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25/04/2007 | FRANCE | N°564

France | France, Cour d'appel de nîmes, Ct0268, 25 avril 2007, 564


COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 25 AVRIL 2007
ARRET No564
R.G. : 06/03377 RT/AG
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NIMES07 août 2006

Ordonnance de Référé
ELECTRICITE DEFRANCEGAZ DE FRANCEELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE DISTRIBUTION GARD CEVENNES

C/
X...
HALDE
APPELANTES :
ELECTRICITE DE FRANCEprise en son représentant légal en exercice RCS Paris B 552 081 317 30, Avenue de Wagram 75008 PARIS 08

GAZ DE FRANCEpris en son représentant légal en exercice RCS Paris B 542 107 651 23, rue Philibert Delorme 75017 PARIS 17

ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE DISTRIBUTION GARD CEVENNESprise en son représentant légal en exercice 2, ...

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 25 AVRIL 2007
ARRET No564
R.G. : 06/03377 RT/AG
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NIMES07 août 2006

Ordonnance de Référé
ELECTRICITE DEFRANCEGAZ DE FRANCEELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE DISTRIBUTION GARD CEVENNES

C/
X...
HALDE
APPELANTES :
ELECTRICITE DE FRANCEprise en son représentant légal en exercice RCS Paris B 552 081 317 30, Avenue de Wagram 75008 PARIS 08

GAZ DE FRANCEpris en son représentant légal en exercice RCS Paris B 542 107 651 23, rue Philibert Delorme 75017 PARIS 17

ELECTRICITE DE FRANCE - GAZ DE FRANCE DISTRIBUTION GARD CEVENNESprise en son représentant légal en exercice 2, Rue de Verdun 30901 NIMES CEDEX

représentées par la SELARL JURISBELAIR, avocats au Barreau de MARSEILLE, plaidant par Me Jean-Claude PERIE et par Me MINARD, avocat au Barreau de PARIS

INTIME :
Monsieur Yannick X...né le 01 septembre 1955 à Brazzaville ...

représenté par Me Laurence AVELINE, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANT VOLONTAIRE :
HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ (HALDE)prise en la personne de son représentant légal en exercice 11 rue Saint Georges 75009 PARIS

représentée par la SCP PELLEGRIN SOULIER, avocats au barreau de NÎMES, plaidant par Me Eve SOULIER,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président, Monsieur Philippe DE GUARDIA, Conseiller, Madame Isabelle MARTINEZ, Vice-Présidente placée,

