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07/02/2022 | FRANCE | N°C4233

France | France, Tribunal des conflits, 07 février 2022, C4233


Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 juillet 2021, l'expédition du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane, saisi de la demande de la SARL Guyacom tendant à la condamnation de la société publique locale pour l'aménagement numérique de la Guyane (SPLANG) à lui verser la somme de 428 220,75 euros au titre de l'exécution de la transaction conclue le 25 septembre 2017 entre ces sociétés, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregist

ré le 26 août 2021, le mémoire présenté par la ministre de la cohésion ...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 juillet 2021, l'expédition du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane, saisi de la demande de la SARL Guyacom tendant à la condamnation de la société publique locale pour l'aménagement numérique de la Guyane (SPLANG) à lui verser la somme de 428 220,75 euros au titre de l'exécution de la transaction conclue le 25 septembre 2017 entre ces sociétés, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistré le 26 août 2021, le mémoire présenté par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; elle fait valoir que le régime des sociétés publiques locales est défini au code général des collectivités territoriales et que ces sociétés ne peuvent en principe être regardées comme des entités transparentes ou comme agissant comme mandataire des collectivités qui sont leurs actionnaires ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée à la SARL Guyacom, à la société publique locale pour l'aménagement numérique de la Guyane (SPLANG), à la collectivité territoriale de Guyane et au ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n°2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

Vu l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques-Henri Stahl, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Melka, Prigent, Drush pour la société Guyacom,

- les observations de la SCP Poulet, Odent pour la collectivité territoriale de la Guyane,

- les conclusions de M. Paul Chaumont, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention du 29 août 2013, la région Guyane, devenue la collectivité territoriale de Guyane, a chargé la société publique locale pour l'aménagement numérique de la Guyane (SPLANG) d'organiser la desserte en télécommunications mobiles et en accès internet de dix-sept sites isolés de la Guyane. Pour réaliser cette mission, la SPLANG a conclu avec la société Guyacom, par un acte d'engagement du 10 janvier 2014, un contrat, dit " marché Continuité ", ayant pour objet le déploiement d'équipements en vue d'offrir des services de téléphonie mobile sur ces dix-sept sites. Par un acte d'engagement du 15 février 2015, la SPLANG a conclu avec la société Guyacom un autre contrat, dit " marché Modernisation ", ayant pour objet la modernisation des installations de télécommunications de ces sites. Par des conventions signées le même 15 février 2015, la SPLANG a délivré à la société Guyacom dix-sept permissions d'accès au réseau régional d'information, dites " conventions PARRI ", autorisant une occupation temporaire des sites pour les infrastructures et équipements ainsi que pour utiliser la bande passante, par satellite ou par voie hertzienne, nécessaire aux communications.

2. Pour régler plusieurs différends nés de l'exécution des contrats ainsi passés entre la SPLANG et la société Guyacom, ces deux sociétés ont conclu, le 25 septembre 2017, une transaction pour y mettre fin. Un litige sur l'exécution de cette transaction étant né entre les parties, la société Guyacom a saisi, le 30 août 2019, le tribunal administratif de la Guyane d'une demande tendant à la condamnation de la SPLANG à lui verser la somme de 428 220,75 euros au titre de l'exécution de la transaction du 25 septembre 2017. A titre reconventionnel, la SPLANG a demandé au tribunal administratif la condamnation de la société Guyacom à lui verser la somme de 334 967,04 euros. Par un jugement du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de la Guyane a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

3. Une transaction est, en principe, un contrat de nature civile et son homologation comme les litiges nés de son exécution relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, hormis le cas où elle a pour objet le règlement ou la prévention de différends pour le jugement desquels la juridiction administrative est principalement compétente.

4. La transaction conclue le 25 septembre 2017 entre la SPLANG et la société Guyacom a entendu mettre fin à l'ensemble des différends, opposant ces deux sociétés, nés de l'exécution des contrats passés entre elles en 2014 et 2015.

