ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
10 février 2009 ( *1 )
«Manquement d’État — Article 28 CE — Notion de ‘mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation’ — Interdiction aux cyclomoteurs, aux motocycles, aux tricycles et aux quadricycles de tirer une remorque sur le territoire d’un État membre — Sécurité routière — Accès au marché — Entrave — Proportionnalité»
Dans l’affaire C-110/05,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 4 mars 2005,
Commission des Communautés européennes, représentée par Mme D. Recchia et M. F. Amato, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République italienne, représentée par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts et T. von Danwitz, présidents de chambre, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, A. Borg Barthet, J. Malenovský, U. Lõhmus (rapporteur), A. Arabadjiev et Mme C. Toader, juges,
avocat général: M. P. Léger, puis M. Y. Bot,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal, puis Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 octobre 2006,
vu l’ordonnance de réouverture de la procédure orale du 7 mars 2007 et à la suite de l’audience du 22 mai 2007,
considérant les observations écrites et orales présentées:
— pour la Commission des Communautés européennes, par Mme D. Recchia et M. F. Amato, en qualité d’agents,
— pour la République italienne, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato,
— pour la République tchèque, par M. T. Boček, en qualité d’agent,
— pour le Royaume de Danemark, par M. J. Bering Liisberg, en qualité d’agent,
— pour la République fédérale d’Allemagne, par M. M. Lumma, en qualité d’agent,
— pour la République hellénique, par Mme N. Dafniou, en qualité d’agent,
— pour la République française, par M. G. de Bergues et Mme R. Loosli, en qualité d’agents,
— pour la République de Chypre, par M. K. Lykourgos et Mme A. Pantazi-Lamprou, en qualité d’agents,
— pour le Royaume des Pays-Bas, par Mmes H. G. Sevenster et C. ten Dam, en qualité d’agents,
— pour le Royaume de Suède, par M. A. Kruse, en qualité d’agent,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 juillet 2008,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en interdisant aux cyclomoteurs, aux motocycles, aux tricycles et aux quadricycles («motoveicoli», ci-après les «motocycles») de tirer une remorque, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
2 La directive 92/61/CEE du Conseil, du 30 juin 1992, relative à la réception des véhicules à moteur à deux ou trois roues (JO L 225, p. 72), établissait les définitions uniformes ainsi que la procédure de réception et d’homologation communautaire pour certains types de véhicules visés par cette directive. Son article 1er, paragraphes 1 et 2, était libellé comme suit:
«1. La présente directive s’applique à tout véhicule à moteur à deux ou trois roues, jumelées ou non, destiné à circuler sur la route, ainsi qu’à ses composants ou entités techniques.
[…]
2. Les véhicules visés au paragraphe 1 sont répartis en:
— cyclomoteurs, à savoir les véhicules à deux ou trois roues équipés d’un moteur d’une cylindrée ne dépassant pas 50 centimètres cubes si à combustion interne et ayant une vitesse maximale par construction ne dépassant pas 45 kilomètres par heure,
— motocycles, à savoir les véhicules à deux roues avec ou sans side-car équipés d’un moteur d’une cylindrée supérieure à 50 centimètres cubes si à combustion interne et/ou ayant une vitesse maximale par construction supérieure à 45 kilomètres par heure,
— tricycles, à savoir les véhicules à trois roues symétriques équipés d’un moteur d’une cylindrée supérieure à 50 centimètres cubes si à combustion interne et/ou ayant une vitesse maximale par construction supérieure à 45 kilomètres par heure.»
3 Il ressort du paragraphe 3 du même article 1er que la directive 92/61 s’appliquait également aux véhicules à moteur à quatre roues, à savoir les «quadricycles», qui étaient considérés, en fonction de leurs caractéristiques techniques, soit comme des cyclomoteurs, soit comme des tricycles.
4 La directive 93/93/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative aux masses et dimensions des véhicules à moteur à deux ou trois roues (JO L 311, p. 76), qui est destinée à harmoniser les prescriptions techniques impératives afin de permettre la mise en œuvre des procédures de réception et d’homologation qui font l’objet de la directive 92/61, énonce à son sixième considérant:
«considérant que les prescriptions de la présente directive ne peuvent pas avoir pour effet d’obliger à modifier leurs réglementations les États membres qui ne permettent pas sur leur territoire que des véhicules à moteur à deux roues tirent une remorque».