Mesdemoiselles Delphine PICQUEMAL et Dorothée SALVAYRE, élèves avocats ont assisté au délibéré selon les dispositions de l'article 12-2 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
GREFFIER :
Mademoiselle Séverine DENOUILLE, Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier, lors des débats, et Madame Annie GAUCHEY, Greffier, lors du prononcé,
DEBATS :
à l'audience publique du 27 Février 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Avril 2007,
ARRET:
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 25 Avril 2007, date indiquée à l'issue des débats,
********
FAITS. PROCEDURE. PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur Yannick X... était embauché le 13 mars 1985 par la société EDF et demandait le 9 novembre 2005 à bénéficier de ses droits à la retraite de façon anticipée, avec bonification d'âge et de service d'un an par enfant en vertu de l'article 3 de l'annexe 3 du statut du personnel des industries électriques et gazières.
La société EDF refusait d'accéder à sa demande au motif que l'avantage prévu était réservé aux agents féminins.
Par requête déposée le 16 janvier 2006, Monsieur Yannick X... saisissait la formation des référés du Conseil de Prud'hommes de Nîmes afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui accorder le bénéfice d'une retraite anticipée.
Par ordonnance en formation de départage du 7 août 2006 le Conseil de Prud'hommes accueillait les demandes et condamnait la société EDF à accorder à Monsieur Yannick X... le bénéfice d'une retraite anticipée à compter du 1er septembre 2007 aux motifs essentiels que:
Attendu qu'en vertu des dispositions des articles R516-30 et R516-31 du code du travail la formation des référés en matière prud'homale peut dans la limite de la compétence du Conseil de Prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend et peut même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite;
Attendu que l'article 3 de l'annexe 3 du statut du personnel des industries électriques et gazières, accordent aux seuls agents mères de famille ayant eu trois enfants et réunissant quinze ans d'ancienneté, le bénéfice d'un départ en inactivité par anticipation à jouissance immédiate;
Attendu que par arrêt du 18 décembre 2002, le Conseil d'Etat a jugé que les dispositions de cet article sont illégales en tant qu'elles excluent du bénéfice des avantages qu'elles instituent les agents masculins ayant assuré l'éducation de leurs enfants;
Qu 'il apparaît que le 7 juin 2006, dans un arrêt inédit au recueil LEBON, numéro 280126, le Conseil d'Etat a réaffirmé le caractère illégal de ces dispositions dans un cas d'espèce, strictement identique à celui de Yannick X..., le requérant ne présentant aucune spécificité;
Que par voie de conséquence, la déclaration d'illégalité du texte réglementaire, consacrée par deux arrêts du Conseil d'Etat, s'impose au juge civil qui doit écarter le texte illégal - en l'espèce la restriction tenant au sexe de l'agent-;
Attendu que le juge administratif étant seul compétent pour statuer sur l'exception d'illégalité d'un acte de nature réglementaire, le moyen tiré de la décision du Conseil Constitutionnel, concernant un projet de loi, est donc inopérant;
Que désormais tout agent d'EDF (homme ou femme) peut prétendre à une retraite anticipée s'il justifie des autres conditions édictées par l'article 3 de l'annexe 3;
Que ce serait rajouter à la loi que de lui imposer de justifier d'avoir assumé seul trois enfants ou bien d'avoir subi un déficit de carrière;
Qu 'en l'espèce, il n 'est pas contesté que Yannick X... remplit toutes les conditions non entachées d'illégalité du Statut du personnel des industries électriques et gazières pour bénéficier d'un départ en inactivité par anticipation à jouissance immédiate ainsi que de la bonification d'âge et de service de une année par enfant;
Attendu que la position d'EDF de refuser de lui accorder le bénéfice de l'article 3 du statut au motif que ces avantages sont réservés aux agents féminins alors que cette disposition du statut a été déclarée illégale, revêt un caractère discriminatoire ce qui constitue un trouble manifestement illicite;
Les sociétés EDF et GDF, exploitant une unité commune dénommée EDF-GDF Distribution Gard Cévennes, ont régulièrement relevé appel de cette décision le 23 août 2006.
