Vu, enregistrée à son secrétariat le 10 juin 2016, la lettre par laquelle le greffe de la cour d'appel de Paris a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. A...B...à l'association Philharmonie de Paris, aux droits de laquelle vient l'établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris devant le tribunal de grande instance de Paris ;
Vu le déclinatoire présenté le 8 décembre 2015 par le préfet de la région Ile-de- France, préfet de Paris tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente pour statuer sur la demande tendant à faire exécuter " tous travaux nécessaires à la remise en état de l'oeuvre " sur l'immeuble de la Philharmonie de Paris par les motifs que celui-ci constitue un ouvrage public ;
Vu l'arrêt du 12 avril 2016 par lequel la cour d'appel de Paris a rejeté le déclinatoire de compétence ;
Vu l'arrêté du 29 avril 2016 par lequel le préfet a élevé le conflit ;
Vu, enregistré le 22 juin 2016, le mémoire présenté pour l'établissement public Cité de la musique-Philharmonie de Paris, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que la demande de M. B...a pour objet la réalisation de travaux sur un ouvrage public et que l'article L 311-1 du code de la propriété intellectuelle n'a pas entendu déroger à la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur un tel litige ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. A...B..., à la société Ateliers Jean B...et au ministre de la culture et de la communication, qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Ménéménis, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Delaporte - Briard pour l'établissement public de la Cité de la Musique - Philharmonie de Paris,
- les conclusions de M. Frédéric Desportes, Rapporteur public ;
Considérant que M. A...B...était titulaire, avec la société Ateliers JeanB..., d'un marché de maîtrise d'ouvre conclu en 2007 avec l'association Philharmonie de Paris, maître d'ouvrage, aux droits de laquelle vient l'établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris qui lui a succédé en 2015, pour la conception et la réalisation d'un équipement culturel abritant notamment une grande salle de concert ; qu'estimant que le maître d'ouvrage avait altéré son oeuvre d'architecte au point de la dénaturer, il l'a fait citer devant le tribunal de grande instance de Paris, afin que celui-ci le condamne, sous astreinte, à faire exécuter tous travaux nécessaires à la remise en état de l'oeuvre ; que M. B...ayant fait appel du jugement du 16 avril 2015 par lequel le tribunal de grande instance a rejeté sa demande, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a présenté le 8 décembre 2015 un déclinatoire de compétence en soutenant que la juridiction administrative était seule compétente pour statuer sur une demande tendant à ce que soient ordonnés des travaux sur l'immeuble en cause ; qu'après que la cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 12 avril 2016, rejeté son déclinatoire, le préfet a pris un arrêté de conflit le 29 avril 2016 ;
Considérant que l'article L 331-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : " Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portés devant les tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire " ; que si ces dispositions réservent aux tribunaux de grande instance la connaissance des litiges qu'elles mentionnent, en dérogeant, le cas échéant, aux principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques, elles ne sauraient être interprétées comme donnant compétence aux juridictions de l'ordre judiciaire pour ordonner des mesures de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité d'un ouvrage public ;
Considérant, dès lors, que si le tribunal de grande instance est saisi d'une demande tendant à ce qu'une atteinte au droit moral d'un architecte soit réparée par l'exécution de travaux sur un ouvrage public, il lui incombe de statuer sur l'existence de l'atteinte et du préjudice allégués, mais il doit se déclarer incompétent pour ordonner la réalisation de travaux sur l'ouvrage ; que, dans l'hypothèse où le juge administratif serait directement saisi d'une demande de travaux sur un ouvrage public fondée sur l'existence d'une atteinte au droit moral, il lui incomberait de ne statuer qu'après la décision du tribunal de grande instance compétent, saisi à titre préjudiciel, sur l'existence de l'atteinte et du préjudice allégués ;
Considérant que l'association Philharmonie de Paris, créée par l'Etat et la ville de Paris pour assurer la maîtrise d'ouvrage de l'équipement culturel en cause et pour y développer des actions culturelles au bénéfice du plus large public, exerçait une mission de service public ; que l'équipement dont elle a assuré la maîtrise d'ouvrage, directement affecté au service public dont elle-même, puis l'établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris, ont été chargés, a le caractère d'un ouvrage public ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si la juridiction judiciaire est seule compétente pour se prononcer sur la question de savoir si M. B...a subi un préjudice résultant de la dénaturation qu'aurait fait subir à son oeuvre le maître d'ouvrage, la juridiction administrative est en revanche seule compétente pour statuer, le cas échéant, sur la demande tendant à la réparation de ce préjudice par la réalisation de travaux sur l'immeuble de la Philharmonie de Paris ;
Considérant que le déclinatoire du préfet soutient seulement que la juridiction judiciaire est incompétente pour ordonner la réalisation de travaux sur l'ouvrage public ; que c'est à bon droit que le conflit a été élevé sur ce point ; qu'il y a lieu de déclarer nul et non avenu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en tant qu'il rejette le déclinatoire de compétence du préfet ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 29 avril 2016 par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par M. A...B...devant le tribunal de grande instance de Paris en tant qu'elle tend à ce que soient ordonnés des travaux sur l'immeuble de la Philharmonie de Paris et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 avril 2016 en tant qu'il rejette le déclinatoire de compétence du 8 décembre 2015.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à la société Ateliers JeanB..., à l'établissement public Cité de la musique-Philharmonie de Paris, au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et à la ministre de la culture et de la communication.