La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2023 | FRANCE | N°C4266

France | France, Tribunal des conflits, 13 mars 2023, C4266


Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 novembre 2022, l'expédition de l'arrêt du 8 novembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, saisie par la commune de Phalsbourg d'une demande tendant à l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 septembre 2019 la condamnant à verser à la société SGTP 67, venant aux droits de la société Gartiser, la somme de 70 324,90 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011, avec capitalisation des intérêts à compter du 19 avril 2012, au titre de l'ind

emnité de résolution prévue par le contrat de vente d'un terrain re...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 novembre 2022, l'expédition de l'arrêt du 8 novembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, saisie par la commune de Phalsbourg d'une demande tendant à l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 septembre 2019 la condamnant à verser à la société SGTP 67, venant aux droits de la société Gartiser, la somme de 70 324,90 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011, avec capitalisation des intérêts à compter du 19 avril 2012, au titre de l'indemnité de résolution prévue par le contrat de vente d'un terrain relevant du domaine privé de la commune, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt du 13 décembre 2016 par lequel la cour d'appel de Nancy a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de l'action de la société Gartiser tendant au versement de cette indemnité à la suite de la résolution du contrat de vente ;

Vu, enregistré le 10 janvier 2023, le mémoire présenté par la commune de Phalsbourg tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les motifs que le contrat de vente contient des clauses reconnaissant à la commune contractante des prérogatives exorbitantes dans l'exécution du contrat, pour la poursuite exclusive d'un intérêt général, et a de ce fait le caractère d'un contrat administratif ;

Vu, enregistré le 30 janvier 2023, le mémoire présenté par la société SGTP 67 tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les motifs que le contrat de vente contient des clauses reconnaissant à la commune contractante des prérogatives exorbitantes dans l'exécution du contrat, pour la poursuite exclusive d'un intérêt général, et a de ce fait le caractère d'un contrat administratif ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui n'a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code civil ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... A..., membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Waquet Farge Hazan pour la commune de Phalsbourg et de la SCP Piwnica Molinié pour la société SGTP 67 venant aux droits de la société Gartiser,

- les conclusions de M. Jean Lecaroz, rapporteur public ;

1. Le contrat par lequel une personne publique cède des biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est en principe un contrat de droit privé, sauf si ce contrat a pour objet l'exécution d'un service public ou s'il comporte des clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, impliquent, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs.

2. Par un acte de vente conclu le 25 août 2000, la commune de Phalsbourg a cédé à la société Gartiser, aux droits de laquelle est venue la société SGTP 67, une parcelle de son domaine privé d'une superficie de 182,60 ares, au prix de 273 900 francs, en vue de la construction par cette société d'un immeuble à usage industriel, non affecté à l'habitation pour les trois quarts au moins de sa superficie. La vente a été conclue sous plusieurs conditions, tenant en particulier au dépôt d'un permis de construire pour un bâtiment à vocation industrielle et à l'édification de cet immeuble d'une surface d'au moins 1 000 mètres carrés, dans des délais déterminés. L'acte de cession prévoit, en cas de non-respect de ces délais, la possibilité pour le vendeur de procéder à la résolution de la vente, avec le versement à l'acquéreur d'une indemnité égale au prix de la cession, diminué de 10 % à titre de dommages-intérêts forfaitaires, si la résolution intervient avant le commencement de tous travaux. Cette indemnité est augmentée, le cas échéant, d'une somme égale au montant de la plus-value apportée au terrain par les travaux régulièrement réalisés sans pouvoir dépasser la valeur des matériaux et le coût de la main d'œuvre, le montant de cette plus-value devant être fixé par voie d'une expertise réalisée contradictoirement par deux experts dont, pour la commune, l'administration des domaines. Le contrat interdit par ailleurs à l'acquéreur de mettre en vente le terrain avant l'achèvement de la totalité des travaux prévus, sans en avoir préalablement avisé le maire de la commune de Phalsbourg, cette dernière se réservant alors le droit d'obtenir la rétrocession du terrain dans les conditions prévues pour l'indemnité de résolution mais sans application de la réduction de 10 % ou d'agréer ou désigner l'acquéreur en imposant que le prix de vente soit fixé dans les mêmes conditions. Le morcellement du terrain est également interdit sans autorisation de la commune. Le contrat prévoit enfin l'inscription au livre foncier de Phalsbourg des restrictions du droit de disposer et du droit à la résolution, avec effet jusqu'au 25 août 2004.

