Vu, enregistrée à son secrétariat le 24 juin 2021, la demande de M. C... A... tendant à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis en raison de la durée excessive des procédures relatives à l'effacement des données à caractère personnel enregistrées dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires suivies, d'une part, devant le tribunal administratif de Versailles et la cour administrative d'appel de Versailles, et, d'autre part, devant le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, ainsi que la somme de 5 400 euros au titre des honoraires versés à l'occasion des procédures engagées devant le Tribunal des conflits.
Vu, enregistré le 22 juillet 2021, le mémoire du garde des sceaux, ministre de la justice, tendant au rejet de la demande de M. A... au motif que, si la durée de la première instance devant le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris peut être considérée comme déraisonnable, les préjudices moral et matériel allégués par le requérant sont insuffisamment caractérisés.
Vu, enregistrée le 27 septembre 2021, le mémoire en réplique présenté par M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 24 mai 1872
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu la loi 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 75 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Martine Taillandier-Thomas, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia pour M. A... ;
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 16 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits : " Le Tribunal des conflits est seul compétent pour connaître d'une action en indemnisation du préjudice découlant d'une durée totale excessive des procédures afférentes à un même litige et conduites entre les mêmes parties devant les juridictions des deux ordres en raison des règles de compétence applicables et, le cas échéant, devant lui ". Aux termes de l'article 43 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Dans le cas prévu à l'article 16 de la loi du 24 mai 1872 susvisée, la partie qui entend obtenir réparation doit préalablement saisir B... des sceaux, ministre de la justice, d'une réclamation. / En application du 3° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé pendant plus de deux mois sur la réclamation vaut décision de rejet. A l'expiration de ce délai, la partie intéressée peut saisir le Tribunal des conflits [...] ".
2. M. A... a demandé, par requête du 24 juin 2015, au magistrat, désigné par le ministre de la justice, chargé de suivre la mise en œuvre et la mise à jour des traitements automatisés de données à caractère personnel mentionnés à l'article 230-6 du code de procédure pénale, de procéder à l'effacement de la mention de sa mise en cause pour des faits survenus en 1994 dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires. Le silence gardé sur cette demande a fait naître une décision implicite de refus, dont M. A... a demandé, par requête enregistrée le 11 mai 2016, l'annulation au tribunal administratif de Versailles. Par une ordonnance du 3 octobre 2016, devenue définitive par l'effet de l'ordonnance du 25 février 2018 du président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles, le premier conseiller faisant fonction de président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté le recours de M. A... comme porté devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
3. Par requête réceptionnée le 11 octobre 2016, M. A... a saisi le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, lequel, par ordonnance du 23 octobre 2019, s'est déclaré incompétent pour statuer sur sa demande. Sur requête de M. A..., enregistrée le 30 décembre 2019, tendant à ce que le Tribunal des conflits, en application de l'article 37 du décret du 27 février 2015, détermine l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur sa demande, la juridiction judiciaire a été désignée par décision du 8 juin 2020. Saisi par requête déposée au greffe le 22 juin 2020, le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a fait droit à la demande d'effacement par ordonnance du 31 mars 2021.
4. Par requête du 27 juillet 2020, M. A... a demandé au ministre de la justice le versement d'une indemnité de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des délais, qu'il qualifie de déraisonnables, de l'instruction de sa demande d'effacement. En l'absence de réponse dans un délai de deux mois, il a saisi, le 24 juin 2021, le Tribunal à cette fin.
5. Le caractère excessif du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier en tenant compte des spécificités de chaque affaire et en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement des procédures et le comportement des parties tout au long de celles-ci, ainsi que l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre partie au litige, à ce que celui-ci soit tranché rapidement.
6. La durée totale des procédures depuis la saisine du magistrat chargé de suivre la mise en œuvre et la mise à jour des traitements automatisés de données à caractère personnel, le 24 juin 2015, jusqu'à la décision du 31 mars 2021, qui est de plus de cinq ans, doit être regardée, en l'espèce, comme excessive, eu égard aux spécificités de la procédure devant des autorités judiciaires. Par suite, la responsabilité de l'État est engagée.
7. Cette durée excessive a occasionné pour M. A... un préjudice moral lié à une situation prolongée d'incertitude. Dans les circonstances de l'espèce, il en sera fait une juste appréciation en condamnant l'État à lui verser une indemnité de 2 000 euros au titre de ce préjudice.
8. M. A... qui se prévaut d'un préjudice matériel ne produit aucun élément permettant d'en établir l'existence. Sa demande à ce titre doit, dès lors, être rejetée.
9. La demande en paiement des honoraires versés à l'occasion des procédures engagées devant le Tribunal des conflits relève de l'application de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 et seuls les frais exposés dans le cadre de la présente instance peuvent donner lieu à condamnation. A ce titre, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros à verser à M. A....
D E C I D E :
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Article 1 : L'État est condamné à verser à M. A... une indemnité de 2 000 euros au titre de son préjudice moral.
Article 2 : Le surplus de la demande d'indemnisation de M. A... est rejeté.
Article 3 : L'État versera à M. A... la somme de 2 400 euros au titre de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et au Garde des sceaux, ministre de la justice.