5 La directive 97/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1997, relative à certains éléments ou caractéristiques des véhicules à moteur à deux ou trois roues (JO L 226, p. 1), a pour objet d’harmoniser davantage certaines exigences techniques desdits véhicules, parmi lesquelles figurent les dispositifs d’attelage et de fixation. Le douzième considérant de cette directive précise:
«considérant […] que les prescriptions de la présente directive ne peuvent pas avoir pour objet d’obliger à modifier leurs réglementations les États membres qui ne permettent pas, sur leur territoire, que des véhicules à moteur à deux ou trois roues tirent une remorque».
La réglementation nationale
6 En Italie, le décret législatif no 285, du 30 avril 1992 (supplément ordinaire à la GURI no 114, du 18 mai 1992, ci-après le «code de la route»), définit, à son article 53, les motocycles comme des véhicules à moteur à deux, à trois ou à quatre roues. Seuls les véhicules à quatre roues sont ce qu’il est convenu d’appeler des «quadricycles à moteur».
7 Selon l’article 54 du code de la route, sont considérés comme véhicules automobiles («autoveicoli») les véhicules à moteur comptant au moins quatre roues, à l’exclusion des véhicules définis à l’article 53 du même code.
8 Conformément à l’article 56 du code de la route, seuls les véhicules automobiles, les trolleybus (véhicules à moteur électrique ne circulant pas sur des rails, reliés à une ligne aérienne de contact pour l’alimentation) et les tracteurs automobiles (véhicules à moteur à trois roues destinés à tracter des semi-remorques) sont autorisés à tirer une remorque.
La procédure précontentieuse
9 À la suite d’une plainte introduite par un particulier à l’encontre de la République italienne et d’une enquête informelle de la Commission, cette dernière a, le 3 avril 2003, adressé à cet État membre une lettre de mise en demeure dans laquelle elle soutenait que l’interdiction faite aux motocycles de tirer une remorque était constitutive d’un manquement à l’article 28 CE.
10 Dans une lettre du 13 juin 2003, la République italienne a répondu à la Commission qu’elle s’engageait à procéder aux modifications nécessaires de la réglementation nationale afin d’éliminer l’obstacle aux importations invoqué dans ladite lettre de mise en demeure.
11 N’ayant reçu aucune autre information relative à l’adoption desdites modifications, la Commission a, le 19 décembre 2003, adressé un avis motivé à la République italienne invitant cet État membre à présenter ses observations dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis.
12 Ledit avis motivé étant demeuré sans réponse, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
La procédure devant la Cour
13 Par décision du 11 juillet 2006, la Cour a renvoyé l’affaire devant la troisième chambre. Aucune des parties n’ayant demandé à être entendue en ses observations orales, la Cour a décidé de statuer sans audience de plaidoiries. M. l’avocat général Léger a présenté ses conclusions à l’audience du 5 octobre 2006, à la suite de laquelle la procédure orale a été clôturée.
14 En application de l’article 44, paragraphe 4, du règlement de procédure, la troisième chambre a, le 9 novembre 2006, décidé de renvoyer l’affaire devant la Cour aux fins de sa réattribution à une formation de jugement plus importante.
15 Par ordonnance du 7 mars 2007, la Cour a ordonné la réouverture de la procédure orale et la tenue d’une audience. Les parties au litige et, conformément à l’article 24, second alinéa, du statut de la Cour de justice, les États membres autres que la République italienne ont été invités à répondre à la question de savoir dans quelle mesure et sous quelles conditions les dispositions nationales qui régissent non pas les caractéristiques d’un produit, mais son utilisation, et qui sont indistinctement
applicables aux produits nationaux et aux produits importés, doivent être considérées comme des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation au sens de l’article 28 CE.
Sur le recours
Observations soumises sur la question de la Cour
16 Les parties au litige, ainsi que la République tchèque, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République française, la République de Chypre, le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Suède ont soumis des observations écrites ou orales à la Cour sur ladite question.
17 Selon la Commission, il est possible d’identifier deux catégories de réglementations régissant l’utilisation d’un produit, à savoir, d’une part, celles qui subordonnent l’utilisation de ce produit au respect de certaines conditions propres à celui-ci ou limitent cette utilisation dans l’espace ou dans le temps et, d’autre part, celles qui prévoient des interdictions absolues ou quasi absolues de l’utilisation dudit produit.