3. La vente par la commune de Phalsbourg à la société Gartiser d'une parcelle appartenant à son domaine privé en vue de la réalisation d'un bâtiment industriel n'a pas pour objet l'exécution d'un service public. Par ailleurs ni les clauses par lesquelles la société s'engage, sous une condition résolutoire, à déposer un permis de construire et à réaliser un bâtiment dans certains délais, ni celles qui encadrent le droit de la société de disposer du terrain, ni celles qui encadrent les conditions de retour du bien en cas de résolution de la vente, ni aucune autre clause n'impliquent que, dans l'intérêt général, le contrat relève du régime exorbitant des contrats administratifs.

4. Il appartient en conséquence à la juridiction judiciaire de connaître de la demande indemnitaire de la société consécutive à la résolution de la vente prononcée par la commune en raison du non-respect du délai de réalisation de la construction.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la société Gartiser et la commune de Phalsbourg.

Article 2 : L'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 13 décembre 2016 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Strasbourg et devant la cour administrative d'appel de Nancy est déclarée nulle et non avenue, à l'exception de l'arrêt rendu par cette cour le 8 novembre 2022.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Phalsbourg, à la société SGTP 67 et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4266
Date de la décision : 13/03/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - DOMAINE - DOMAINE PRIVÉ - ALIÉNATION DU DOMAINE PRIVÉ - 1) CONTRAT DE DROIT PRIVÉ - SAUF SI SON OBJET EST L'EXÉCUTION D'UN SERVICE PUBLIC ET SAUF CLAUSES IMPLIQUANT UN RÉGIME EXORBITANT DE DROIT PUBLIC [RJ1] – 2) ESPÈCE – CESSION D’UNE PARCELLE DU DOMAINE PRIVÉ COMMUNAL À UNE PERSONNE PRIVÉE EN VUE DE LA CONSTRUCTION D’UN IMMEUBLE À USAGE INDUSTRIEL – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE.

17-03-02-02-01-01 1) Le contrat par lequel une personne publique cède des biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est en principe un contrat de droit privé, sauf si ce contrat a pour objet l’exécution d’un service public ou s’il comporte des clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs....2) Commune ayant cédé à une société une parcelle de son domaine privé en vue de la construction par cette société d’un immeuble à usage industriel, non affecté à l’habitation pour les trois quarts au moins de sa superficie. Vente ayant été conclue sous plusieurs conditions, tenant en particulier au dépôt d’un permis de construire pour un bâtiment à vocation industrielle et à l’édification de cet immeuble d’une surface d’au moins 1 000 mètres carrés, dans des délais déterminés. Acte de cession prévoyant, en cas de non-respect de ces délais, la possibilité pour le vendeur de procéder à la résolution de la vente, avec le versement à l’acquéreur d’une indemnité égale au prix de la cession, diminué de 10 % à titre de dommages-intérêts forfaitaires, si la résolution intervient avant le commencement de tous travaux. Indemnité augmentée, le cas échéant, d’une somme égale au montant de la plus-value apportée au terrain par les travaux régulièrement réalisés sans pouvoir dépasser la valeur des matériaux et le coût de la main d’œuvre, le montant de cette plus-value devant être fixé par voie d’une expertise réalisée contradictoirement par deux experts dont, pour la commune, l’administration des domaines. Contrat interdisant par ailleurs à l’acquéreur de mettre en vente le terrain avant l’achèvement de la totalité des travaux prévus, sans en avoir préalablement avisé le maire de la commune, cette dernière se réservant alors le droit d’obtenir la rétrocession du terrain dans les conditions prévues pour l’indemnité de résolution mais sans application de la réduction de 10 % ou d’agréer ou désigner l’acquéreur en imposant que le prix de vente soit fixé dans les mêmes conditions. Le morcellement du terrain est également interdit sans autorisation de la commune. Contrat prévoyant enfin l’inscription au livre foncier de la commune des restrictions du droit de disposer et du droit à la résolution....La vente par la commune à la société d’une parcelle appartenant à son domaine privé en vue de la réalisation d’un bâtiment industriel n’a pas pour objet l’exécution d’un service public. Par ailleurs ni les clauses par lesquelles la société s’engage, sous une condition résolutoire, à déposer un permis de construire et à réaliser un bâtiment dans certains délais, ni celles qui encadrent le droit de la société de disposer du terrain, ni celles qui encadrent les conditions de retour du bien en cas de résolution de la vente, ni aucune autre clause n’impliquent que, dans l’intérêt général, le contrat relève du régime exorbitant des contrats administratifs. ...Il appartient en conséquence à la juridiction judiciaire de connaître de la demande indemnitaire de la société consécutive à la résolution de la vente prononcée par la commune en raison du non-respect du délai de réalisation de la construction.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - NATURE DU CONTRAT - CONTRATS N'AYANT PAS UN CARACTÈRE ADMINISTRATIF - CONTRATS RELATIFS AU DOMAINE PRIVÉ - 1) CONTRAT DE CESSION DU DOMAINE PRIVÉ - SAUF SI SON OBJET EST L'EXÉCUTION D'UN SERVICE PUBLIC ET SAUF CLAUSES IMPLIQUANT UN RÉGIME EXORBITANT DE DROIT PUBLIC [RJ1] – 2) ESPÈCE – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE.

