Vu, enregistrée à son secrétariat le 24 mai 2018, l'expédition de la décision du 18 mai 2018 par lequel le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi de Mme A...tendant à l'annulation de l'ordonnance rendue le 30 septembre 2016 par le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître sa demande de condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la succession illégale de contrats aidés de septembre 2006 à juin 2012, exécutés au sein du lycée Savary de Mauléon, a renvoyé au Tribunal, par application des articles 32 et 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence ;
Vu le jugement du 11 juin 2012 par lequel le conseil de prud'hommes des Sables d'Olonne, saisi par Mme A...d'une demande de requalification de son contrat en contrat indéterminée, de dommages-intérêts au titre d'une exécution déloyale du contrat et d'une indemnité de requalification sur le fondement de l'article L.1245-2 du code du travail, a ordonné la requalification, renvoyé l'intéressée devant le tribunal administratif de Nantes, compétent pour tirer les conséquences indemnitaires résultant de la requalification du contrat et condamné le lycée Savary de Mauléon à verser à Mme A...la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts à Mme A...au titre d'une exécution déloyale de son contrat ;
Vu, enregistré le 2 août 2018, le mémoire présenté par le ministre de l'éducation nationale tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente par le motif que les contrats en cause sont des contrats de droit privé, que la demande de Mme A...ne met pas en cause la légalité de la convention de droit public ayant servi de cadre à la passation de son contrat de travail mais tend seulement à obtenir l'indemnisation de la requalification de son contrat qui n'a pas eu pour effet de la placer en dehors du droit privé ni d'entraîner la poursuite des relations contractuelles au-delà du terme du dernier contrat aidé le 30 juin 2012 et que le fait de distinguer la nature des fautes commises par l'administration ne semble pas concourir à une bonne administration de la justice ;
Vu les pièces dont il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée à Mme A...et au lycée Savary de Mauléon qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code du travail ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
Considérant que Mme A...a été recrutée, entre le 1er septembre 2006 et le 30 juin 2012, par plusieurs " contrats d'avenir " et " contrats uniques d'insertion - contrats d'accompagnement dans l'emploi ", conclus avec le lycée Savary de Mauléon, pour exercer des fonctions d'agent d'administration puis d'assistante administrative ; que, saisi par Mme A...alors qu'elle exerçait ces dernières fonctions, le conseil de prud'hommes des Sables d'Olonne a, par un jugement du 11 juin 2012, d'une part, requalifié les contrats de l'intéressée en contrat à durée indéterminée et condamné le lycée Savary de Mauléon à lui payer des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, d'autre part, rejeté sa demande d'indemnité de requalification présentée sur le fondement de l'article L. 1245-2 du code du travail, en jugeant qu'elle avait le statut d'agent contractuel de droit public et que la juridiction judiciaire n'avait pas compétence pour tirer les conséquences indemnitaires de la requalification des contrats ; que, saisi par Mme A...d'une demande de condamnation de l'Etat, pour le compte duquel les contrats avaient été conclus par le lycée Savary de Mauléon, à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la succession des contrats aidés l'ayant maintenue dans une situation de précarité et d'agissements illégaux ayant notamment permis de la recruter par un contrat d'avenir en septembre 2009, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande comme présentée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; que Mme A...s'étant pourvue en cassation, le Conseil d'Etat a sursis à statuer et, par application des article 32 et 35 du décret du 27 février 2015, renvoyé au Tribunal le soin de décider sur la question de compétence ;
Considérant que selon les dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 5134-41 du code du travail, le " contrat d'avenir " est un contrat de travail de droit privé à durée déterminée ; qu'il en est de même du " contrat unique d'insertion " aux termes des dispositions combinées des articles L. 5134-19-3 et L. 5134-24 du même code ; qu'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de tels contrats, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; qu'il lui incombe, à ce titre, de se prononcer sur une demande de requalification de ces contrats et d'indemnisation des conséquences des manquements de l'employeur, y compris lorsqu'ils portent sur les conditions dans lesquelles les contrats ont été conclus et renouvelés ;
Considérant toutefois que, d'une part, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée, notamment, entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; que, d'autre part, le juge administratif est également seul compétent pour tirer les conséquences d'une éventuelle requalification d'un contrat, soit lorsque celui-ci n'entre en réalité pas dans le champ des catégories d'emplois, d'employeurs ou de salariés visées par le code du travail, soit lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire, pour un autre motif, a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public gérant un service public administratif, au-delà du terme du ou des contrats relevant de la compétence du juge judiciaire ;
Considérant que si la requalification à laquelle a procédé le conseil de prud'hommes des Sables d'Olonne par son jugement du 15 octobre 2012 a eu pour effet de transformer en licenciement la rupture ultérieurement notifiée pour arrivée à terme des contrats, elle n'a pas eu pour conséquence de placer la relation de travail en dehors du droit privé ni d'entraîner la poursuite de la relation contractuelle de l'intéressée au-delà du terme du dernier contrat aidé relevant de la compétence judiciaire ; qu'aucun travail n'a plus été fourni ni aucun salaire versé après la date initialement convenue comme devant marquer la fin des relations contractuelles ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le juge judiciaire est compétent pour tirer l'ensemble des conséquences de la requalification des contrats et pour connaître du préjudice que Mme A...estime avoir subi du fait des conditions selon elle abusives dans lesquelles les contrats ont été successivement conclus ;
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant Mme A...à l'Etat et à l'établissement public local d'enseignement " Lycée Savary de Mauléon " des Sables d'Olonne.
Article 2 : Le jugement du conseil de prud'hommes des Sables d'Olonne du 11 juin 2012 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il a décliné sa compétence pour connaître du litige lié à la requalification du contrat de travail conclu entre l'établissement public local d'enseignement " Lycée Savary de Mauléon " des Sables d'Olonne et MmeA.... L'affaire et les parties sont renvoyées dans cette mesure devant cette juridiction.
Article 3 : La procédure suivie devant la juridiction administrative est déclarée nulle et non avenue à l'exception de la décision rendue par le Conseil d'Etat le 18 mai 2018.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à MmeA..., à l'établissement public local d'enseignement " Lycée Savary de Mauléon " des Sables d'Olonne et au ministre de l'éducation nationale.