18 La Commission propose d’appliquer à la première catégorie de réglementations les critères énoncés au point 5 de l’arrêt du 11 juillet 1974, Dassonville (8/74, Rec. p. 837), et d’effectuer un examen au cas par cas. Quant à la seconde catégorie de réglementations, dès lors qu’elles imposent une interdiction absolue de l’utilisation d’un certain produit ou une interdiction qui ne permet qu’une utilisation marginale et exceptionnelle de celui-ci, elles constitueraient, par définition, des mesures
d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation au sens de l’article 28 CE. La Commission considère qu’il n’est ni opportun ni nécessaire d’étendre les critères énumérés aux points 16 et 17 de l’arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097), aux modalités d’utilisation d’un produit et de créer, ainsi, une catégorie supplémentaire de mesures qui ne relèvent pas du champ d’application de l’article 28 CE.
19 La République italienne soutient qu’une règle d’utilisation relève de l’article 28 CE uniquement si elle interdit tous les usages d’un produit ou son seul usage dans le cas d’un produit à usage unique. En revanche, s’il existe une marge d’appréciation quant aux possibilités d’utiliser ce produit, la situation ne relèverait plus de l’article 28 CE.
20 La République tchèque fait valoir qu’il n’est pas approprié de procéder à des distinctions rigides entre différentes catégories de mesures et d’appliquer des critères juridiques différents qui dépendent de la catégorie de celles-ci, car l’introduction de toute nouvelle catégorie de mesures implique inévitablement des difficultés quant à sa définition.
21 Cet État membre relève, à l’instar de la Commission, que les critères introduits par l’arrêt Keck et Mithouard, précité, pour les modalités de vente des produits ne devraient pas être étendus aux dispositions concernant l’utilisation de ceux-ci en raison du fait que, d’une part, leur application n’a pas été sans difficulté dans la jurisprudence de la Cour et que, d’autre part, ils n’ont pas été véritablement nécessaires. En effet, les dispositions qui ont été déclarées comme régissant des
modalités de vente auraient pu être défendues par les autorités nationales même en l’absence des critères établis par ledit arrêt.
22 Le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République française, la République de Chypre et le Royaume de Suède estiment, en revanche, que les critères établis par la jurisprudence inaugurée par l’arrêt Keck et Mithouard, précité, devraient s’appliquer, par analogie, à une disposition nationale qui restreint ou interdit certaines modalités d’utilisation d’un produit. Ils proposent donc de considérer qu’une disposition nationale ne relève pas de
l’article 28 CE, pour autant qu’elle n’est pas liée au produit, qu’elle s’applique à tous les opérateurs économiques concernés exerçant leur activité sur le territoire national et qu’elle affecte de la même manière, en droit comme en fait, les produits nationaux et ceux en provenance d’autres États membres.
23 En revanche, ces mêmes États membres relèvent qu’une dérogation à ces critères serait nécessaire s’il était démontré que les dispositions nationales restrictives interdisent purement et simplement l’utilisation d’un produit précis ou n’autorisent qu’une utilisation marginale de celui-ci, limitant ainsi son accès au marché.
24 Selon le Royaume de Danemark, il est important de constater que les règles nationales qui limitent la liberté d’action d’un particulier ou d’une entreprise par rapport à un produit précis ne sont pas toutes interdites. Quant au critère selon lequel une règle nationale ne peut pas empêcher l’accès d’un produit au marché, cet État membre considère qu’il est difficile de déterminer à partir de quand une restriction à l’utilisation d’un produit peut être considérée comme si contraignante qu’elle
empêche ledit accès. Il est d’avis qu’il appartient au juge national de décider dans quelle mesure celui qui conteste une telle règle a démontré que l’accès au marché a été restreint par l’application de celle-ci.
25 La République fédérale d’Allemagne considère que les modalités d’utilisation d’un produit constituent l’envers des modalités de vente, en ce sens que nombre de ces modalités d’utilisation peuvent être regardées comme des modalités de vente et vice versa. Selon cet État membre, les principes issus de l’arrêt Keck et Mithouard, précité, devraient s’appliquer de la même manière aux réglementations relatives aux modalités d’utilisation d’un produit, pour autant que ces réglementations ne comportent
pas de discrimination, garantissent l’égalité des chances au regard de la concurrence entre les produits fabriqués dans l’État membre ayant institué de telles modalités et ceux en provenance d’autres États membres et n’empêchent pas totalement ou quasi totalement l’accès de ces produits au marché dudit État membre.