Elles soutiennent essentiellement que :
l/ sur l'audition de la HALDE
- dans le cadre de cette instance l'audition de la HALDE n'est pas de droit, dans la mesure où elle intervient à la demande des parties et non de sa propre initiative, l'intervention de cette Autorité se situe donc dans la cadre de la première hypothèse visée par l'article 13 de la loi du 31 décembre 2004, selon laquelle la HALDE ne peut présenter ses observations que sur invitation de la juridiction concernée,
- l'audition de la HALDE ne respecte pas le principe du contradictoire, dans la mesure où celle-ci se présentant comme étant un expert technique chargé de rendre un " Avis " elle devrait respecter les règles régissant l'expertise à savoir permettre à la partie adverse de faire valoir ses observations avant que l'expert ne présente son rapport ou ses observations,
- les délibérations 2006-306 à 2006-312 et 2007-14 à 2007-20 doivent être rejetées des débats, dans la mesure où en vertu de l'article 31 du décret du 6 mars 2005 lorsque la HALDE rend publique ses recommandations elle doit en informer les personnes intéressées au moins quinze jours à l'avance, or en l'espèce elle n'a informé que le directeur d'EDF GDF Service du Gard et non les destinataires directs de ces délibérations, à savoir le président directeur général d'EDF et le président général de Gaz de France,
- oralement à l'audience elles ont fait référence à l'existence d'une jurisprudence constitutionnelle (notamment DC 89-260 ) interdisant à une autorité administrative indépendante d'être à la fois juge et partie, jurisprudence destinée à éviter de compromettre les droits de la défense qui doivent être protégés selon les textes fondamentaux.
Elles sollicitent donc de déclarer irrecevable tant cette intervention que cette demande d'audition.
2/ sur le bien fondé de la demande
- est irrecevable la demande d'attribution de bonification d'année dans la mesure où cette demande a directement trait à la liquidation de la pension de retraite et qu'EDF n'a aucun pouvoir dans l'attribution d'une telle pension, en effet, le régime des retraites des agents EDF relève désormais d'une Caisse autonome, dénommée la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières qui n'est pas mise en cause dans la présente procédure,
- aucune discrimination sexuelle n'a été commise à rencontre de Monsieur Yannick X... car :
* la jurisprudence du Conseil d'Etat invoquée par ce dernier n'a qu'une portée relative, dans la mesure où le Conseil n'a pas annulé les dispositions du statut en cause mais les a seulement déclarées illégales,
* le statut a entendu compenser, au profit des mères de famille, un déficit en terme de perte de carrière,
* le refus d'accéder à la demande de Monsieur Yannick X... est conforme à la législation européenne, qui dispose aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, que les états membres de la communauté ont la possibilité de maintenir ou d'adopter des avantages spécifiques au profit du sexe sous représenté pour lui faciliter l'exercice d'une activité professionnelle et compenser les désavantages qu'il a pu rencontrer au cours de sa carrière,
* ce refus est également conforme à l'avis émis par le Conseil Constitutionnel dans sa décision no 2003-483 DC du 14 août 2003 relative entre autre à la légalité de la bonification pour enfant prévue par l'article L 351-4 du Code de la Sécurité Sociale en faveur des seules femmes.
Les appelantes sollicitent donc l'infirmation de l'ordonnance déférée, de rejeter les demandes et la condamnation de Monsieur Yannick X... à lui payer la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Yannick X..., intimé, soutient essentiellement que :
- le premier paragraphe de l'article 3 de l'annexe 3 au statut du personnel des industries électriques et gazières prévoit que :
etlt; " Pour avoir droit aux prestations pension d'ancienneté, un agent doit avoir 55 ans d'âge, s'il appartient aux services insalubres ou actifs, 60 ans d'âge s'il appartient aux services sédentaires et doit totaliser 25 ans de services décomptés conformément au paragraphe 5 de l'article lode la présente annexe.Les agents mères de famille ayant eu trois enfants bénéficieront d'une bonification d'âge et de service d'une année par enfant",

