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13/04/2015 | FRANCE | N°C3999

France | France, Tribunal des conflits, 13 avril 2015, C3999


Vu, enregistrée à son secrétariat le 5 décembre 2014, l'expédition de l'ordonnance du 2 décembre 2014 par laquelle le tribunal de grande instance de Lyon, saisi d'une demande de la société Worex tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre par la communauté urbaine de Lyon et à ce que soit prononcée la décharge des sommes visées par ce titre, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt du 20 octobre 2013 par lequel la cour administrativ

e d'appel de Lyon s'est déclarée incompétente pour connaitre de ce litige ; ...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 5 décembre 2014, l'expédition de l'ordonnance du 2 décembre 2014 par laquelle le tribunal de grande instance de Lyon, saisi d'une demande de la société Worex tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre par la communauté urbaine de Lyon et à ce que soit prononcée la décharge des sommes visées par ce titre, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt du 20 octobre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon s'est déclarée incompétente pour connaitre de ce litige ;

Vu, enregistré le 2 février 2015, le mémoire présenté pour la société Worex tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaitre du litige au motif que la créance détenue par la communauté urbaine de Lyon est une créance publique, en ce que, en premier lieu, la créance est née de travaux de réfection de la place Bellecour qui ont le caractère de travaux publics et, en deuxième lieu, en ce que les travaux ont été ordonnés sur le fondement des pouvoirs de police de conservation du domaine public dont dispose le président de la communauté urbaine de Lyon ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à la Métropole de Lyon et au ministre de l'égalité des territoires et du logement qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, notamment le III de son article 13 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015, notamment son article 50 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Rémy Schwartz, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan pour la SNC Worex,

- les conclusions de M. Frédéric Desportes, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, à la suite d'une erreur de manipulation, la société Worex a, le 20 novembre 2007, répandu du combustible de chauffage sur la place Bellecour à Lyon ; que la communauté urbaine de Lyon, aux droits de laquelle est venue la Métropole de Lyon, gestionnaire de ce domaine public, a mis en oeuvre les travaux de dépollution rendus nécessaires par cet incident afin de remettre en état les lieux ; qu'elle a émis, le 2 avril 2010, un état exécutoire à l'encontre de la société Worex afin d'obtenir le remboursement du coût de ces travaux ; que la société Worex a contesté le bien fondé de ce titre exécutoire devant la juridiction administrative ; que, par arrêt du 22 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé le jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 novembre 2012 déclinant la compétence de la juridiction administrative pour connaître de ce litige ; que, par ordonnance du 2 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Lyon, estimant que le titre exécutoire portait sur une créance administrative et que la contestation de son bien-fondé échappait en conséquence à la compétence de la juridiction judiciaire, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, le soin de décider sur la question de compétence ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière : " La répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous réserve des questions préjudicielles relevant de la compétence de la juridiction administrative " ; qu'aux termes de l'article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens appartenant à une personne publique (...) et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 116-2 du code de la voirie routière : " Seront punis d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ceux qui : (...) 4° Auront laissé écouler ou auront répandu ou jeté sur les voies publiques des substances susceptibles de nuire à la salubrité et à la sécurité publiques ou d'incommoder le public (...) " ; que le juge judiciaire est ainsi compétent, en vertu de ces dispositions, pour réprimer les infractions à la police de la conservation du domaine public routier ; que sa compétence concerne l'ensemble des cas dans lesquels une contravention à la police de la conservation du domaine public est constituée, que cette contravention ait été poursuivie ou non ;

Considérant que la place Bellecour, ouverte à la circulation des piétons, relève du domaine public routier de la Métropole de Lyon ; que le titre exécutoire en litige a été émis pour recouvrer le coût des travaux de dépollution exécutés par le gestionnaire du domaine à raison de l'écoulement sur cette place d'une substance susceptible de nuire à la salubrité au sens des dispositions du 4° de l'article R. 116-2 du code de la voirie routière ; que le litige relève ainsi du champ de la contravention à la police de la conservation du domaine public routier, quand bien même la contravention n'a pas été poursuivie ; qu'il en résulte que si les travaux de dépollution de la place sont des travaux publics, le juge judiciaire est néanmoins légalement compétent dès lors que le titre exécutoire a pour objet la réparation du préjudice causé au domaine public routier à la suite d'une contravention portée à sa conservation et que l'action introduite par la société Worex pour en contester le bien-fondé se rattache par conséquent au contentieux de la répression des infractions à la police de la conservation de ce domaine ; que dès lors le litige relève de la compétence du juge judiciaire ;

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction de l'ordre judicaire est compétente pour connaître du litige opposant la société Worex à la Métropole de Lyon.