26 La République hellénique estime que l’utilisation d’un produit n’est pas propre, à elle seule, à entraver le commerce intracommunautaire. Si toutefois cette utilisation constitue un élément pertinent inhérent à la mise en circulation de ce produit, question qui devrait être examinée au cas par cas, l’entrave à son utilisation relèverait du champ d’application de l’article 28 CE.
27 La République française considère que les dispositions nationales relatives aux modalités d’utilisation d’un produit et celles qui concernent les modalités de vente de celui-ci sont comparables quant à la nature et à l’intensité de leur incidence sur le commerce intracommunautaire, dans la mesure où ces modalités n’exercent en principe leurs effets qu’après l’importation de ce produit et par l’intermédiaire du consommateur. Il conviendrait donc d’appliquer les mêmes critères à ces deux types de
dispositions.
28 La République de Chypre, bien qu’elle partage les réserves exprimées par d’autres États membres concernant l’introduction d’un nouveau critère essentiellement économique, fait valoir que, si la jurisprudence issue de l’arrêt Keck et Mithouard, précité, n’est pas étendue aux mesures qui régissent l’utilisation d’un produit, toute mesure d’utilisation pourrait être assimilée à une interdiction en vertu de la règle énoncée dans l’arrêt Dassonville, précité. Selon cet État membre, l’analyse de la
Cour devrait se concentrer sur la question de savoir si la mesure en cause est susceptible d’interdire entièrement ou partiellement l’accès d’une marchandise au marché national.
29 Le Royaume de Suède estime que seule une mesure nationale qui interdit une forme d’utilisation d’un produit relèverait du champ d’application de l’article 28 CE si cette mesure est aménagée d’une manière telle que, dans la pratique, elle empêche l’accès au marché de ce produit.
30 Le Royaume des Pays-Bas fait valoir que le premier examen des mesures nationales doit être effectué au regard de la question de savoir si les répercussions de celles-ci sur la libre circulation des marchandises ne sont pas trop aléatoires et trop indirectes. En d’autres termes, il conviendrait de se demander s’il existe un lien de causalité entre ces mesures et l’effet sur les échanges intracommunautaires. Un grand nombre de règles en matière d’utilisation d’un produit pourraient bénéficier de ce
premier critère qui constituerait un filtre permettant à celles-ci d’échapper à la portée de l’article 28 CE.
31 Quant à l’extension de la jurisprudence inaugurée par l’arrêt Keck et Mithouard, précité, aux modalités d’utilisation d’un produit, ledit État membre invoque des arguments en faveur et à l’encontre d’une telle extension. Selon les premiers, ladite approche permettrait, tout d’abord, de faire échapper au champ d’application de l’article 28 CE un ensemble de règles visant la protection d’intérêts qui ne sont pas de nature économique. Ensuite, une telle approche suivrait la jurisprudence antérieure
de la Cour et permettrait au juge national de procéder à une application raisonnablement abstraite qui augmenterait la sécurité juridique et favoriserait la cohérence jurisprudentielle. Enfin, elle préviendrait une utilisation abusive de l’exception que constitue la jurisprudence issue dudit arrêt Keck et Mithouard dans le cas de règles qui aboutissent à interdire l’utilisation d’un produit ou à ne l’autoriser que de manière marginale.
32 Concernant les arguments militant à l’encontre de l’extension de ladite jurisprudence aux modalités d’utilisation d’un produit, le même État membre estime, tout d’abord, qu’il est difficile de délimiter clairement la catégorie des modalités d’utilisation d’un produit. Il considère, ensuite, qu’une nouvelle catégorie d’exceptions pourrait créer une confusion pour le juge national, car ce sont des critères différents qui s’appliquent selon la catégorie dont relève une disposition déterminée. Enfin,
le Royaume des Pays-Bas fait valoir qu’il existe toujours des exceptions parmi les modalités d’utilisation d’un produit, à savoir les cas dans lesquels une mesure satisfait aux critères d’exception, alors même qu’elle aurait de graves répercussions sur le commerce entre les États membres.