- le deuxième paragraphe prévoit que :
etlt; "Pour avoir droit aux prestations pension proportionnelle, l'agent doit totaliser 15 ans de services décomptés conformément au paragraphe 5 de l'article 1.L'agent mère de famille bénéficie des bonifications de service définis à l'alinéa précédent. La jouissance de la pension proportionnelle est différée jusqu'à l'âge requis pour la pension d'ancienneté, sauf pour l'agent mère de famille répondant aux conditions précisées au paragraphe 1o 2 o alinéa du présent article, qui la reçoit immédiatement",

- aux termes du paragraphe 112-3 5 du chapitre 263 du manuel pratique des questions de personnel EDF-GDF :
"sous réserve d'une durée minimum de quinze ans de service, les agents mères de famille bénéficient d'une anticipation d'âge pour chacun des enfants qu'elles auront eus avant leur cessation d'activité. Par "enfants qu'elles auront eus" il faut entendre les enfants personnels nés viables, ainsi que les morts-nés (...) et les enfants ayant fait l'objet d'une adoption plénière (...)",
- l'article 141 du Traité instituant les Communautés Européennes institue le principe de parité soit le principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes en précisant"on entend par rémunération le salaire (...) et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèce ou en nature (...) ",

- la jurisprudence européenne autorise les Etats membres à prévoir des avantages spécifiques aux femmes afin de prévenir des désavantages dans la carrière professionnelle du fait de la maternité mais le statut EDF en réservant le bénéfice de cette "retraite anticipée" aux seules femmes est discriminatoire puisqu'il n'est pas destiné à corriger un désavantage spécifiquement féminin mais est simplement réservé à celles qui ont élevé trois enfants, prérogatives aussi bien féminine que masculine,
- le conseil d'Etat dans une décision du 25 novembre 2002, et conformément à l'article 141 du Traité CE a déclaré illégales les dispositions des 1o et 2o paragraphes de l'article 3 de l'annexe 3 au statut du personnel des industries électriques et gazières ainsi que les dispositions du c) du paragraphe 112-35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions de personnel EDF-GDF "en tant qu'elles excluent du bénéfice des avantages qu'elles instituent les agents masculins ayant assuré l'éducation de leurs enfants ",
- selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation les arrêts rendus par le conseil d'Etat s'imposent au juge civil,
- il est âgé de 51 ans, il totalise une ancienneté de plus de 22 années au sein de la société EDF et il est père de deux enfants, ainsi est il en droit de prétendre au bénéfice d'une pension de retraite anticipée avec bonification d'un an par enfant,
II sollicite donc :
- la confirmation de la décision déférée, tout en rectifiant le dispositif,
- d'ordonner sous astreinte à la société EDF-GDF de lui accorder le bénéfice des dispositions précitées, et une pension de retraite à jouissance immédiate, ce à compter du 1er septembre 2007,
- de condamner la société EDF-GDF à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La HALDE expose que :
- par délibération 2007-14 et 2007-15 du 5 février 2007 le Collège avait décidé qu'elle présenterait ses observations devant la juridiction saisie conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi 2004-1486 du 30 décembre 2004.
- l'article 12 de la Loi no 2004-396 du 30 décembre 2004, telle que modifiée par la loi du 31 mars 2006 lui confère le droit de se présenter dans toutes les instances pour y faire des observations et éclairer les juridictions,
- le traitement différencié des hommes et des femmes prévu par les 1 er et 2ème paragraphes de l'article 3 de l'annexe 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières, n'est pas justifié au regard de l'objectif de la mesure qui est de prendre en compte une période liée à l'éducation des enfants.
Elle sollicite donc de :
- déclarer recevable et bien fondée son intervention,
- prendre acte de ses observations.
MOTIFS
1- Sur la compétence de la juridictions prud'homale :
Attendu que se rattachant à la rupture des contrats de travail de droit privé les liant à ses agents, le refus de mise en inactivité anticipée, prise par la société EDF, exploitant une unité commune dénommée EDF-GDF Distribution Gard Cévennes, en sa qualité d'employeur, au regard notamment des conditions d'âge et de service requises par le statut, est une décision dont la contestation relève de la juridiction prud'homale telle que définie à l'article L 511-1 du Code du travail ;
Attendu que si le régime des retraites des agents EDF relève désormais d'une Caisse autonome, dénommée la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières, cette Caisse n'est compétente que sur le montant de la liquidation de la pension de retraite et non sur la décision de mise à la retraite de manière anticipée ;
Attendu que l'argumentation à ce titre n'est donc pas fondée ;
2- Sur la recevabilité de la demande d'audition de la HALDE :
Attendu que préalablement il doit être précisé que le salarié a saisi, en cours d'instance d'appel, la HALDE d'une réclamation s'estimant victime d'une discrimination fondée sur le sexe quant aux conditions de liquidation de sa pension de retraite ; que la Haute Autorité a décidé , par une délibération de son collège le 5 février 2007 no 2007-14, de recommander au ministre délégué à l'industrie, au président directeur général d'EDF et à celui de GDF, la modification des paragraphes 1er et 2ème de l'article 3 de l'annexe 3 au statut national des industries électriques et gazières excluant les hommes des avantages consentis aux femmes pour réduction de leurs enfants ;
Attendu que la HALDE se fonde sur l'article 13 de la loi 2004-1486 du 30 décembre 2004 telle modifiée par la loi du 31 mars 2006 qui dispose :Les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent lorsqu 'elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d'office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations. La haute autorité peut elle-même demander à être entendue par ces juridictions; dans ce cas cette audition est de droit.