Article 2 : L'ordonnance du 2 décembre 2014 du tribunal de grande instance de Lyon est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Worex, à la Métropole de Lyon et au ministre de l'égalité des territoires et du logement.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3999
Date de la décision : 13/04/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR DES TEXTES SPÉCIAUX - ATTRIBUTIONS LÉGALES DE COMPÉTENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES - DIVERS CAS D`ATTRIBUTIONS LÉGALES DE COMPÉTENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES - DOMAINE PUBLIC ROUTIER - 1) INCLUSION - PLACE OUVERTE À LA CIRCULATION DES PIÉTONS [RJ2] - 2) RÉPRESSION DES INFRACTIONS À LA POLICE DE LA CONSERVATION DU DOMAINE PUBLIC ROUTIER - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE (ART - L - 116-1 DU CODE DE LA VOIRIE ROUTIÈRE) - 3) CONSÉQUENCE - LITIGE RELATIF À UN TITRE EXÉCUTOIRE ÉMIS PAR LA PERSONNE PUBLIQUE POUR RECOUVRER LE COÛT DES TRAVAUX DE DÉPOLLUTION EXÉCUTÉS PAR LE GESTIONNAIRE DU DOMAINE À RAISON DE L'ÉCOULEMENT SUR CETTE PLACE D'UNE SUBSTANCE SUSCEPTIBLE DE NUIRE À LA SALUBRITÉ (4° DE L'ARTICLE R - 116-2 DU CODE DE LA VOIRIE ROUTIÈRE) - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - ALORS MÊME QUE CES TRAVAUX ONT LE CARACTÈRE DE TRAVAUX PUBLICS [RJ1].

17-03-01-02-05 1) Une place ouverte à la circulation des piétons est affectée aux besoins de la circulation terrestre au sens de l'article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) et, appartenant à une personne publique, relève donc du domaine public routier de cette personne.,,,2) Le juge judiciaire est compétent, en vertu de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière, pour réprimer les infractions à la police de la conservation du domaine public routier. Sa compétence concerne l'ensemble des cas dans lesquels une contravention à la police de la conservation du domaine public est constituée, que cette contravention ait été poursuivie ou non.... ,,3) Emission par la personne publique d'un titre exécutoire pour recouvrer le coût des travaux de dépollution exécutés par le gestionnaire du domaine à raison de l'écoulement sur cette place d'une substance susceptible de nuire à la salubrité au sens des dispositions du 4° de l'article R. 116-2 du code de la voirie routière. Le litige relève ainsi du champ de la contravention à la police de la conservation du domaine public routier, quand bien même la contravention n'a pas été poursuivie. Il en résulte que si les travaux de dépollution de la place sont des travaux publics, le juge judiciaire est néanmoins légalement compétent dès lors que le titre exécutoire a pour objet la réparation du préjudice causé au domaine public routier à la suite d'une contravention portée à sa conservation et que l'action introduite pour en contester le bien-fondé se rattache par conséquent au contentieux de la répression des infractions à la police de la conservation de ce domaine. Dès lors le litige relève de la compétence du juge judiciaire.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - CONSISTANCE ET DÉLIMITATION - DOMAINE PUBLIC ARTIFICIEL - BIENS FAISANT PARTIE DU DOMAINE PUBLIC ARTIFICIEL - VOIES PUBLIQUES ET LEURS DÉPENDANCES - DOMAINE PUBLIC ROUTIER - INCLUSION - PLACE OUVERTE À LA CIRCULATION DES PIÉTONS [RJ2].

24-01-01-01-01-02 Une place ouverte à la circulation des piétons est affectée aux besoins de la circulation terrestre au sens de l'article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) et, appartenant à une personne publique, relève donc du domaine public routier de cette personne.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - RÉGIME - CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITÉ - 1) RÉPRESSION DES INFRACTIONS À LA POLICE DE LA CONSERVATION DU DOMAINE PUBLIC ROUTIER - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE (ART - L - 116-1 DU CODE DE LA VOIRIE ROUTIÈRE) - 2) CONSÉQUENCE - LITIGE RELATIF À UN TITRE EXÉCUTOIRE ÉMIS PAR LA PERSONNE PUBLIQUE POUR RECOUVRER LE COÛT DES TRAVAUX DE DÉPOLLUTION EXÉCUTÉS PAR LE GESTIONNAIRE DU DOMAINE À RAISON DE L'ÉCOULEMENT SUR LE DOMAINE PUBLIC ROUTIER D'UNE SUBSTANCE SUSCEPTIBLE DE NUIRE À LA SALUBRITÉ (4° DE L'ARTICLE R - 116-2 DU CODE DE LA VOIRIE ROUTIÈRE) - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - ALORS MÊME QUE CES TRAVAUX ONT LE CARACTÈRE DE TRAVAUX PUBLICS [RJ1].