Observations liminaires
33 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, toute réglementation commerciale des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire doit être considérée comme une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l’article 28 CE (voir, notamment, arrêt Dassonville, précité, point 5).
34 Il ressort d’une jurisprudence également constante que l’article 28 CE reflète l’obligation de respecter les principes de non-discrimination et de reconnaissance mutuelle des produits légalement fabriqués et commercialisés dans d’autres États membres, ainsi que celle d’assurer aux produits communautaires un libre accès aux marchés nationaux (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1983, Sandoz, 174/82, Rec. p. 2445, point 26; du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit «Cassis de Dijon», 120/78, Rec. p.
649, points 6, 14 et 15, ainsi que Keck et Mithouard, précité, points 16 et 17).
35 Ainsi, constituent des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives les entraves à la libre circulation des marchandises résultant, en l’absence d’harmonisation des législations nationales, de l’application à des marchandises en provenance d’autres États membres, où elles sont légalement fabriquées et commercialisées, de règles relatives aux conditions auxquelles doivent répondre ces marchandises, même si ces règles sont indistinctement applicables à tous les produits (voir, en ce
sens, arrêts Cassis de Dijon, précité, points 6, 14 et 15; du 26 juin 1997, Familiapress, C-368/95, Rec. p. I-3689, point 8, ainsi que du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C-322/01, Rec. p. I-14887, point 67).
36 En revanche, n’est pas susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt Dassonville, précité, l’application à des produits en provenance d’autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pour autant qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et qu’elles affectent
de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d’autres États membres. En effet, dès lors que ces conditions sont remplies, l’application de réglementations de ce type à la vente des produits en provenance d’un autre État membre et répondant aux règles édictées par cet État n’est pas de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu’elle ne gêne celui des produits nationaux (voir arrêt Keck et
Mithouard, précité, points 16 et 17).
37 Par conséquent, doivent être considérées comme des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation au sens de l’article 28 CE les mesures prises par un État membre qui ont pour objet ou pour effet de traiter moins favorablement des produits en provenance d’autres États membres, ainsi que les mesures visées au point 35 du présent arrêt. Relève également de la même notion toute autre mesure qui entrave l’accès au marché d’un État membre des produits originaires d’autres
États membres.
Sur le manquement reproché
38 C’est à la lumière des principes rappelés aux points 33 à 37 du présent arrêt qu’il convient d’examiner les griefs soulevés par la Commission à l’encontre de l’article 56 du code de la route.
Argumentation des parties
39 À l’appui de son recours, la Commission soutient que l’interdiction contenue à l’article 56 du code de la route a pour effet d’empêcher l’utilisation de remorques légalement produites et commercialisées dans les États membres ne prévoyant pas une telle interdiction ainsi que d’entraver l’importation et la vente de celles-ci en Italie.
40 Dès lors, ladite interdiction constitue, selon la Commission, un obstacle à l’importation au sens de l’article 28 CE et elle ne pourrait être jugée compatible avec le traité CE que si elle était justifiée conformément à l’article 30 CE ou par une raison impérieuse d’intérêt général. Toutefois, la République italienne n’aurait pas invoqué de justification ni de raison impérieuse d’intérêt général au cours de la procédure précontentieuse. Au contraire, cet État membre aurait admis l’existence de
ladite interdiction et de l’entrave aux importations qui en découlerait et se serait engagé à la supprimer.
41 La République italienne relève, en ce qui concerne le prétendu obstacle à l’importation, que l’infraction qui lui est reprochée porte sur l’interdiction pour les motocycles immatriculés en Italie de tirer une remorque et non pas le refus d’immatriculation d’un tel véhicule ou d’une remorque fabriqués dans un autre État membre et destinés à être commercialisés sur le territoire italien. Elle estime que la Commission confond les conditions légales de circulation sur le territoire italien d’un
véhicule spécifiquement homologué dans un autre État membre ou dans un État tiers avec la commercialisation du même véhicule en Italie.
42 Cet État membre fait valoir que la conclusion de la Commission est fondée sur une prémisse erronée. L’article 56 du code de la route constituerait une modalité d’exercice du pouvoir dérogatoire expressément reconnu aux États membres dans le sixième considérant de la directive 93/93. Jusqu’à ce qu’une harmonisation tant des prescriptions techniques en matière d’homologation des remorques que de la réglementation concernant l’immatriculation et la circulation de celles-ci sur la route ait été
réalisée au niveau communautaire, la reconnaissance mutuelle de ces remorques demeurerait un pouvoir discrétionnaire des États membres.