Attendu qu'avant de statuer sur la contestation des sociétés appelantes, il convient de première part de rappeler que lors de la création de la HALDE en 2004 et selon les débats parlementaires :
- le projet de loi comportait un article 12 (devenu article 13 dans la loi ) autorisant les juridictions pénales, à la demande de la Haute Autorité, à l'inviter à présenter des observations y compris à les développer oralement à l'audience ; que par la suite cet article étant rédigé de la manière suivante : Les juridictions civiles pénales ou administratives peuvent, lorsqu 'elles sont saisies défaits relatifs à des discriminations d'office ou à la demande des parties inviter la Haute Autorité ou son représentant à présenter des observations.

- lors de la séance au Sénat du 23 novembre 2004 il avait été déposé un amendement numéro 62 selon lequella haute autorité peut elle même être entendue par ces juridictions qui ne peuvent lui opposer un refus

- le rapporteur, reprenant son avis écrit, s'y opposait suivi en cela par l'avis conforme du ministre délégué, entraînant le rejet de cet amendement ;
Attendu que ce refus était fondé sur l'article 2 du nouveau Code de procédure civile selon lequel devant le juge civil, seules les parties conduisent l'instance et que ce juge devait écarter toutes les observations qui ne viennent pas des parties ;
Attendu qu'à l'occasion des débats sur le nouveau projet pour l'égalité des chances en 2006, la seconde phrase de l'article 13 était modifiée et depuis édicté ;La Haute A utorité peut elle même demander à être entendue par ces juridictions, dans ce cas cette audition est de droit

Attendu qu'à la suite de la promulgation de la nouvelle loi de 2006 la HALDE dispose donc actuellement des attributions suivantes :
- une saisine soit d'office soit d'une personne physique s'estimant victime de faits de discrimination, assistée ou non par une association dont l'objet social est de combattre les discriminations,
- un pouvoir d'investigation en demandant à toute personne des explications, communication d'éléments d'informations ou de documents quel qu'en soit le support, ou d'entendre toute personne dont le concours lui parait utile, étant précisé que la HALDE dispose d'agents assermentés et spécialement habilités par le Procureur de la république pouvant constater les délits de discrimination,
- un pouvoir d'injonction en cas de carence des détenteurs des renseignements ou de documents, et la possibilité de saisir un juge des référés pour contraindre le récalcitrant,
- un pouvoir de vérifications sur place, à l'exception des lieux privés, et si un refus est opposé , la saisine possible d'un juge des référés d'une demande motivée afin qu'il autorise ces vérifications,
- un pouvoir de demander aux autorités publiques toutes mesures de nature à lui faciliter sa tâche lesquelles doivent lui communiquer toutes informations et pièces utiles , les agents publics ou chargés d'un service public étant tenus d'y déférer,
- un devoir d'assistance de la victime dans la constitution de son dossier et du choix de la procédure la mieux adaptée à son cas,
- un pouvoir de proposer une médiation,
- un pouvoir de recommandation, les destinataires devant rendre compte de la mesure prise sous peine de publication d'un rapport spécial publié au journal officiel,
- la possibilité de faire des observations aux juridictions traitant de discrimination, à la demande des parties, du juge, ou de sa propre initiative,
- un pouvoir de proposer une transaction pénale, homologuée par le Procureur de la République, à l'auteur des faits de discrimination, consistant:- en un versement d'une amende de 3.000 € pour une personne physique soit 15.000 € pour une personne morale,- en un affichage d'un communiqué,- en une transmission d'un communiqué au comité d'entreprise ou aux délégués du personnel- en une insertion d'un communiqué au journal officiel, ou dans des périodiques de presse ou des services de communications électroniques, sans que ces services ne puissent s'y opposer,- en une obligation de publier la décision au sein de l'entreprise ;