39-01-02-02-03 1) Le contrat par lequel une personne publique cède des biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est en principe un contrat de droit privé, sauf si ce contrat a pour objet l’exécution d’un service public ou s’il comporte des clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs....2) Commune ayant cédé à une société une parcelle de son domaine privé en vue de la construction par cette société d’un immeuble à usage industriel, non affecté à l’habitation pour les trois quarts au moins de sa superficie. Vente ayant été conclue sous plusieurs conditions, tenant en particulier au dépôt d’un permis de construire pour un bâtiment à vocation industrielle et à l’édification de cet immeuble d’une surface d’au moins 1 000 mètres carrés, dans des délais déterminés. Acte de cession prévoyant, en cas de non-respect de ces délais, la possibilité pour le vendeur de procéder à la résolution de la vente, avec le versement à l’acquéreur d’une indemnité égale au prix de la cession, diminué de 10 % à titre de dommages-intérêts forfaitaires, si la résolution intervient avant le commencement de tous travaux. Indemnité augmentée, le cas échéant, d’une somme égale au montant de la plus-value apportée au terrain par les travaux régulièrement réalisés sans pouvoir dépasser la valeur des matériaux et le coût de la main d’œuvre, le montant de cette plus-value devant être fixé par voie d’une expertise réalisée contradictoirement par deux experts dont, pour la commune, l’administration des domaines. Contrat interdisant par ailleurs à l’acquéreur de mettre en vente le terrain avant l’achèvement de la totalité des travaux prévus, sans en avoir préalablement avisé le maire de la commune, cette dernière se réservant alors le droit d’obtenir la rétrocession du terrain dans les conditions prévues pour l’indemnité de résolution mais sans application de la réduction de 10 % ou d’agréer ou désigner l’acquéreur en imposant que le prix de vente soit fixé dans les mêmes conditions. Le morcellement du terrain est également interdit sans autorisation de la commune. Contrat prévoyant enfin l’inscription au livre foncier de la commune des restrictions du droit de disposer et du droit à la résolution....La vente par la commune à la société d’une parcelle appartenant à son domaine privé en vue de la réalisation d’un bâtiment industriel n’a pas pour objet l’exécution d’un service public. Par ailleurs ni les clauses par lesquelles la société s’engage, sous une condition résolutoire, à déposer un permis de construire et à réaliser un bâtiment dans certains délais, ni celles qui encadrent le droit de la société de disposer du terrain, ni celles qui encadrent les conditions de retour du bien en cas de résolution de la vente, ni aucune autre clause n’impliquent que, dans l’intérêt général, le contrat relève du régime exorbitant des contrats administratifs. ...Il appartient en conséquence à la juridiction judiciaire de connaître de la demande indemnitaire de la société consécutive à la résolution de la vente prononcée par la commune en raison du non-respect du délai de réalisation de la construction.


Références :

[RJ1]

Cf. TC, 4 juillet 2016, Société Generim c/ Ville de Marseille, n° 4052, T. pp. 685-753-824 ;

TC, 4 juillet 2016, Commune de Gélaucourt c/ Office public d'habitat de la Ville de Toul, n° 4057, T. pp. 686-753-823.


Composition du Tribunal
Président : M. MOLLARD
Rapporteur ?: Mme Christine Maugüé
Rapporteur public ?: M. Lecaroz

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2023:C4266
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award