Vu, enregistrée le 10 janvier 2022 à son secrétariat, l'expédition de l'arrêt du 5 janvier 2022 par lequel la Cour de cassation, saisie par la société Roche SAS d'un pourvoi contre l'ordonnance rendue le 12 mai 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider de la question de la compétence ;
Vu l'ordonnance du 12 mai 2021 par laquelle le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes présentées par la société Roche à l'encontre de la communication de l'Autorité de la concurrence relative à la décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 ;
Vu, enregistré le 8 février 2022, le mémoire de l'Autorité de la concurrence tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître de ces demandes, par le motif que les exceptions à la compétence de principe du juge administratif s'agissant des décisions de l'Autorité de la concurrence dans le domaine de la répression des pratiques anticoncurrentielles ou du contrôle des concentrations doivent être interprétées strictement ;
Vu, enregistré le 14 février 2022, le mémoire de la société Roche tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître de ces demandes, par le motif que dès lors que le juge judiciaire est compétent pour connaître du recours formé contre une décision de l'Autorité de la concurrence, le même juge doit être également compétent pour statuer sur la publicité faite par l'Autorité de la concurrence autour d'une décision de sanction frappée de recours, cette publicité produisant les mêmes effets qu'une injonction de publication et étant indissociable de la décision frappée de recours, et ce alors que la communication faite par l'Autorité de la concurrence autour de l'une de ses décisions frappée de recours porte nécessairement atteinte à la présomption d'innocence et à l'effectivité du recours en annulation ou en réformation formé devant la cour d'appel de Paris ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au ministre de l'économie et des finances, qui n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code de commerce ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... A...,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié pour la société Roche ;
- les observations de la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maître pour l'Autorité de la concurrence ;
- les conclusions de M. Jean Lecaroz, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020, l'Autorité de la concurrence a sanctionné, sur le fondement de l'article L. 464-2 du code de commerce, plusieurs sociétés du groupe Novartis et du groupe Roche, dont la société Roche, pour avoir abusé de leur position dominante collective sur le marché du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge exsudative, en mettant en œuvre plusieurs pratiques contraires aux articles 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-2 du code de commerce.
2. Les sociétés du groupe Roche ont formé un recours contre cette décision devant la cour d'appel de Paris. Par ailleurs la société Roche a attrait l'Autorité de la concurrence devant le délégué du premier président de cette juridiction en demandant, sur le fondement de l'article L. 464-8 du code de commerce, qu'il soit enjoint à cette autorité de cesser toute publication relative à sa décision n° 20-D-11 et, à titre subsidiaire, qu'il lui soit enjoint, d'une part, de mentionner dans toute déclaration relative à cette décision l'existence d'un recours devant la cour d'appel de Paris et, d'autre part, de s'abstenir d'initier toute démarche, courrier ou autre forme de communication, adressée à des tiers spécifiquement ciblés.
3. Par une ordonnance du 12 mai 2021, le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour statuer sur les demandes présentées contre la communication de l'Autorité de la concurrence relative à la décision n° 20-D-11.
4. Par une décision du 5 janvier 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation, estimant que ce litige posait une difficulté sérieuse, a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence, en application de l'article 35 du décret du 27 février 2015.
5. En vertu de l'article L. 464-8 du code de commerce, les décisions prises par l'Autorité de la concurrence sur le fondement de l'article L. 464-2 du code de commerce peuvent faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation devant la cour d'appel de Paris.
6. Si les actions de communication de l'Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante, relèvent en principe de la compétence de la juridiction administrative, la diffusion par l'Autorité de la concurrence, concomitamment à la mise en ligne d'une décision de sanction sur son site internet, d'une vidéo et de commentaires se rapportant uniquement à cette sanction particulière n'est pas dissociable de la décision de sanction elle-même. Dès lors, le présent litige relève de la cour d'appel de Paris.
7. Le présent litige ressortit, par suite, à la compétence de la juridiction judiciaire.
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la société Roche à l'Autorité de la concurrence.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Roche, à l'Autorité de la concurrence et au ministre de l'économie et des finances.