- le pouvoir de mettre en mouvement l'action publique par une citation directe en cas refus de la transaction ou d'inexécution de celle-ci,
- le pouvoir de porter les faits à la connaissance de l'autorité disciplinaire laquelle doit l'informer des suites données à cette transmission ;
Attendu qu'en outre et de seconde part la loi 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations a introduit une nouvelle rédaction de l'article L. 122-45 du Code du travail selon lequel:
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période déformation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à uneethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du présent code, en raison de son état de santé ou de son handicap.
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire visée à l'alinéa précédent en raison de l'exercice normal du droit de grève.
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux alinéas précédents ou pour les avoir relatés.
En cas de litige relatif à l'application des alinéas précédents, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période déformation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit.

Attendu que troisième part la loi de 2004 comporte un titre II destiné à mettre en œuvre le principe de l'égalité entre les personnes sans distinction d'origine ethnique et portant transposition de la directive 2000/43/CE du 29 juin , titre dans lequel figure un article 19 ainsi rédigé :
En matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services, de fournitures de biens et services, d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, ainsi que d'accès à l'emploi, d'emploi et de travail indépendants ou non salariés, chacun a droit à un traitement égal, quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou non appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race.
Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte en ces domaines établit devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le précédent alinéa ne s'applique pas devant les juridictions pénales.
Attendu qu'ainsi de l'ensemble des dispositions précitées il résulte qu'en matière prud'homale ou sociale, la législateur a adopté un renversement de la charge de la preuve afin de soulager le fardeau du demandeur en raison de l'impérieuse nécessité de lui venir en aide ; que la HALDE peut exercer, en sus, des poursuites et recueillir les charges et, le cas échéant, prononcer des recommandations ou même des sanctions dans le cadre d'une procédure administrative ; qu'elle dispose , dans ce cadre, de la faculté d'utiliser des voies de droit et des contraintes , qui sont dès lors accessibles à la seule vivtime en rassemblant des éléments même chez les dépositaires de l'autorité publique et en recourant à des enquêteurs assermentés ; qu'enfin elle assiste la victime dans la constitution de son dossier et l'aide dans les choix procéduraux ;
Attendu que le principe des droits de la défense et en particulier celui de l'égalité des armes tels que découlant de l'article 6 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme, implique l'existence d'une procédure juste garantissant l'équilibre des droits des parties ; que notamment si une modification de la règle actori incombit probatio peut poursuivre un but légitime c'est à la condition que la substance même du droit de la défense ne soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens employés soient proportionnés à ce but ;
Attendu qu'en l'espèce à propos des mêmes faits la HALDE dispose ainsi de la possibilité de ressembler des éléments au profit de la victime, de l'assister, par des moyens exorbitants du droit commun et d'orienter le choix de la procédure à diligenter sans pour autant justifier d'un intérêt distinct de l'intérêt général, dont la défense incombe au Ministère Public, et qui fonderait la proportionnalité de cette dérogation;
Attendu qu'en conséquence les dispositions dudit article 6 font obstacles à ce que la HALDE, puisse, à l'égard d'une même personne physique ou morale, et s'agissant des mêmes faits, exercer tout à la fois les pouvoirs de recommandations et la faculté de demander son audition en justice ce qui est le cas de l'espèce ;
Attendu que, dans ces conditions, la demande d'audition de la HALDE n'est pas recevable, une audition de plein droit portant manifestement atteinte aux droits de la défense des sociétés appelantes ;
3- Sur le caractère discriminatoire de l'article 3. alinéa 1er, de t'annexe 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières :
