ANNULATION, sur le pourvoi du Procureur général près la Cour impériale de Toulouse, d'un Arrêt rendu par ladite cour, chambre des appels correctionnels, le 12 août 1859, qui met hors d'instance le sieur X....
LA COUR,
Ouï, en son rapport, M. Bresson, conseiller, et M. Martinet, avocat général, en ses conclusions ;
Statuant sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour impériale de Toulouse contre un arrêt de cette cour, chambre correctionnelle, en date du 12 août 1859 ;
Vu l'article 35 de la loi du 29 ventôse an XI ;
Vu les articles 59 et 60 du Code pénal ;
Attendu que l'arrêt attaqué constate, en fait, que Clovis Y... et Anouilh, consultés par des malades en grand nombre, soumettaient au sommeil magnétique Elisa Y... ; que celle-ci indiquait la cause de la maladie, prescrivait les remèdes à employer, et que X..., officier de santé, ayant diplôme, écrivait les prescriptions, signait l'ordonnance et la remettait aux consultants moyennant salaire ;
Que l'arrêt attaqué ajoute que ces faits constituent l'exercice illégal de la médecine, prévu et puni par l'article 35 de la loi du 29 ventôse an XI ; que l'intervention de l'officier de santé X... n'a pu légitimer le fait incriminé, sa présence n'ayant été qu'un artifice employé pour la préparation du délit ; Attendu que, après avoir sanctionné la condamnation contre les trois premiers prévenus ; l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe de l'officier de santé X... par l'unique motif que le fait incriminé par l'article 35 de la loi de ventôse an XI, étant puni d'une amende de simple police, appartenait, aux termes de l'article 1er du Code pénal, à la classe des contraventions ; qu'en cette matière la complicité est formellement exclue par les articles 59 et 60 du même code ; qu'elle ne peut résulter que d'une disposition expresse de la loi, et que, dès lors, X..., ayant été poursuivi comme complice, devait être renvoyé de la plainte ;
Attendu que, s'il est vrai, en principe, qu'en matière de contraventions la complicité n'est pas admise, rien cependant ne fait obstacle à ce que les tribunaux de répression puissent rechercher si la contravention n'était pas de nature à être commise simultanément par plusieurs personnes ;
Que, dans les actes de complicité, on a toujours distingué ceux qui, extrinsèques à l'acte, tendent à en préparer, faciliter et réaliser la consommation, et ceux qui, par la simultanéité d'action et l'assistance réciproque, constituent la perprétation même ; que, lorsque ces derniers ont été commis, il existe bien moins des complices que des coauteurs ;
Attendu qu'au procès, en cessant de considérer X... comme complice, il y aurait encore à rechercher s'il ne devait pas être réputé coauteur de la contravention ; qu'à cet égard toutes les constatations de l'arrêt établissent que le fait incriminé a été l'oeuvre commune et simultanée des inculpés ;
Attendu qu'on objecterait en vain que celui qui est revêtu du titre d'officier de santé ne peut être considéré comme coauteur d'un délit qui consiste à avoir exercé la médecine sans titre ; qu'en effet le diplôme ne donne à l'officier de santé que le droit d'exercer par lui-même, d'après son propre examen et sans contrôle ; que, s'il ne juge ni ne prescrit, si, comme le reconnaît l'arrêt, il s'abdique complètement, si sa présence n'est plus qu'un artifice, et s'il se borne à couvrir de son nom et de sa signature la pratique illégale d'un tiers, il devient, par une participation solidaire, le coopérateur de celui-ci et l'un des auteurs de la violation de la loi ;
Attendu, en conséquence, qu'en refusant d'appliquer à X... l'article 35 de la loi du 29 ventôse an XI, et en le renvoyant des poursuites, l'arrêt attaqué a formellement violé les dispositions de cet article et faussement interprété les articles 59 et 60 du Code pénal ;
Par ces motifs, faisant droit au pourvoi du procureur général contre l'arrêt de la cour impériale de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 12 août dernier.
CASSE et ANNULE ledit arrêt ;
Et, pour être statué sur l'appel interjeté par X... du jugement du tribunal correctionnel de Muret, RENVOIE la cause et les parties devant la cour impériale d'Agen, chambre correctionnelle.