24-01-02-04 1) Le juge judiciaire est compétent, en vertu de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière, pour réprimer les infractions à la police de la conservation du domaine public routier. Sa compétence concerne l'ensemble des cas dans lesquels une contravention à la police de la conservation du domaine public est constituée, que cette contravention ait été poursuivie ou non.... ,,2) Emission par la personne publique d'un titre exécutoire pour recouvrer le coût des travaux de dépollution exécutés par le gestionnaire du domaine à raison de l'écoulement sur une place appartenant au domaine public routier d'une substance susceptible de nuire à la salubrité au sens des dispositions du 4° de l'article R. 116-2 du code de la voirie routière. Le litige relève ainsi du champ de la contravention à la police de la conservation du domaine public routier, quand bien même la contravention n'a pas été poursuivie. Il en résulte que si les travaux de dépollution de la place sont des travaux publics, le juge judiciaire est néanmoins légalement compétent dès lors que le titre exécutoire a pour objet la réparation du préjudice causé au domaine public routier à la suite d'une contravention portée à sa conservation et que l'action introduite pour en contester le bien-fondé se rattache par conséquent au contentieux de la répression des infractions à la police de la conservation de ce domaine. Dès lors le litige relève de la compétence du juge judiciaire.

TRAVAUX PUBLICS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - COMPÉTENCE - 1) RÉPRESSION DES INFRACTIONS À LA POLICE DE LA CONSERVATION DU DOMAINE PUBLIC ROUTIER - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE (ART - L - 116-1 DU CODE DE LA VOIRIE ROUTIÈRE) - 2) CONSÉQUENCE - LITIGE RELATIF À UN TITRE EXÉCUTOIRE ÉMIS PAR LA PERSONNE PUBLIQUE POUR RECOUVRER LE COÛT DES TRAVAUX DE DÉPOLLUTION EXÉCUTÉS PAR LE GESTIONNAIRE DU DOMAINE À RAISON DE L'ÉCOULEMENT SUR LE DOMAINE PUBLIC ROUTIER D'UNE SUBSTANCE SUSCEPTIBLE DE NUIRE À LA SALUBRITÉ (4° DE L'ARTICLE R - 116-2 DU CODE DE LA VOIRIE ROUTIÈRE) - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - ALORS MÊME QUE CES TRAVAUX ONT LE CARACTÈRE DE TRAVAUX PUBLICS [RJ1].

67-05-005 1) Le juge judiciaire est compétent, en vertu de l'article L. 116-1 du code de la voirie routière, pour réprimer les infractions à la police de la conservation du domaine public routier. Sa compétence concerne l'ensemble des cas dans lesquels une contravention à la police de la conservation du domaine public est constituée, que cette contravention ait été poursuivie ou non.... ,,2) Emission par la personne publique d'un titre exécutoire pour recouvrer le coût des travaux de dépollution exécutés par le gestionnaire du domaine à raison de l'écoulement sur une place appartenant au domaine public routier d'une substance susceptible de nuire à la salubrité au sens des dispositions du 4° de l'article R. 116-2 du code de la voirie routière. Le litige relève ainsi du champ de la contravention à la police de la conservation du domaine public routier, quand bien même la contravention n'a pas été poursuivie. Il en résulte que si les travaux de dépollution de la place sont des travaux publics, le juge judiciaire est néanmoins légalement compétent dès lors que le titre exécutoire a pour objet la réparation du préjudice causé au domaine public routier à la suite d'une contravention portée à sa conservation et que l'action introduite pour en contester le bien-fondé se rattache par conséquent au contentieux de la répression des infractions à la police de la conservation de ce domaine. Dès lors le litige relève de la compétence du juge judiciaire.


Références :

[RJ1]

Cf. TC, 20 février 2006, Commune d'Ormesson-sur-Marne c/ Conseil général du Val-de-Marne, n°3488, p.623 ;

TC, 24 avril 2006, Société Bouygues bâtiment c/ Ville de Paris, n°3493, p. 627.,,

[RJ2]

Cf. CE, 9 avril 2014, Domaine national de Chambord, n° 366483, à publier au Recueil ;

Cass. Crim., 26 mars 2013, n° 12 83893.


Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Rémy Schwartz
Rapporteur public ?: M. Desportes

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2015:C3999
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