N° 3889
Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Melun M. Roger X... c/ Commune de Sainte Colombe
M. Rémy Schwartz Rapporteur
Mme Anne-Marie Batut Commissaire du gouvernement
Séance du 14 janvier 2013 Lecture du 18 février 2013
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition du jugement du 24 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Melun, saisi d'une demande de M. X... tendant à l'annulation du titre exécutoire en date du 3 septembre 2009 par lequel le maire de la commune de Sainte Colombe lui a demandé le versement d'une somme de 26 750, 02 euros au titre du remboursement de frais de justice engagés pour la défense d'agents de la commune victimes de ses agissements délictueux, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de la compétence ;
Vu l'ordonnance du 20 janvier 2009 par laquelle le tribunal de grande instance de Melun s'est déclaré incompétent pour connaître de l'action de la commune de Sainte Colombe contre M. X... en vu d'obtenir le paiement de cette somme ;
Vu le mémoire présenté par la commune de Sainte Colombe qui déclare être indifférente au sort qui sera réservé à la question de compétence ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. X... et au ministre de l'intérieur qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 11 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rémy Schwartz, membre du Tribunal,- les conclusions de Mme Anne-Marie Batut, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire./ (…) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté./. (…) La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires " ; qu'il résulte de ces dispositions que la personne publique est subrogée dans les droits de l'agent dont elle a assuré la protection pour obtenir de l'auteur des menaces ou attaques dont cet agent a été victime la restitution des sommes qu'elle lui a versées pour assurer sa protection ; que la juridiction compétente pour connaître du litige afférent à l'action de la personne publique ainsi subrogée à son agent est, quel que soit le mode de recouvrement de la créance prétendue, celle qui a compétence pour connaître de l'action principale de cet agent ;
Considérant que par arrêt du 6 novembre 2006 devenu définitif, la cour d'appel de Paris a notamment condamné M. X..., ancien maire de la commune de Sainte Colombe (Seine-et-Marne) à 8 mois d'emprisonnement avec sursis pour agression sexuelle par personne abusant de l'autorité et harcèlement sexuel à l'encontre d'agents de la commune ; que la commune ayant engagé une dépense de 26 750, 02 euros pour assurer la protection de ses agents, elle a assigné M. X... devant le tribunal de grande instance de Melun pour obtenir le remboursement de ces sommes en application des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; que par ordonnance du 20 janvier 2009, le tribunal de grande instance de Melun s'est déclaré incompétent pour connaître de l'action de la commune ; que celle-ci a alors émis le 3 septembre 2009 un titre exécutoire de ce montant à l'encontre de M. X... ; que le tribunal administratif de Melun, saisi d'un recours de M. X... contre le titre exécutoire, a, par jugement du 24 mai 2012, décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître de ce litige, et, compte tenu de l'ordonnance du tribunal administratif de Melun du 20 janvier 2009 portant sur un même litige, renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider de la question de compétence ;
Considérant que l'action subrogatoire exercée par la commune à l'encontre de M. X... tend au recouvrement de la créance de nature privée née des sommes versées aux agents communaux victimes des agissements de celui-ci, auxquels elle a accordé sa protection à l'occasion des poursuites judiciaires dont il a fait l'objet au titre de sa faute personnelle ; que par suite, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de la contestation par M. X... du titre exécutoire émis par la commune de Sainte Colombe ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. X... à la commune de Sainte Colombe.
Article 2 : L'ordonnance du tribunal de grande instance de Melun du 20 janvier 2009 est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Melun est déclarée nulle et non avenue à l'exception du jugement rendu le 24 mai 2012 par ce tribunal.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice qui est chargé d'en assurer l'exécution