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09/09/2008 | FRANCE | N°07/02109

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, Ct0068, 09 septembre 2008, 07/02109


AFFAIRE : N RG 07 / 02109
Code Aff. : JLR / JBM ARRÊT N
ORIGINE : JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes de SAINT DENIS en date du 14 Novembre 2007

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2008

APPELANT :

Monsieur Charles X...
...
...
76100 ROUEN
Représentant : Me Anne Y...(avocat au barreau de SAINT-DENIS)

INTIMÉE :

L'Association BASE NAUTIQUE DES MASCAREIGNES (BNM)
en la personne de son représentant
...
97420 LE PORT
Représentant : Selarl HOARAU-GIRARD (avoca

ts au barreau de SAINT-DENIS)

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'aff...

AFFAIRE : N RG 07 / 02109
Code Aff. : JLR / JBM ARRÊT N
ORIGINE : JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes de SAINT DENIS en date du 14 Novembre 2007

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2008

APPELANT :

Monsieur Charles X...
...
...
76100 ROUEN
Représentant : Me Anne Y...(avocat au barreau de SAINT-DENIS)

INTIMÉE :

L'Association BASE NAUTIQUE DES MASCAREIGNES (BNM)
en la personne de son représentant
...
97420 LE PORT
Représentant : Selarl HOARAU-GIRARD (avocats au barreau de SAINT-DENIS)

DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 Juillet 2008, en audience publique devant Anne JOUANARD, Conseillère chargé d'instruire l'affaire, assisté d'Eric Z..., adjoint administratif, faisant fonction de greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 09 SEPTEMBRE 2008 ;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président : Hervé A...,
Conseiller : Christian FABRE,
Conseillère : Anne JOUANARD,

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mise à disposition des parties le 09 SEPTEMBRE 2008

* *
*

LA COUR :

FAITS ET PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon contrat du 3 janvier 2000 faisant suite à un contrat à durée déterminée du 4 janvier 1999, l'association Base Nautique des Mascareignes (ci près BNM) a embauché Charles X..., pour une durée indéterminée, en qualité de directeur administratif (statut cadre), moyennant un salaire net de 18. 000 francs par mois pour 36 heures hebdomadaires de travail (cette durée a été ramenée à 35 heures suite à l'accord d'entreprise du 23 juin 1999) ;

Un avenant a été conclu le 7 février 2000, aux termes duquel M. X...bénéficierait de deux formations de longue durée, l'une en matière de gestion des ressources humaines l'autre en matière de management d'une unité économique ;

En date du 21 février 2005, Charles X...a saisi le juge des référés du tribunal d'instance de Saint Denis de demandes en paiement d'heures supplémentaires et d'une indemnité compensatrice de congés payés desquelles il a été débouté par ordonnance du 30 mai de la même année (il était également condamné au paiement de 300 euros de dommages intérêts pour procédure abusive et de 600 euros au titre des frais irrépétibles) ;

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 mai 2005, l'association BNM l'a convoqué à un entretien préalable pour le 01 juin, et aussitôt mis à pied à titre conservatoire ;

Elle lui a notifié le 6 juin, dans les formes légales, son licenciement, avec effet au terme du préavis de l'exécution duquel elle le dispensait ;

Par déclaration faite au greffe le 12 octobre 2005, Charles X...a saisi le Conseil des prud'hommes de Saint Denis de demandes en paiement d'heures supplémentaires et de diverses indemnités (de formation, pour travail dissimulé, de congés payés...), sollicitant encore la remise des bulletins de paye et de l'attestation Assedic ; il lui a été donné très partiellement satisfaction par un jugement du 14 novembre 2007 duquel il a relevé appel le 17 décembre 2007 ;

* *
*

L'appelant sollicite la condamnation de son ancien employeur au paiement de :

-77. 221, 51 euros au titre des heures supplémentaires
-7. 722, 15 euros à celui des congés payés afférents
-100. 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-62. 500 euros au titre de l'indemnité de formation
-3. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile

Ainsi que la remise des bulletins de paye et de l'attestation ASSEDIC dûment rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ;

La BNM conclut à la confirmation de jugement en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement d'heures supplémentaires, des congés payés afférents et d'une indemnité de formation dont elle demande en outre à la Cour de dire que la clause l'instituant était manifestement léonine et n'a pas été exécutée de bonne foi ;