43 Dans sa réplique, la Commission soutient que les considérants d’une directive n’ont pas un caractère obligatoire et que le sixième considérant de la directive 93/93 n’a ni pour but ni pour effet de déclarer compatibles avec le droit communautaire des dispositions nationales telles que l’article 56 du code de la route. Ce dernier considérant déterminerait le champ d’application de la directive 93/93 en excluant de celui-ci la réglementation relative aux remorques pour les véhicules à deux roues,
sans énoncer si une interdiction éventuelle est compatible ou non avec les règles du traité. Elle rappelle également le principe de la primauté des dispositions du traité sur le droit dérivé, principe que la Cour a reconnu à plusieurs reprises.
44 En outre, la Commission observe que l’absence de règles harmonisées ne saurait en aucun cas justifier la violation d’une liberté fondamentale garantie par le traité.
45 Dans son mémoire en duplique, la République italienne fait valoir que, au vu des possibilités d’utilisation des motocycles et des remorques, lesquels peuvent être utilisés séparément, ces produits ne peuvent pas être considérés comme faisant l’objet de restrictions quantitatives à l’importation au sens de l’article 28 CE.
46 Par ailleurs, l’interdiction en cause n’aurait de conséquences qu’au regard du produit en tant que tel, indépendamment du lieu de sa production et de la nationalité du fabricant, et ne constituerait donc pas un moyen de protéger des produits italiens ni une réglementation discriminatoire à l’égard des produits fabriqués dans les autres États membres. En Italie, aucun motocycle ne pourrait être homologué pour tirer une remorque et aucune remorque ne saurait être homologuée pour être tirée par un
motocycle. Dès lors que l’interdiction d’utiliser ces véhicules et les remorques ensemble a pour conséquence que les entreprises italiennes n’ont aucun intérêt à fabriquer des motocycles munis d’équipements permettant de tirer une remorque ni des remorques destinées exclusivement à être tirées par de tels véhicules, l’effet de cette interdiction serait d’exclure du marché italien les produits comportant ces caractéristiques.
47 La République italienne invoque la convention sur la circulation routière, conclue à Vienne le 8 novembre 1968, qui prévoit, à son annexe I, point 3, sous a), que «[l]es Parties contractantes peuvent ne pas admettre en circulation internationale sur leur territoire les ensembles de véhicules suivants, dans la mesure où leur législation nationale interdit la circulation de tels ensembles: […] Motocycles avec remorques». Elle précise, toutefois, qu’elle ne s’est pas prévalu de cette possibilité et
que les motocycles qui sont immatriculés dans d’autres États membres sont autorisés à tirer une remorque sur le territoire italien étant donné qu’ils sont considérés comme étant en circulation internationale au sens de ladite convention.
48 La République italienne fait également état du douzième considérant de la directive 97/24 ayant, en substance, le même contenu que le sixième considérant de la directive 93/93. Elle souligne que la réserve accordée aux États membres dans ces considérants correspond au fait que, en raison des reliefs différents des territoires nationaux, les caractéristiques techniques des véhicules sont importantes du point de vue de la sécurité de la circulation. Selon cet État membre, en l’absence de normes
d’homologation concernant ces deux produits utilisés ensemble (véhicule tractant et remorque), les conditions de sécurité requises pour la circulation font défaut.
Appréciation de la Cour
49 Afin d’apprécier le bien-fondé du grief de la Commission, il convient de préciser que, bien que l’article 56 du code de la route porte sur l’interdiction d’utiliser ensemble, sur le territoire italien, un motocycle et une remorque, il importe d’examiner cette disposition nationale notamment sous l’angle de la restriction qu’elle peut constituer à la libre circulation des remorques. En effet, s’il n’est pas contesté que les motocycles peuvent facilement être utilisés sans une remorque, il n’en
demeure pas moins que cette dernière ne présente qu’une faible utilité sans un véhicule à moteur pouvant la tracter.
50 Il est constant que l’article 56 du code de la route s’applique sans opérer de distinction selon l’origine des remorques.