5. En vertu de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer des sociétés publiques locales dont elles détiennent le capital et qui revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce. La SPLANG a été créée sur le fondement de ces dispositions par la région Guyane et une communauté d'agglomération en 2012. Ainsi créée dans le cadre institué par le législateur pour permettre à une collectivité territoriale de transférer certaines missions à une personne morale de droit privé contrôlée par elle, la SPLANG ne peut être regardée comme une entité transparente. En concluant avec la société Guyacom les contrats dits " marché Continuité " et " marché Modernisation ", respectivement les 10 janvier 2014 et 15 février 2015, la SPLANG a agi en son nom et pour son propre compte.

6. Par ailleurs, ces deux contrats ont été passés non en application du code des marchés publics mais sur le fondement de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. Ils ne sauraient présenter le caractère de contrat administratif par détermination de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.

7. Il résulte de ce qui précède que ces deux contrats, conclus entre personnes morales de droit privé, présentent le caractère de contrat de droit privé et que les différends nés de leur exécution relèveraient de la juridiction judiciaire.

8. Si les différends nés de l'exécution des permissions d'accès dites " conventions PARRI " relèveraient, en revanche, de la compétence de la juridiction administrative en vertu des dispositions de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques qui attribuent à la juridiction administrative le jugement des litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public conclus par les concessionnaires de service public, il ressort des pièces du dossier que ces différends présentent un caractère accessoire par rapport à ceux nés des contrats dits " marché Continuité " et " marché Modernisation ".

9. Il résulte de tout ce qui précède que la transaction conclue le 25 septembre 2017 entre la SPLANG et la société Guyacom a eu pour objet le règlement de différends pour lesquels la juridiction administrative n'est pas principalement compétente. Il s'ensuit que le litige relatif à l'exécution de cette transaction ressortit à la compétence de la juridiction judiciaire.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Guyacom, à la société publique locale pour l'aménagement numérique de la Guyane (SPLANG), à la collectivité territoriale de Guyane, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C4233
Date de la décision : 07/02/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - TRANSACTION – 1) PRINCIPE – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE – 1) EXCEPTION – TRANSACTION AYANT POUR OBJET LE RÈGLEMENT OU LA PRÉVENTION DE DIFFÉRENDS POUR LE JUGEMENT DESQUELS LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE EST PRINCIPALEMENT COMPÉTENTE [RJ1].

17-03-02-03 Une transaction est, en principe, un contrat de nature civile et son homologation comme les litiges nés de son exécution relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, hormis le cas où elle a pour objet le règlement ou la prévention de différends pour le jugement desquels la juridiction administrative est principalement compétente.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION – 1) PRINCIPE – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE – 1) EXCEPTION – TRANSACTION AYANT POUR OBJET LE RÈGLEMENT OU LA PRÉVENTION DE DIFFÉRENDS POUR LE JUGEMENT DESQUELS LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE EST PRINCIPALEMENT COMPÉTENTE [RJ1].

37-07-01 Une transaction est, en principe, un contrat de nature civile et son homologation comme les litiges nés de son exécution relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, hormis le cas où elle a pour objet le règlement ou la prévention de différends pour le jugement desquels la juridiction administrative est principalement compétente.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - COMPÉTENCE - TRANSACTION – 1) PRINCIPE – COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE – 1) EXCEPTION – TRANSACTION AYANT POUR OBJET LE RÈGLEMENT OU LA PRÉVENTION DE DIFFÉRENDS POUR LE JUGEMENT DESQUELS LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE EST PRINCIPALEMENT COMPÉTENTE [RJ1].

39-08-005 Une transaction est, en principe, un contrat de nature civile et son homologation comme les litiges nés de son exécution relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, hormis le cas où elle a pour objet le règlement ou la prévention de différends pour le jugement desquels la juridiction administrative est principalement compétente.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, Assemblée, 6 décembre 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second cycle du second degré du district de l'Haÿ-les-Roses, n° 249153, p. 433.

Cf., en précisant, TC, 18 juin 2007, Société Briançon bus et Brunet, n° 3600, p. 600.


Composition du Tribunal
Président : M. Schwartz
Rapporteur ?: M. Jacques-Henri Stahl
Rapporteur public ?: M. Chaumont

Origine de la décision
Date de l'import : 04/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2022:C4233
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