TRIBUNAL
DES CONFLITS
N° 4092
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Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Nancy
M. Y... c/ Association de réinsertion sociale – service d ’ accueil et d ’ orientation de Nancy
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M. Jacques-Henri Stahl
Rapporteur
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M. Hubert Liffran
Rapporteur public
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Séance du 3 juillet 2017
Lecture du 3 juillet 2017
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition du jugement du 16 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy, saisi d'une demande de M. Y... tendant à la condamnation de l'association de réinsertion sociale-service d'accueil et d'orientation de Nancy à lui verser une somme de 3 980 euros, assortie des intérêts, en remboursement de la participation financière qu'il a acquittée en 2014 au titre de son hébergement en qualité de demandeur d'asile, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement du 19 juillet 2016 par lequel le tribunal d'instance de Nancy s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;
Vu le mémoire présenté par le ministre des solidarités et de la santé, tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, au motif que l'association, associée au service public, n'a pas mis en oeuvre de prérogative de puissance publique et que le litige ne met en cause que des rapports de droit privé entre M. Y...et l'association ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. Y..., à l'association de réinsertion sociale-service d'accueil et d'orientation de Nancy, au préfet de la Meurthe et Moselle et au ministre de l'intérieur, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jacques-Henri Stahl, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Hubert Liffran, rapporteur public ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 348-1 du code de l'action sociale et des familles, les demandeurs d'asile peuvent être hébergés dans des centres d'accueil pour demandeurs d'asile qui ont pour mission, selon l'article L. 348-2 du même code, d'assurer leur accueil, leur hébergement ainsi que leur accompagnement social et administratif pendant la durée d'instruction de la demande d'asile ; qu'en vertu de l'article L. 348-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, « le bénéfice de l'aide sociale ne peut être accordé ou maintenu aux personnes ou familles accueillies dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile que si une convention a été conclue à cette fin entre le centre et l'Etat ou si un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens a été conclu entre sa personne morale gestionnaire et l'Etat dans des conditions définies par décret » ; que le II de l'article L. 348-2 du même code prévoit que le décret en Conseil d'Etat qui fixe les conditions de fonctionnement et de financement des centres d'accueil pour demandeurs d'asile « précise notamment les modalités selon lesquelles les personnes accueillies participent à proportion de leurs ressources à leurs frais d'hébergement, de restauration et d'entretien » ; qu'aux termes du I de l'article R. 348-4 du même code tel qu'applicable au litige : « Les personnes hébergées en centre d'accueil pour demandeurs d'asile dont le niveau de ressources mensuelles est égal ou supérieur au montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 acquittent une participation financière à leurs frais d'hébergement et d'entretien. Le montant de cette participation est fixé par le préfet sur la base d'un barème établi par arrêté du ministre chargé de l'action sociale et du ministre chargé du budget. La décision est notifiée à l'intéressé par le directeur de l'établissement./ Le barème tient compte notamment :/- des ressources de la personne ou de la famille accueillie ;/- des dépenses restant à sa charge pendant la période d'accueil./ La personne accueillie acquitte directement sa contribution à l'établissement qui lui en délivre récépissé » ;
Considérant que M. et Mme Y..., de nationalité kosovare, sont entrés en France avec leur enfant en 2012 et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié ou l'octroi de la protection subsidiaire ; qu'ils ont bénéficié d'un hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile qui leur a été fourni par l'association de réinsertion sociale-service d'accueil et d'orientation de Nancy ; qu'ils se sont acquittés de la participation financière aux frais d'hébergement et d'entretien prévue par les dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles ; qu'après avoir obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 29 septembre 2014 et avoir quitté, en mars 2015, le logement qui avait été mis à leur disposition par l'association de réinsertion sociale-service d'accueil et d'orientation de Nancy, M. Y...a demandé à l'association, sur le fondement de l'article 1376 du code civil, la répétition d'une partie de la participation financière qu'il avait acquittée ;
Considérant que si l'association de réinsertion sociale-service d'accueil et d'orientation de Nancy, association régie par la loi du 1er juillet 1901 qui a conclu avec l'Etat une convention pour l'accueil des demandeurs d'asile en application de l'article L. 348-4 du code de l'action sociale et des familles et qui gère le dispositif d'hébergement qui a accueilli l'intéressé et sa famille, participe à l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif, elle ne met en oeuvre dans l'accomplissement de sa mission aucune prérogative de puissance publique ; que l'action en répétition formée par M. Y..., qui tend au reversement d'une partie des sommes versées à l'association en contrepartie du logement et des prestations de restauration et d'entretien qu'elle a fournis, relève de la compétence de la juridiction judiciaire ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. Y...à l'association de réinsertion sociale-service d'accueil et d'orientation de Nancy.
Article 2 : Le jugement du tribunal d'instance de Nancy en date du 19 juillet 2016 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Nancy est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 16 mars 2017.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à l'association de réinsertion sociale-service d'accueil et d'orientation de Nancy, au préfet de la Meurthe et Moselle, au ministre de l'intérieur et au ministre des solidarités et de la santé.