Estimant que le licenciement de M. X...avait une cause parfaitement réelle et sérieuse, elle conclut principalement au mal fondé de la demande de dommages intérêts, subsidiairement à la réduction de son montant, de façon infiniment subsidiaire à la confirmation du jugement ;

Elle sollicite enfin l'allocation à son profit d'une somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 précité ;

Vu les écritures déposées le 26 février 2008 par l'appelant et le 24 avril 2008 par l'intimée, qui ont été reprises et développées oralement et auxquelles la Cour renvoie pour plus ample exposé des demandes et moyens ;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le salarié ne réclame pas, en cause d'appel, l'indemnité pour travail dissimulé initialement sollicitée (mais qui ne figurait plus dans ses conclusions déposées en première instance) ;

- Sur les heures supplémentaires et les congés payés correspondants :

Charles X..., qui prétend avoir accompli, dès l'origine, chaque jour deux heures en sus de l'horaire normal, produit un décompte qui aurait été établi par le comptable de l'association à la demande du président de celle ci ; une telle demande ne suppose toutefois aucun accord de principe préalable au paiement des heures supplémentaires ;

Une telle demande forfaitaire ne peut être accueillie ;

Surtout, l'importance des responsabilités de M. X..., dont le contrat stipulait (article 3) qu'il était " chargé de la gestion dans son ensemble de l'association ", qu'il pouvait représenter auprès de ses partenaires et au conseil d'administration de laquelle il assistait, impliquait une grande importance dans l'organisation de son emploi du temps ; il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et sa rémunération était parmi les plus élevées de la BNM ; il était donc cadre dirigeant, notion qui n'est pas réservée aux grandes ou moyennes entreprises ; à ce titre, les dispositions légales relatives à la durée du travail, au repos et aux jours fériés ne lui sont pas applicables (article L. 212-15-1, devenu L. 3111-2, du Code du travail), peu importe que l'article 7 de l'accord d'entreprise du 23 juin 1999 relatif aux heures supplémentaires ne traite pas distinctement de cette catégorie de cadres ;

Il y a donc lieu à confirmation du jugement qui a débouté le salarié de ces chefs ;

Par voie de conséquence, la demande de rectification des bulletins de paye et de l'attestation destinée à l'Assedic ne pouvait qu'être rejetée ;

- Sur l'indemnité de formation :

L'avenant du 7 février 2000 stipulait notamment qu'" en cas de rupture de son contrat de travail, le salarié (obtiendrait) des indemnités équivalentes au coût total de la formation qu'il (n'aurait) pu réaliser, ce qui comprend le salaire qu'il aurait obtenu le temps de la prise en charge et le coût de la formation dans le cas ou il n'aurait pas bénéficié " de celle ci ;

Le montant réclamé à ce titre (salaire : 46. 000 euros ; coût de la formation : 15. 000 euros ; billet d'avion : 1. 500 euros) n'est pas contesté ;

La BNM affirme, sans être contredite, que Charles X...n'a jamais demandé à suivre l'une ou l'autre de ces formations, de sorte qu'il ne saurait bénéficier de cette indemnité ; il lui appartenait toutefois de prendre les dispositions nécessaires, notamment en terme d'organisation interne (la durée prévue de la formation en matière de management d'une entité économique, qui devait se dérouler en Métropole, était d'un an) pour permettre à son directeur d'en bénéficier effectivement, ce qu'elle s'est abstenue de faire ;

On ne saurait déduire de l'absence de contrepartie immédiate de la part du salarié (il s'agissait d'actions de formation professionnelle continue) le caractère léonin de la clause litigieuse ; peu importe également le coût élevé pour l'association de l'une d'entre elles ; en l'absence du moindre élément de nature à étayer l'accusation de mauvaise foi portée à l'encontre du salarié, il y a lieu de faire droit à la demande de celui ci, qui n'a pas été licencié pour faute lourde ;

- Sur la réalité et la gravité des fautes reprochées :

La lettre de licenciement énonce littéralement les griefs suivants

"- perte de confiance au vu de votre responsabilité de directeur de la structure suite à un référé à l'encontre de celle ci ;
- défaut de management ;
- défiance à l'égard de certains membres du conseil d'administration entraînant la démission de ces membres ;
- défaut d'information sur les actions engagées par la BNM "