Attendu que Monsieur Yannick X... justifie d'une ancienneté de 22 ans réunissait à la date du 12 décembre 2005 les conditions requises pour bénéficier d'une mise en inactivité par anticipation à jouissance immédiate ainsi que de la bonification d'âge et de service de une année par enfant.
Attendu que le refus opposé par la société EDF trouve son fondement uniquement sur les dispositions du statut ; que toutefois dans ses arrêts des 18 décembre 2002 et 7 juin 2006 le Conseil d'Etat a déclaré illégales les dispositions du statut réservant la retraite par anticipation aux seuls agents féminins en se fondant sur l'article 141 du traité instituant la communauté européenne ;
Attendu que l'ordonnance doit donc être confirmée en ce qu'elle rappelle que toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif, fut elle décidée à l'occasion d'une autre instance s'impose au juge civil qui ne peut plus en faire application depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 1985 (publié D 1985 427 note P Sargos ) opérant revirement de jurisprudence afin d'éviter la multiplication de questions préjudicielles inutiles ;
Attendu que l'employeur commet donc un agissement fautif en alléguant un texte déclaré illégal par la juridiction administrative;
Attendu que cet acte constituant une discrimination au sens de l'article L122-45 du Code du travail et un agissement caractérisant un trouble manifestement illicite il incombe au juge de la faire cesser dans les meilleurs délais sous astreinte, sans qu'il soit nécessaire de s'en réserver la liquidation ;
Attendu qu'il parait équitable que les sociétés appelantes participent à concurrence de 1.200 € aux frais exposés par l'intimé en cause d'appel et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du nouveau Code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme l'ordonnance déférée en son principe et rectifiant l'erreur matérielle,
Condamne les sociétés EDF et GDF, exploitant une unité commune dénommée EDF-GDF Distribution Gard Cévennes, à accorder à Monsieur Yannick X... le bénéfice des dispositions de l'article 3 de l'annexe 3 du statut du personnel et gazières et du b) du paragraphe 112-35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions de personne, et ceci à compter du Ier septembre 2007,
Dit qu'après signification du présent arrêt et passé ce délai courra une astreinte de 300 € par jour de retard pendant quatre mois, après quoi il sera à nouveau fait droit,
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande d'audition de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité,
Condamne sociétés EDF et GDF, exploitant une unité commune dénommée EDF-GDF Distribution Gard Cévennes à payer à Monsieur Yannick X... la somme de 1.200 € pour ses frais en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Les condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER Président et par Madame GAUCHEY, Greffier, présente lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Ct0268
Numéro d'arrêt : 564
Date de la décision : 25/04/2007

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Acte réglementaire - Illégalité prononcée par le juge administratif - Portée - // JDF

Toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif, même décidée à l'occasion d'une autre instance, s'impose au juge civil qui ne peut plus faire application du texte illégal. Il en résulte que la société EDF qui se prévaut de l'article 3, alinéa 1er, de l'annexe 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières, dans ses dispositions déclarées illégales par le Conseil d' Etat dans ses arrêts des 18 décembre 2002 et 7 juin 2006, commet à la fois un acte constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 122-45 du code du travail et un agissement caractérisant un trouble manifestement illicite qu'il incombe au juge de faire cesser dans les meilleurs délais


Références :

Article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales Articles L. 122-45 et L. 511-1 du code du travail Article 13 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 Article 3, alinéa 1er de l'annexe 3 du statut national du p
ersonnel des industries électriques et gazières

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nîmes, 07 août 2006

SENS Chambre sociale, 27/10/2007, Bulletin civil 2007, V, à paraître (pourvoi n° 06-43329)


Composition du Tribunal
Président : M. Tournier

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2007-04-25;564 ?
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