51 La Commission n’a pas précisé si son recours porte uniquement sur les remorques qui sont spécialement conçues pour les motocycles ou s’il vise également tout autre type de remorques. Il convient, dès lors, d’apprécier le prétendu manquement en distinguant ces deux types de remorques.
52 En ce qui concerne, premièrement, les remorques non spécialement conçues pour les motocycles, mais destinées à être attelées à des véhicules automobiles ou autres, il convient de constater que la Commission n’a pas établi que l’interdiction prévue à l’article 56 du code de la route entrave l’accès au marché de ce type de remorques.
53 Le recours de la Commission doit donc être rejeté dans la mesure où il concerne les remorques non spécialement conçues pour être attelées à des motocycles et qui sont légalement produites et commercialisées dans des États membres autres que la République italienne.
54 Il reste à examiner, deuxièmement, le manquement allégué par la Commission au regard des remorques qui sont spécialement conçues pour être attelées à des motocycles et qui sont légalement produites et commercialisées dans des États membres autres que la République italienne.
55 Dans sa réponse à la question écrite posée par la Cour, la Commission soutient, sans être contredite sur ce point par la République italienne, que, dans le cas des remorques spécialement conçues pour les motocycles, les possibilités d’utilisation de celles-ci autrement qu’avec les motocycles sont marginales. Elle considère que, bien qu’il ne soit pas exclu qu’elles puissent, dans certaines circonstances, être attelées à d’autres véhicules, notamment des voitures automobiles, une telle utilisation
n’est pas appropriée et reste à tout le moins insignifiante, voire hypothétique.
56 À cet égard, il convient de constater qu’une interdiction d’utilisation d’un produit sur le territoire d’un État membre a une influence considérable sur le comportement des consommateurs, lequel affecte, à son tour, l’accès de ce produit au marché de cet État membre.
57 En effet, les consommateurs, sachant qu’il leur est interdit d’utiliser leur motocycle avec une remorque spécialement conçue pour celui-ci, n’ont pratiquement aucun intérêt à acheter une telle remorque (voir par analogie, s’agissant de l’interdiction d’apposer des films colorés sur le pare-brise des véhicules automobiles, arrêt du 10 avril 2008, Commission/Portugal, C-265/06, Rec. p. I-2245, point 33). Ainsi, l’article 56 du code de la route empêche qu’une demande ne puisse exister sur le marché
en cause pour de telles remorques, entravant donc l’importation de celles-ci.
58 Il s’ensuit que l’interdiction édictée à l’article 56 du code de la route, dans la mesure où elle a pour effet d’entraver l’accès au marché italien des remorques spécialement conçues pour les motocycles et qui sont légalement produites et commercialisées dans des États membres autres que la République italienne, constitue une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation interdite par l’article 28 CE, à moins qu’elle ne puisse être objectivement justifiée.
59 Une telle interdiction peut être justifiée par l’une des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 30 CE ou par des exigences impératives (voir, notamment, arrêt du 19 juin 2003, Commission/Italie, C-420/01, Rec. p. I-6445, point 29, et du 5 février 2004, Commission/Italie, C-270/02, Rec. p. I-1559, point 21). Dans l’un ou l’autre cas, la mesure nationale doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit
atteint (arrêts du 15 mars 2007, Commission/Finlande, C-54/05, Rec. p. I-2473, point 38, et du 20 septembre 2007, Commission/Pays-Bas, C-297/05, Rec. p. I-7467, point 75).
60 En l’espèce, la justification invoquée par la République italienne porte sur la nécessité d’assurer la sécurité routière qui constitue, selon la jurisprudence, une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une entrave à la libre circulation des marchandises (voir, notamment, arrêts du 5 octobre 1994, van Schaik, C-55/93, Rec. p. I-4837, point 19; du 12 octobre 2000, Snellers, C-314/98, Rec. p. I-8633, point 55; arrêts précités Commission/Finlande, point 40; Commission/Pays-Bas,
point 77; Commission/Portugal, point 38, et arrêt du 5 juin 2008, Commission/Pologne, C-170/07, point 49).
61 En l’absence de dispositions d’harmonisation complète au niveau communautaire, il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la sécurité routière sur leur territoire, tout en tenant compte des exigences de la libre circulation des marchandises à l’intérieur de la Communauté européenne (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 1984, Commission/Italie, 50/83, Rec. p. 1633, point 12, et, par analogie, du 13 juillet 1994, Commission/Allemagne, C-131/93, Rec. p. I-3303,
point 16).