Le premier juge a justement relevé que la perte de confiance n'était pas, en elle même, une cause réelle et sérieuse de licenciement ; elle pouvait d'autant moins l'être, au cas particulier, qu'elle trouvait sa source dans l'instance introduite par M. X...pour obtenir paiement des heures supplémentaires qu'il affirmait avoir effectuées ainsi qu'il appert du compte rendu de la réunion du conseil d'administration du 01 juin 2006, alors que le droit au juge constitue une liberté essentielle dans une société démocratique ;
L'appelante invoque vainement une maladresse de rédaction, en soutenant reprocher en réalité à son ex salarié d'avoir saisi la juridiction prud'homale sans demande préalable (ce qui est inexact) ; le motif figurant dans la lettre du 6 juin 2005 est parfaitement clair ;

A l'appui du deuxième grief, la BNM invoque

-la responsabilité de M. X...dans le fiasco qu'aurait été l'élection des représentants du personnel qui s'est déroulée en mai 2005, d'autre part et de façon plus générale son manque d'impartialité dans la gestion du personnel ;
- son attitude conflictuelle envers les personnes chargées de l'instruction des demandes de subvention, en particulier avec la commune de la Possession ;

Ces précisions ne figurant pas dans la lettre de licenciement, qui doit se suffire à elle même, il n'y a pas lieu de les examiner, et le grief doit être considéré comme imprécis ; la Cour observe que les subventions dont bénéficiait l'association ont toujours été reconduites ;

Le troisième grief, à savoir " la défiance à l'égard de certains membres du conseil d'administration entraînant leur démission ", n'est pas fondé ; Charles X...fait justement valoir qu'il lui appartenait de présenter complètement les projets soumis au conseil d'administration-sur lesquels il pouvait exprimer légitimement ses réticences le cas échéant-, et il n'est pas établi que les démissions de 3 membres du conseil (dont on ignore dans quelles conditions elles sont intervenues) aient été consécutives à des difficultés relationnelles qu'il auraient eues avec lui ; de même, aucune pièce n'est fournie à l'appui de l'allégation selon laquelle il aurait eu, dès 2001 / 2002, d'importants conflits avec des membres de l'organe dirigeant ;

Le quatrième et dernier grief (" défaut d'information sur les actions engagées par la BNM ") recouvrirait, selon les écritures de cette dernière, l'absence de tenue de tableaux de bord, l'immobilisation injustifiée pendant 2 ans de plusieurs bateaux et les difficultés rencontrées pour obtenir d'autres subventions de la part de municipalités avec lesquelles l'intimé serait entré en conflit ;

En l'absence du moindre élément à ce sujet, il ne peut être davantage accueilli que les précédents ;

- Sur les dommages intérêts :

A la date de la rupture, Charles X...avait une ancienneté de 6 ans et 5 mois au service d'une association dont l'effectif habituel était supérieur à 11 personnes ; le montant de l'indemnité à laquelle il peut prétendre en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail ne peut donc être inférieur aux salaires de ses six derniers mois, en l'espèce 21. 606 euros ;

La Cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer, en l'espèce, son préjudice à 43. 000 euros ; elle doit, en outre, en application de l'article L. 1235-4 du Code précité, ordonner le remboursement par la BNM des allocations de chômage versées à M. X...ensuite de son licenciement ;

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La BNM, qui succombe pour l'essentiel, supportera les dépens, conformément à l'article 696 du Code de procédure civile, ce qui interdit de faire application à son profit des dispositions de l'article 700 du même Code ;

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé l'intégralité des frais irrépétibles (honoraire d'avocat notamment) qu'il a du exposer pour faire valoir ses droits ; une somme de 3. 000 euros lui sera allouée sur le fondement du texte précité ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement déféré en ce qui concerne les heures supplémentaires et les congés payés afférents ;

L'INFIRME pour le surplus et

Statuant à nouveau :

Condamne l'association Base Nautique des Mascareignes à payer à Charles X...:

-62. 500 euros au titre d'indemnité de formation
-43. 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant :

Condamne l'appelante à rembourser à l'Assedic de la Réunion le montant des allocations de chômage versées à Charles X...ensuite de son licenciement dans la limite de 6 mois ;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Hervé PROTIN, président de chambre, et par Madame Jeanne B..., greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

signature


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
Formation : Ct0068
Numéro d'arrêt : 07/02109
Date de la décision : 09/09/2008

Références :

ARRET du 28 septembre 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 septembre 2010, 09-40.686, Inédit

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion, 14 novembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.saint-denis-de-la-reunion;arret;2008-09-09;07.02109 ?
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