Vu, enregistrée à son secrétariat le 13 mars 2023, la lettre par laquelle le greffe du tribunal du tribunal judiciaire de Paris a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Val-de-Saône, la SARL Caravaning du Château, M. B... C... et Mme E..., épouse C..., à Mme F..., préfète de l'Ain, à M. A..., directeur de cabinet de la préfète, à M. D..., directeur départemental des territoires de l'Ain, et à Mme G..., huissier de justice, devant le tribunal judiciaire de Paris ;
Vu le déclinatoire présenté le 30 décembre 2022 par le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que les opérations d'expulsion des époux C... et de démolition d'office de leur habitation ne sauraient être qualifiées de voie de fait, et qu'aucune faute personnelle des agents mis en cause n'a été commise en l'espèce ;
Vu l'ordonnance du 6 février 2023 par laquelle le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a rejeté le déclinatoire de compétence ;
Vu l'arrêté du 15 février 2023 par lequel le préfet de la région Ile-de-France a élevé le conflit ;
Vu, enregistré le 9 mars 2023, le mémoire présenté par la SCEA Val de Saône, la SARL Caravaning du Château et les époux C..., tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que cet arrêté est irrecevable et que le litige porte sur des fautes détachables constitutives de voies de fait et d'infractions pénales ;
Vu, enregistrées le 9 mai 2023, les observations présentées par la SCP FOUSSARD-FROGER, pour l'agent judiciaire de l'Etat ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christine Maugüé, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Les époux C... et la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Val de Saône ont assigné la préfète de l'Ain, le directeur de cabinet de la préfète, le directeur départemental des territoires du département de l'Ain et un huissier de justice devant le tribunal judiciaire de Paris, en soutenant que l'intervention du préfet, des autres agents publics et de l'huissier de justice en cause dans l'évacuation forcée d'un bâtiment qui constituait le siège de leur exploitation agricole suivie de la démolition de ce bâtiment, était constitutive d'une voie de fait ainsi que de fautes personnelles détachables du service.
2. D'une part, il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.
3. Il ressort des pièces versées au dossier que l'expulsion des époux C... a été ordonnée par un jugement du 19 novembre 2020 du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, faisant suite à un arrêt devenu définitif de la cour d'appel de Lyon du 12 mars 2008 ordonnant la démolition de l'habitation édifiée sur la parcelle, jugement dont une ordonnance du 21 juin 2021 de ce même tribunal a ordonné l'exécution provisoire. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que, ainsi qu'il est soutenu, la démolition à laquelle il a été procédé porterait sur une construction différente qui aurait été le siège de l'exploitation agricole. Si les opérations décidées par la préfète de l'Ain ont été exécutées de manière forcée et ont abouti à l'extinction d'un droit de propriété, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces opérations, décidées en exécution de décisions de justice, seraient intervenues dans des conditions irrégulières. Ces opérations ne sont pas non plus manifestement insusceptibles d'être rattachées à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative. Elles ne peuvent, par suite, être qualifiées de voie de fait.
4. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une faute personnelle détachable du service aurait été commise en l'espèce par un des agents mis en cause.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le conflit a été élevé.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 15 février 2023 par le préfet de la région Ile-de-France est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nulle et non avenue la procédure engagée le 2 décembre 2022 par M. et Mme C... et H... contre la préfète de l'Ain, le directeur de cabinet de la préfète, le directeur départemental des territoires de l'Ain et Mme G..., huissier de justice, devant le tribunal judiciaire de Paris ainsi que l'ordonnance du juge de la mise en état de cette juridiction en date du 6 février 2023.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C..., à la société civile d'exploitation agricole Val-de-Saône, à la préfète de l'Ain, au directeur de cabinet de la préfète, au directeur départemental des territoires de l'Ain, à Mme G..., huissier de justice, au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.