62 Selon une jurisprudence également constante, il incombe aux autorités nationales compétentes de démontrer que leur réglementation répond aux critères rappelés au point 59 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Pays-Bas, point 76; Commission/Portugal, point 39, et arrêt du 24 avril 2008, Commission/Luxembourg, C-286/07, point 37).
63 En ce qui concerne, d’une part, le caractère approprié de l’interdiction édictée à l’article 56 du code de la route, la République italienne fait valoir qu’elle a introduit cette mesure en raison du fait qu’il n’existe pas, ni au niveau communautaire ni au niveau national, de règles d’homologation permettant d’assurer le caractère non dangereux de l’utilisation d’un motocycle avec une remorque. En l’absence d’une telle interdiction, la circulation d’un ensemble composé d’un motocycle et d’une
remorque non homologués pourrait être dangereuse tant pour le conducteur de ce véhicule que pour d’autres véhicules en circulation, car elle affecterait la stabilité de cet ensemble ainsi que son freinage.
64 À cet égard, il doit être constaté que ladite interdiction est apte à réaliser l’objectif visant à garantir la sécurité routière.
65 S’agissant, d’autre part, de l’appréciation du caractère nécessaire de ladite interdiction, il convient de tenir compte du fait que, en vertu de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 61 du présent arrêt, dans le domaine de la sécurité routière, l’État membre peut décider du niveau auquel il entend assurer cette sécurité et de la manière dont ce niveau doit être atteint. Ce niveau pouvant varier d’un État membre à l’autre, il y a lieu de reconnaître aux États membres une marge
d’appréciation et, par conséquent, le fait qu’un État membre impose des règles moins strictes que celles établies par un autre État membre ne saurait signifier que ces dernières sont disproportionnées (voir, par analogie, arrêts du 13 juillet 2004, Commission/France, C-262/02, Rec. p. I-6569, point 37, et du 11 septembre 2008, Commission/Allemagne, C-141/07, Rec. p. I-6935, point 51).
66 En l’espèce, la République italienne soutient, sans être contredite sur ce point par la Commission, que la circulation d’un ensemble composé d’un motocycle et d’une remorque présente un danger pour la sécurité routière. Or, s’il est vrai qu’il incombe à l’État membre invoquant une exigence impérative pour justifier l’entrave à la libre circulation des marchandises de démontrer que sa réglementation est appropriée et nécessaire en vue d’atteindre l’objectif légitime poursuivi, cette charge de la
preuve ne saurait aller jusqu’à exiger que cet État membre démontre, de manière positive, qu’aucune autre mesure imaginable ne permet de réaliser ledit objectif dans les mêmes conditions (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Pays-Bas, C-157/94, Rec. p. I-5699, point 58).
67 En effet, d’une part, s’il n’est pas exclu, dans le cas d’espèce, que des mesures autres que l’interdiction prévue à l’article 56 du code de la route puissent assurer un certain niveau de sécurité routière pour la circulation d’un ensemble composé d’un motocycle et d’une remorque, telles que celles mentionnées au point 170 des conclusions de M. l’avocat général, il n’en demeure pas moins qu’il ne saurait être dénié aux États membres la possibilité de réaliser un objectif tel que la sécurité
routière par l’introduction des règles générales et simples facilement comprises et appliquées par les conducteurs ainsi qu’aisément gérées et contrôlées par les autorités compétentes.
68 D’autre part, il convient de constater que ni le libellé de la convention sur la circulation routière ni celui des considérants des directives 93/93 et 97/24, invoqués par la République italienne, ne laissent présumer que la sécurité routière pourrait être assurée au même niveau que celui envisagé par la République italienne par une interdiction partielle de circulation d’un tel ensemble ou par une autorisation de circulation dont la délivrance serait subordonnée au respect de certaines
conditions.
69 Eu égard à ces éléments, il y a lieu de constater que l’interdiction faite aux motocycles de tirer une remorque spécialement conçue pour ceux-ci et légalement produite et commercialisée dans des États membres autres que la République italienne doit être considérée comme justifiée par des raisons relatives à la protection de la sécurité routière.
70 Il convient, dès lors, de rejeter le recours de la Commission.
Sur les dépens
71 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République italienne ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure: l’italien.