relevé qu'il n'y avait pas eu de questions complémentaires ce qui impliquait que l'information était bien complète ; que dès lors en retenant que l'employeur n'aurait pas informé le CE sur les conséquences pour les salariés de l'allongement de leur distance de trajet ou de leur refus de transfert ou encore de la disparition de certains avantages, la cour d'appel n'a pas répondu au moyen et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que, de troisième part, le comité qui confie tardivement une mission à un expert ou à un CHST ne peut pas invoquer le retard de ce dernier à réaliser sa mission pour prétendre ne pas disposer de tous les éléments nécessaires lors de la consultation ; qu'en considérant le contraire, sans avoir recherché si la saisine du CHST n'était pas particulièrement tardive et uniquement destinée à empêcher sa consultation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 431-5 du Code du travail ;
4 / qu'enfin, en présence de trois informations-consultations portant chacune sur des questions différentes, il appartient aux juges du fond qui déclarent non valables les consultations, de caractériser pour chacune d'entre elles en quoi la procédure suivie serait irrégulière ou l'information insuffisante ; qu'en globalisant les trois questions sans caractériser, question par question, l'irrégularité des consultations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 431-5 et L. 433-2 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que l'ordre du jour doit être signé conjointement par l'employeur et par le secrétaire du comité, pour chaque réunion ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, répondant aux conclusions et appréciant souverainement la suffisance des informations fournies et celle des délais d'examen laissés au comité d'établissement au regard de la nature et des implications des différents projets en cause et de la saisine du CHSCT, a estimé que les exigences légales n'avaient pas été, sur ces points, respectées ; qu'elle a pu en déduire l'illicéité manifeste du trouble lié à la mise en oeuvre des projets ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Alstom entreprise Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des comités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille trois.